L’UE va-t-elle investir des milliards dans des infrastructures gazières inutiles ?

Actuellement, des infrastructures d’une valeur de 87 milliards d’euros sont en cours de planification ou de construction en Europe pour le transport ou le stockage du gaz naturel. Pourtant, les émissions du secteur du gaz doivent être réduites de moitié d’ici la fin de la décennie. C’est ce qui ressort d’un rapport du groupe de réflexion Global Energy Monitor. On craint que ces investissements n’empêchent l’Union européenne d’atteindre ses objectifs climatiques.

‘La Commission européenne a déclaré que l’utilisation du gaz fossile devrait diminuer de 36% au cours de cette décennie’, affirme Mason Inman, directeur de programme pour le pétrole et le gaz chez Global Energy Monitor. ‘Par ailleurs, les investissements prévus dans les infrastructures de transport et de stockage du gaz naturel augmenteraient de 35%, par rapport à la capacité d’importation actuelle.’

‘Si ces plans d’investissement sont mis en œuvre, l’Union européenne risque de s’enfermer dans un avenir plus polluant ou de gaspiller des milliards d’euros pour des infrastructures, comme des pipelines, qui ont une durée de vie d’environ 50 ans’, indique-t-il.

‘Les objectifs climatiques ambitieux de l’Union européenne exigent que la consommation de gaz diminue fortement d’ici la fin de la décennie et que cette tendance se poursuive jusqu’au milieu du siècle’, avance M. Inman. ‘Il y a donc lieu de craindre que ces fortes ambitions climatiques ne soient pas respectées ou que des milliards d’euros soient investis dans des infrastructures gazières qui s’avèrent inutiles.

Le gaz naturel (méthane) est souvent considéré dans l’Union européenne comme une forme d’énergie qui devrait faciliter le passage à la durabilité. En effet, le gaz naturel peut, à court terme, constituer une alternative moins polluante pour les États membres qui sont fortement dépendants du charbon pour leur approvisionnement énergétique.

Dans le même temps, il convient de noter qu’il émet tout de même du dioxyde de carbone lorsqu’il est brûlé. A court terme, les fuites de méthane sont également plus nocives pour l’atmosphère que le dioxyde de carbone.

Lobbying

‘Compte tenu des objectifs écologiques, la demande de gaz naturel en Europe doit commencer à diminuer dès aujourd’hui’, prévient Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat. ‘Sinon, nous risquons de gaspiller des milliards d’euros de fonds privés et publics dans des actifs inutiles’.

‘L’ère des combustibles fossiles est révolue. Nous devons investir des fonds publics cruciaux dans les énergies renouvelables fiables et bon marché qui sont disponibles aujourd’hui’.

Une analyse réalisée par le cabinet de conseil Artelys l’année dernière indiquait que l’Union européenne dispose déjà d’une infrastructure suffisante pour assurer l’approvisionnement en énergie. ‘De plus, l’hydrogène ne nécessitera qu’entre 15 et 25 milliards d’investissements supplémentaires’, indique le rapport.

‘Cependant, le soutien aux gaz fossiles reste fort dans de nombreux États membres et chez de nombreux politiciens. Ils continuent de faire pression pour de nouvelles infrastructures, qui, selon eux, conviendraient plus tard aussi pour l’hydrogène. Cet argument est également utilisé par le lobby de l’industrie gazière. En réalité, cette infrastructure n’est adaptée au transport de l’hydrogène que dans une mesure limitée sans modifications majeures’, conclut Artelys.

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