Le rapport annuel des services de renseignement estoniens regorge d’avertissements sur les ambitions démesurées de la Chine. Selon l’Estonie, la superpuissance asiatique veut devenir incontournable en rendant le monde dépendant de sa technologie, tout en étouffant les critiques.
Le petit État balte a une vaste expérience dans l’observation des nations autoritaires avec de grandes ambitions. L’Estonie est voisine de la Russie et doit constamment craindre les plans de Moscou. La relation entre les deux pays est devenue particulièrement tendue depuis 2007. En avril de la même année, la Russie lançait une cyberattaque massive visant des organisations, des banques, des gouvernements et des médias estoniens. À l’époque, il s’agissait de la deuxième plus grande cyberattaque jamais réalisée.
Ses expériences avec la Russie conduisent l’Estonie à une bonne dose de vigilance. Et les Estoniens regardent désormais la Chine avec la même méfiance. Le recours au cyberespionnage et l’amitié renaissante entre Pékin et Moscou les préoccupent particulièrement.
Que dit le rapport?
Selon le service de renseignement estonien, la Chine veut imposer une doctrine géopolitique: une ‘communauté à destin partagé’. Ce destin partagé serait un monde qui ne peut pas critiquer la Chine. Une Chine qui dominerait le monde par sa technologie.
Le plus grand défi, selon les Estoniens, serait la confrontation avec l’hégémonie occidentale. La Chine voudrait particulièrement remettre en cause l’alliance entre l’Europe et les États-Unis.
Pour cela, la Chine utilise son plus grand atout: son énorme puissance économique et son marché gigantesque pour séduire les pays concernés. Cette manœuvre va de pair avec la construction d’une dépendance à la technologie chinoise. Les ambitions 5G de Huawei et le système de navigation mondial BeiDou font partie des instruments que la Chine utilisera, selon l’Estonie, pour piéger les pays occidentaux, mais aussi et surtout les pays en développement.
La Chine souhaite également surveiller davantage de ses citoyens résidant à l’étranger et faire appel aux dirigeants locaux d’autres pays. Cette évolution dure depuis un certain temps, dit l’Estonie. Vous vous souvenez peut-être qu’Yves Leterme, ancien Premier ministre belge, a décroché un poste de haut niveau en 2019 chez l’accélérateur chinois ToJoy. ‘De la pure cupidité au détriment de notre économie’, déclarait Jonathan Holslag, professeur de sciences politiques à la VUB. Holslag expliquait à l’époque que la société chinoise où travaillait Leterme l’avait probablement recruté pour exercer une influence économique au sein de l’Union européenne.
Pékin n’a pas pu conquérir l’Europe de l’Est
Le rapport de l’Estonie fait suite à l’invitation de la Chine auprès de pays d’Europe de l’Est pour une convention en ligne. Le soi-disant ‘sommet 17 +1’. La Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovénie et la Bulgarie y participaient également.
Cependant, la convention a largement échoué. La Chine s’attendait à la présence du Premier ministre de chaque pays, mais seuls des ministres ‘ordinaires’ ont participé. Un signe de défiance pour Xi Jinping, qui dirigeait personnellement la conférence. La Chine a également invité Alexander Loukachenko, le président controversé du Bélarus, à la réunion. Ce qui n’a pas plu aux autres participants.
Outre l’Estonie, cinq autres pays européens ont également émis leurs réserves sur les plans géopolitiques possibles de la Chine cette semaine.