La Suède déchante: ‘L’immunité collective reste un mystère’

Toute l’Europe scrute la Suède. Car depuis le début de la pandémie, le pays scandinave adopte des règles moins strictes que sur le continent, qui reposent largement sur une base volontaire. Mais face à la résurgence des cas, l’épidémiologiste qui conseille l’État suédois et qui est l’architecte de la gestion du virus se montre prudent. Sans toutefois opérer un virage à 180 degrés.

Le 21 septembre dernier, nous vous relayions les chiffres plutôt positifs de la Suède, avec seulement 23 cas par jour et par million d’habitants sur la semaine concernée. Il y en avait par exemple trois fois plus au Danemark à la même période.

Pour plusieurs chercheurs, dont le Danois Kim Sneppen, professeur en biocomplexité à l’Institut Niels Bohr, c’était la preuve que l’immunité collective faisait son effet en Suède.

La réalité est différente aujourd’hui. Le nombre de cas a fait un bon. 515 cas en moyenne par jour sur les 7 derniers jours. C’est mieux que la Belgique, qui possède une taille de population comparable, avec 2.013 cas quotidiens, mais la densité de la population n’est pas du tout la même.

Ramenée au million d’habitants, la Suède est maintenant autour des 50 cas quotidiens. On voit qu’elle suit la même courbe que des pays comme la France, l’Espagne et la Belgique.

Au niveau des décès et des hospitalisations, la situation reste stable pour le moment. Peut-être une question de temps. On sait que sur le continent, c’était encore les cas il y a peu.

À Stockholm, la capitale, une analyse des eaux usées à montrer que le taux d’infection au coronavirus avait doublé durant le mois de septembre, touchant de nombreux jeunes entre 20 et 29 ans. Une situation comparable au continent. Stockholm est sur la bonne voie pour atteindre le record d’infections du printemps dernier.

Cette résurgence des cas fait dire à Anders Tegnell, l’épidémiologiste en chef du royaume, que l’immunité collective tardait à se matérialiser. Interrogé par le Wall Street Journal, le monsieur stratégie de la Suède se montre prudent : ‘Avec le covid, c’est difficile de mesurer l’immunité. C’est un mystère pour moi. Nous avons probablement un certain niveau d’immunité en Suède. Mais lequel, c’est encore un concept flou. Nous ne savons pas comment l’immunité de groupe fonctionne dans le temps.’

Des règles plus ciblées, mais pas forcément plus strictes

À Bruxelles et à Paris, les bars sont désormais fermés. Partout en Europe, on en revient à des mesures plus strictes. La séquence du printemps dernier hante de nombreux politiciens. Cela reste toutefois un mauvais point de comparaison pour positiver ou faire preuve d’excès de prudence. On s’accordera tous pour dire que, quelle que soit la méthode utilisée pour lutter contre le virus, on pouvait difficilement faire pire.

En Suède, pas de fermeture envisagée, pas plus qu’une imposition des masques ou de bulles sociales.

Certaines mesures ont toutefois été affinées:

  • Toute personne présentant des symptômes de type rhume est priée de s’isoler et est encouragée à se faire tester (jusqu’à présent c’était en cas de symptômes graves de type perte d’odorat ou de fièvre).
  • L’isolement doit durer 7 jours.

Pour le reste:

  • Le télétravail est encouragé, ainsi que la distance sociale.
  • Éviter le contact avec les personnes âgées. Il est même demandé aux plus de 70 ans et aux personnes à haut risque de rester chez elles.
  • Interdiction de visites dans les homes, sauf exceptions.
  • Pas d’événement de plus de 50 personnes.
  • Pas de limite de personnes en visite au domicile, mais le gouvernement appelle à la modération.

Rappelons évidemment que la Suède n’a pas adopté de confinement généralisé. Mais le nerf de la guerre reste le même partout : les personnes à risques. À ce jour, la Suède est à 578 morts par million d’habitants, quand l’Allemagne n’en a que 115. En fait, la Suède, comme la Belgique, n’a pu éviter la propagation du virus dans ses maisons de retraite. Et soyons de bon compte en disant que le virus s’est propagé avant le confinement dans les homes de notre pays. Nous sommes en Belgique à 910 morts par million d’habitants.

Encore une fois, c’est à titre indicatif, la densité de population n’étant pas du tout la même, ni la culture des contacts sociaux. Mais le cas de la ville de Stockholm apporte des éléments clairs de comparaison.

L’immunité de groupe : un énorme pari

Que retenir ? Qu’il est bien difficile, pour le moment, de savoir qui a adopté la meilleure stratégie. Beaucoup de facteurs entrent en compte : les Suédois respectent-ils mieux les consignes de base ? Nos mesures plus strictes sont-elles annihilées par d’autres comportements en privé ? La densité, la culture ? Restons humbles, nous ne savons pas.

Ce qui est à peu près certain, c’est que faire confiance à l’immunité collective non-contrôlée reste un énorme pari. Comme l’a montré le Professeur à l’Université de Paris José Halloy avec le cas marseillais: les populations à risque finissent tôt ou tard par être contaminées. Si les jeunes étaient les principaux contaminés au début de l’été, ce n’était plus du tout le cas mi-septembre.

L’exemple de la ville de Manaus, au Brésil, montre aussi qu’il faudra être prêt à compter les morts. Pour une immunité collective qui se dégrade dans le temps.

Qui a dit que ce serait simple ?

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