Face à des libéraux exigeants, les présidents du PS et de la N-VA modifient leur stratégie. Un moyen de leur mettre la pression?
Dès la sortie de sa visite chez le roi vendredi pour un premier rapport intermédiaire, Bart De Wever lâche une petite bombe pour le monde francophone: ‘Personne n’est encore partisan du MR au gouvernement’, confirmant ainsi nos informations sur la volonté de certains négociateurs de vouloir mettre le MR hors-jeu.
Le calcul du PS et de la N-VA est simple: leur ‘bulle de 5’ partis (PS, sp.a, N-VA, CD&V et cdH) compte 69 députés sur 150. Un seul autre parti peut donc suffire pour décrocher une majorité. Face à l’attitude du MR – pas si pressé de voir une coalition se former avec six ministres et une Première ministre dans le gouvernement actuel – ce dernier a été mis sur la touche.
Cette séquence a poussé le duo de présidents libéraux à réaffirmer son unité: ‘pas l’un sans l’autre’, affirmaient-ils de concert dans Le Soir et De Tijd, suivi d’une note de prérequis jugée beaucoup trop libérale: ‘Leur programme électoral, une fable vouée à l’échec’, précisait Bart De Wever à VTM.
Le président du cdH, Maxime Prévaut, confirme le climat ambiant ce lundi dans Le Soir: alors que la discrétion autour de la note PS/N-VA était requise, ‘c’est la seule (famille politique) qui est sortie dans la presse et sur les réseaux sociaux en pointant de manière assez stigmatisante des éléments de contenu de la note de Paul Magnette et Bart De Wever. Et c’est aussi la seule famille qui dit que sans changement significatif de cette note, il n’y a pas de motif à se retrouver ensemble.’
Face à cette attitude, le duo de préformateurs est contraint de réagir. Une invitation à la famille écologiste est lancée, et acceptée dans la foulée. La rencontre devrait avoir lieu demain.
Coup de bluff?
Est-on encore dans une immense partie de poker menteur? Certainement. Il est logique que les libéraux ne signent pas un chèque en blanc à Magnette et De Wever. Ils posent sur la table leurs exigences, pour ensuite en venir aux compromis. Mais leur volonté de repousser une réforme de l’État à la prochaine législature, et de revenir à un équilibre budgétaire d’ici la fin de cette législature ne passe pas. Leur attitude est jugée ‘tout sauf constructive’, ‘à des kilomètres de là où nous pouvons nous trouver’, selon une source socialiste.
L’invitation lancée à Ecolo/Groen est-elle crédible? Voir Ecolo discuter avec la N-VA est déjà spectaculaire en soi. Ce n’est plus arrivé depuis des mois et la mission de Geert Bourgeois (N-VA) et Rudy Demotte (PS). Mais Ecolo, encore bien plus que le PS, est à mille lieues de la N-VA sur de nombreux sujets. ‘Tout oppose Ecolo et la N-VA’, était un slogan de campagne avant même les élections de mai 2019, et on ne peut pas dire que les choses se soient arrangées par la suite entre les deux partis. Et ce qui vaut pour la famille libérale vaut pour les écologistes: un des deux partis est nécessaire, mais pas les deux.
Chez les libéraux, on a bien conscience que cette séquence vise à leur mettre la pression. Seul Egbert Lachaert est sorti de sa réserve ce week-end, sur les réseaux sociaux: il a réaffirmé vouloir adopter une attitude constructive, ne se privant toutefois pas de tacler le contenu de la note PS/N-VA. Côté MR, Georges-Louis Bouchez s’est montré beaucoup plus discret qu’à son habitude. Signal assez frappant: ce sont Denis Ducarme et Philippe Goffin qui ont apporté une réaction. ‘La volonté du MR est de trouver une majorité fédérale’, ont-ils résumé.
Certains voyaient dans l’attitude du MR une volonté de tirer le gouvernement Wilmès jusque septembre et la fin de la confiance pour ensuite poser une sorte d’ultimatum: la prolongation des pouvoirs spéciaux pour gérer la crise ou les élections, ce qui pourrait une nouvelle fois placer les libéraux francophones au centre du jeu.
Tout peut aller très vite en politique. Dans un sens comme dans l’autre. De la discussion avec les verts dépendra la crédibilité de l’invitation lancée ce week-end.
Stratégie déjà payante?
Mais un détail du côté libéral montrerait déjà une certaine bonne volonté de leur part, et une réussite du changement de stratégie entamée par De Wever et Magnette. L’Open VLD a demandé à modifier un communiqué envoyé à Belga. La mise à jour ajoute ceci: ‘L’Open Vld souligne que le contenu du PS et de la N-VA ne doit pas nécessairement être ajusté avant que les négociations puissent commencer.’ En d’autres termes, malgré leurs exigences très libérales, les bleus sont prêts à se mettre à table tout de suite pour trouver des compromis.
Le ton a donc changé par rapport à la semaine dernière. Il nous revient également que le PS n’est pas nécessairement contre le fait de voir le MR revenir dans le jeu. Après tout, sans le MR, pas de majorité côté francophone. ‘Mais nous ne voulons pas d’un gouvernement Michel bis, basé sur la politique de la suédoise’. A moins qu’Ecolo vienne complètement changer la donne.