Pourquoi les pays d’Europe de l’Est sont-ils beaucoup moins impactés par le coronavirus?

Les pays du centre et de l’est de l’Europe sont moins touchés par le covid-19, c’est un fait. Pour expliquer ce phénomène, il y a des raisons évidentes, et d’autres qui le sont moins. Tour d’horizon.

Avec 14.431 cas pour 716 morts, la Pologne est le pays d’Europe de l’est le plus touché par le covid-19. Mais ces chiffres restent bien éloignés de ceux de ses voisins de l’ouest: l’Italie et le Royaume-Uni comptent environ 30.000 décès, l’Espagne et la France, 25.000. Seule l’Allemagne fait davantage figure d’exception avec ses 7.000 morts.

À titre de comparaison, la Roumanie compte 841 morts, la Serbie, 200, la Slovénie, 98, et la Slovaquie, à peine 25. Les pays baltes s’en sortent aussi de manière remarquable.

Parmi les raisons qui sautent aux yeux pour expliquer ce phénomène, on peut citer une population plus jeune, une densité de population plus faible et des contacts moins importants avec la Chine. Quoique ce dernier point semble avoir moins d’importance qu’au début de l’épidémie. L’Institut Pasteur a par exemple révélé qu’en France, plus aucun cas infecté ne provenait d’une souche chinoise ou italienne, mais bien d’un 3e type, introduit indirectement.

Des chercheurs belges estiment toutefois que des différences génétiques peuvent expliquer que certains pays soient plus touchés que d’autres. Le lien entre un gène (ACE1) et le développement du covid-19 a pu être établi. Plus on va vers l’est de l’Europe, plus ce gène ‘résistant’ serait courant (le polymorphisme D du gène ACE1 plus précisément). Mais cela n’explique pas tout.

Ce qu’on ignore davantage, ce sont les mesures prises par les gouvernements de ces pays, il est vrai aidés par les ravages de l’épidémie en Italie, qui a servi d’observatoire. Avec quelques particularités: la République tchèque et la Slovaquie ont par exemple imposé le port du masque très tôt, même à l’extérieur. En Belgique, fin avril, il était encore jugé futile par la ministre de la Santé, Maggie De Block.

Le confinement a également été adopté dans la plupart des pays d’Europe centrale et de l’est, dès le premier cas. Alors que des rassemblements publics se déroulaient encore au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas au cours des 2e et 3e semaines de mars, nos voisins appliquaient déjà un lockdown partiel ou complet. Là encore, la République tchèque et la Slovaquie se démarquent, tout comme la Serbie qui a mis en place un confinement très strict avec un couvre-feu.

L’argument du nombre de tests est par contre moins révélateur. L’Estonie et la Lettonie se détachent clairement dans ce domaine. Mais la Grèce et la Pologne pas particulièrement.

Conscience d’un système de santé moins efficace

L’efficacité des mesures a aussi été influencée par la peur du virus. La crainte suscitée par un système de soins de santé moins performant aurait joué un rôle dans ces pays, estime Ben Stanley, politologue à l’Université SWPS de Varsovie, interrogé par The Guardian. Cette crainte a rendu les populations plus disposées à suivre les ordres, loin des mouvements de protestation que l’on a pu connaitre en Europe occidentale ou davantage encore aux États-Unis. Un constat également établi par le politologue bulgare Ivan Krastev.

Il en va de même pour la Grèce, qui compte 2.645 cas et 146 décès pour 11 millions d’habitants. On ne peut pourtant pas dire que ce pays vit en autarcie, loin de là. ‘À l’instar des pays d’Europe centrale et orientale, la Grèce a eu conscience de la fragilité de son système de santé’, a déclaré George Pagoulatos, économiste à la tête de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère. ‘Cela a incité le gouvernement à prendre des mesures urgentes plus tôt que les autres gouvernements d’Europe occidentale.’

Mais l’Europe de l’ouest se rend-elle vraiment compte, par ailleurs, des bonnes performances de ses voisins de l’est? L’argument qu’il s’agit d’économies émergentes a vite fait de justifier les chiffres impressionnants de l’Europe centrale et orientale. Pour les nouveaux pays de l’UE, il s’agit d’une forme de condescendance qui n’est pas neuve et qui est encore bien diffusée dans l’enseignement occidental.

De manière plus objective, on ne peut que constater l’absence d’attention médiatique pour nos voisins de l’est. Les exemples asiatiques de Taïwan ou de Singapour leur sont souvent préférés.

En tout cas, les conséquences sont là: la République tchèque a pu rouvrir partiellement les magasins dès le 9 avril et a assoupli les règles des voyages d’affaires le 29 avril. La Serbie rouvrira ses cafés et restaurants le 4 mai, idem pour la Hongrie à l’exception de Budapest. Les masques y sont par ailleurs obligatoires dans les transports en commun et les commerces. En Croatie, les contacts rapprochés entre clients (coiffeurs) ont pu reprendre leurs droits ce lundi 4 mai. Le 11, ce sera au tour des bars et restaurants. Enfin en Pologne, les centres commerciaux ont rouvert le 4 mai.

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