Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé que son gouvernement allait mettre en œuvre ce qu’il appelle « un projet fou » : la construction d’un canal parallèle au détroit du Bosphore. « Ouvrir un nouveau canal, parallèle au Bosphore, ce que nous appelons le canal d’Istanbul, est mon rêve. Avec l’aide de Dieu, nous en poserons la fondation à la fin de cette année au début de 2018… il y a un canal de Suez, un canal de Panama, et il y aura un Kanal Istanbul », a déclaré Erdogan le 10 octobre lors d’une conférence à Belgrade. Selon les chiffres du gouvernement, un tel canal pourrait coûter la bagatelle de 10 milliards de dollars. Les opposants affirment que ce chiffre est largement sous-estimé.Le canal débuterait dans la mer Noire par la traversée du lac Küçükçekmece. Il rejoindrait ensuite la mer de Marmara, au cours d’un trajet de 43 km parallèle au détroit du Bosphore, qui sépare l’Europe et l’Asie.
Un désastre environnemental et archéologique
Les opposants s’inquiètent des risques que ce projet posera sur les plans environnemental et archéologique. D’autres soulignent qu’ils risquent d’aggraver encore davantage le déficit budgétaire turc.« Eux, ils appellent ça le projet fou mais nous, nous l’appelons le projet cauchemardesque », dit Onur Akgül, membre d’une O.N.G. environnementaliste. Selon des scientifiques, le canal perturberait l’équilibre entre la mer Noire et la mer de Marmara au niveau d’Istanbul. Il pourrait en résulter un dégagement de sulfure d’hydrogène, qui infecterait la ville d’Istanbul avec une odeur permanente d’œuf pourri.La construction du canal risque aussi de porter atteinte à des sites archéologiques importants, et de perturber les routes migratoires, et même la survie de certaines espèces de poissons. Des sources d’eau douce, dont certaines sont nécessaires pour l’approvisionnement d’Istanbul, seraient définitivement polluées.
Une manne pour l’économie… ou pas
Le gouvernement affirme que le détroit de Bosphore est confronté à une hausse du trafic maritime qu’il ne peut pas soutenir. 53 000 navires l’empruntent chaque année, dont certains transportent des matières dangereuses polluantes. Les accidents sont rares, mais il demeurent possibles.Ankara prévoit que la création du canal stimulera l’économie turque, d’autant qu’il envisage de facturer les bateaux qui emprunteraient le canal. Mais il n’est pas certain que les compagnies maritimes seront prêtes à payer. En effet, elles peuvent utiliser gratuitement le détroit de Bosphore en raison de la convention de Montreux qui oblige la Turquie à garantir la gratuité de passage pour tous les navires civils en temps de paix.