«Ni Mme Merkel ni moi n’étions en fonction lorsqu’on a décidé de faire rentrer la Grèce dans l’euro. […] Ce fut une erreur.» Ces propos sont ceux de Nicolas Sarkozy à la télévision française le 27 octobre dernier. Quelle est la nature de l’erreur à laquelle le Président français fait-il allusion ? Probablement aux conditions qui ont favorisé l’adhésion de la Grèce à l’euro il y a 10 ans de cela : le maquillage de ses comptes, et une probable sous-estimation des conséquences de la faiblesse des pays adhérents de la part des Eurocrates.
En 1998, la Grèce n’était pas parvenue pas à satisfaire la plupart des critères de convergence pour être admise dans la zone euro, en particulier le déficit limité à 3% du PIB, puisque son déficit représentait déjà alors 4% de son PIB. Son Premier ministre, Costas Simitis, va faire adopter une politique d’austérité à son pays, assortie de privatisations, de hausses d’impôts et du blocage des salaires des fonctionnaires, et en décembre 1999, l’UE décide de lever la décision qui constatait le déficit excessif de la Grèce. Un mois plus tard, la drachme est dévaluée.
En avril 2000, des élections législatives anticipées ont lieu, au terme desquelles le PASOK (le parti socialiste grec) est réélu de justesse. La presse salue alors les performances du nouveau gouvernement : l’inflation passe de 8% à 2%, et le déficit de 10% à 2%. La capitalisation double à la bourse d’Athènes. Au même moment, la Commission européenne, la BCE et Robert Goebbels, un Eurocrate luxembourgeois, se manifestent très positivement en faveur de l’entrée de la Grèce dans l’euro. Certains Eurocrates émettent des doutes, mais les avertissements, souvent exprimés à mots couverts, sont brouillés dans des rapports volumineux, et personne n’ose s’opposer ouvertement à l’adhésion de la Grèce.
En réalité, les chiffres présentés ont été gonflés avec une surestimation des excédents des caisses d’assurance sociale et une astuce pour comptabiliser les commandes d’armement, qui ont donné l’illusion de la réduction du déficit grec de 4% en 1997, à 1,8% en 1999. Le déficit réel avait été de 6,6% en 1997 ; il avait bien été réduit de façon importante en 1999, mais il était toujours de 3,4%.
Avec sa dette à 104% de son PIB, la Grèce ne satisfaisait cependant toujours pas le critère lié à l’endettement du pays candidat, qui ne devait pas être supérieur à 60% du PIB. Mais comme d’autres pays (dont la Belgique) avaient été acceptés sans satisfaire ce critère, il était devenu difficile de l’opposer à la Grèce.
Pourtant, son entrée dans l’euro ne fait guère l’unanimité, surtout en Allemagne, où le ministre de l’Economie Otto Graf Lambsdorff parle d’« erreur capitale ». Un député hollandais, Johannes Blokland, évoque des « cadavres dans le placard » et prophétise « une grande dette cachée de l’Etat ». Mais la Grèce obtient le soutien de la France, parce qu’un nouveau membre offre un contrepoids supplémentaire contre l’Allemagne. En outre, dans un contexte où l’euro était en difficulté contre le billet vert, l’entrée d’un nouveau pays donnait un signal d’attractivité de la monnaie unique. Deux votes sont organisés pour décider de son adhésion, qui remportent chacun d’eux environ 380 voix contre 40 voix contre, et 80 abstentions. Le 1er janvier 2001, la Grèce est membre de la zone euro.