Les finances publiques italiennes sont le reflet de l’économie du pays : elles sont au plus mal, comme le système bancaire italien, qui les soutient. En choisissant d’adopter une politique de relance et de défier Bruxelles, le gouvernement italien pose une gigantesque menace pour l’euro.
Le système bancaire italien est très affaibli, et le trésor public l’est tout autant, en raison du marasme dans lequel l’Italie est plongée. Le pays ne s’est jamais remis du passage à l’euro, et a entamé un déclin qui semble inexorable, en raison de sa dette abyssale, qui se monte à 132 % de son PIB, du vieillissement de sa population, de sa corruption élevée, de sa lourde bureaucratie, de sa faible productivité et du manque d’investissements d’infrastructure.
Les banques italiennes et le Trésor, « deux géants ivres qui se soutiennent mutuellement »
Cette année, le FMI a déterminé que l’Espagne avait durablement dépassé l’Italie en termes de PIB par tête depuis 2017, alors que depuis le 16e siècle, les deux économies étaient comparables sur ce critère. Dans les 5 prochaines années, les Espagnols seront 7 % plus riches que les Italiens, et les citoyens de certains pays de l’ancien bloc soviétique, tels que les Slovaques et les Tchèques, seront plus riches que les Italiens.
En conséquence, les finances italiennes, comme les banques du pays, sont très affaiblies. Or, les banques italiennes ont acheté beaucoup d’obligations souveraines, qui risquent de perdre leur valeur, ou de n’être jamais remboursées à terme. Et le gouvernement italien compte sur les banques pour qu’elles continuent de lui prêter de l’argent. « Les banques et le trésor italiens ressemblent à deux géants ivres qui se soutiennent mutuellement, inextricablement liés par leur faiblesse mutuelle. Quand la crise frappera, ils s’effondreront tous les deux », écrit Sean O’Grady, rédacteur en chef de la rubrique économique de The Independent.
Politique monétaire de la BCE : la fête est finie
Le gouvernement italien veut engager une politique de relance fondée sur d’importantes dépenses publiques, qui devraient creuser le déficit budgétaire du pays, pour le porter à 2,4 %. Mais la Commission européenne a retoqué sa proposition de budget, soulignant que l’Italie, comme les autres Etats-membres, était liée par des engagements destinés à assurer la pérennité de la monnaie unique.
Jusqu’ici, les choses se sont maintenues en l’état, parce que la Banque centrale Européenne (BCE) a poursuivi son programme d’achat d’obligations (italiennes, entre autres), ce qui a permis au pays et à ses banques de continuer à fonctionner normalement. Mais la BCE a annoncé qu’elle mettait fin à cette politique.
Toutefois, comme le montre son budget, l’Italie a l’intention d’emprunter encore davantage pour mener à bien son programme électoral. Ou, comme le résume O’Grady : « Ce ne serait peut-être pas si grave si l’argent était destiné à des investissements dans des projets d’infrastructure ; mais il est plus probable qu’il soit destiné à des dons d’argent pour les électeurs italiens. Le gouvernement de coalition populiste « M5S/La Lega » est déterminé à faire quelque chose de concret pour ses partisans exigeants ».
« Les Italiens ne veulent pas quitter l’UE ni même la zone euro ; au contraire, ils veulent qu’elle marche dans leur sens », poursuit-il.
La politique économique de l’Italie, c’est la défiance
Mais tôt ou tard, l’Italie provoquera une nouvelle crise de l’euro. Les défauts de la monnaie unique, mis en évidence par la crise grecque, sont toujours là. Lorsque les Etats-membres sont en difficulté, ils ne peuvent recourir à la dévaluation de leur monnaie, et sont contraints de subir une dévaluation interne, c’est à dire une baisse des salaires et des services publics pour redevenir compétitifs. Ce type de politique est difficile à faire accepter par la population. « Les Italiens tentent simplement de défier [la zone euro]. Cela ne va pas satisfaire les investisseurs », affirme le journaliste, qui rappelle que, contrairement à la Grèce, l’Italie – la 3e économie de la zone euro, et le second pays le plus endetté de l’union monétaire – est bien trop grande pour qu’on puisse lui proposer un plan de sauvetage.
L’Italie terrifie l’UE bien plus que le Brexit
Les marchés craignent l’éclatement de la zone euro, l’effondrement des banques, l’instabilité politique et la contamination des problèmes de l’Italie à d’autres pays de la périphérie de l’euro et de voir l’UE en proie à une propagation économique incontrôlable. Tout cela pourrait mettre fin à l’euro.
« Cela terrifie vraiment Francfort, Bruxelles, Berlin et Paris – et les acteurs financiers au niveau mondial. Ajoutez à cela la crise des migrants, bien qu’elle soit en train de s’atténuer, et la marche des néo-fascistes s’emparant de quelques sièges dans quasiment toutes les législatures, et vous avez un agenda chargé pour l’UE, qui ne laisse que peu de temps pour les arguments redondants et éventés du Brexit », conclut-il.