Marijn Dekkers, le CEO néerlandais du groupe chimique allemand Bayer, a jeté le trouble en raison d’une déclaration qu’il a faite à l’occasion de la conférence Financial Times Global Pharmaceutical & Biotech organisée à Londres au début du mois de décembre. Cette déclaration est publiée cette semaine dans le magazine Bloomberg Business Week.
Alors que l’on demandait à Dekkers si un médicament conçu par la firme indienne Natco Pharma Ltd pour traiter le cancer du foie, du rein et de la thyroïde, qui est une copie du médicament Nexavar de Bayer, mais vendu 97% moins cher (2.100 euros environ par an pour le traitement Natco contre 72.000 euros pour le traitement original de Bayer), pourrait nuire au business-model de sa firme, il a répondu:
« Non, parce que nous n’avons pas développé ce produit pour le marché indien, soyons honnêtes. Nous avons développé ce produit pour les patients occidentaux qui peuvent se le permettre, en toute honnêteté. C’est un produit cher, étant donné que c’est un produit d’oncologie ».
La loi indienne autorise en effet le gouvernement à délivrer des licences aux sociétés indiennes pour qu’elles puissent produire des copies des médicaments si le produit original n’est pas disponible localement, ou s’il n’est pas possible de se le procurer à un prix raisonnable, et ce même lorsque le produit en question est encore protégé par un dépôt de brevet. L’Indien moyen gagne 1.500 dollars par an, et le cas du Nexavar obéit donc à la seconde condition de la mise en œuvre de cette loi.
En mars 2012, Natco Pharma avait obtenu la première licence de cette nature pour produire un générique du Nexavar. Au mois de mars de l’année dernière, une cour a débouté Bayer de sa demande d’interdire Natco de produire cette copie. La firme allemande a fait appel auprès de la Haute cour de Bombay et elle attend le verdict. C’est dans ce contexte que Dekkers a fait sa déclaration. Un peu avant, il avait estimé que les lois indiennes en matière de brevets étaient « essentiellement du vol ».
On peut difficilement accuser Dekkers de malhonnêteté. L’insensibilité avec laquelle les grandes firmes pharmaceutiques placent leurs bénéfices au dessus de l’intérêt des patients les plus pauvres est rarement proclamée aussi clairement.
« Les compagnies pharmaceutiques sont uniquement centrées sur leur profit et de ce fait elles font tout ce qu’elles peuvent pour protéger leurs brevets et appliquer des prix élevés sur leurs médicaments. Les maladies qui ne promettent pas de grands profits sont négligées, et les patients qui ne peuvent pas payer sont éliminés de leurs plans. Elles affirment qu’elles se soucient des besoins en matière de santé dans le monde, mais l’historique de leurs actions dit le contraire », a commenté le Docteur Manica Balasegaram, Executive Director de Médecins Sans Frontières Access Campaign.
Plus tard, Dekkers a posté un commentaire dans Forbes indiquant qu’il regrettait la façon dont sa déclaration avait été accueillie : « Je regrette que ce qui n’était qu’une réponse rapide dans le cadre d’un débat lors de la conférence FT Pharma récente ait été mal interprété. Cependant, j’étais particulièrement frustré par la décision du gouvernement indien de ne pas protéger un brevet sur le Nexavar qui nous a été conféré par l’autorité indienne qui gère les brevets ».
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