Il n’est « pas acceptable » que les États-Unis s’érigent en « gendarme économique de la planète », a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Bruno Le Maire sur RTL la semaine dernière. Quelques heures plus tôt, le président américain Donald Trump avait retiré son pays de l’accord nucléaire conclu avec l’Iran et menacé de sanctions sévères les entreprises qui feraient des affaires avec Téhéran.
La déclaration de Le Maire n’est pas anodine, car la France en particulier menace désormais de devenir l’un des grands perdants de la décision de Trump. Peu après que les Etats-Unis, le G5 (la Chine, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne) et l’UE avaient signé un accord avec l’Iran en 2015 pour mettre un point d’arrêt au programme nucléaire iranien, le président iranien Hassan Rouhani avait été reçu en France avec les égards que l’on réserve normalement aux monarques. Un peu plus tard, Paris a pu annoncer fièrement la signature de contrats pour une valeur de 30 milliards de dollars.
Airbus, Peugeot et Total ont été les grands gagnants du “réveil amical” des relations entre l’Iran et l’Europe occidentale, et certains de nos voisins ont été les principaux investisseurs dans l’État paria, qui au cours des dernières décennies a été boudé par presque toute la communauté internationale. Le graphique ci-dessous appelle peu de commentaires à cet égard. Ce sont les Européens et non les Américains, qui ont profité de l’Iran comme partenaire commercial.
Le dollar dominant
Cela menace de mettre les Français en porte à faux, car même si les États-Unis ne sont peut-être plus ce qu’ils étaient autrefois, le système financier mondial demeure un domaine où ce sont encore les Américains qui distribuent les bons points.
Selon la BRI (la Banque des règlements internationaux), plus des deux tiers du commerce international sont encore réglés en dollars. Les réserves mondiales sont également détenues dans la même proportion en dollars.
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Alternatives au dollar
Pour les Français, cela signifie qu’à moins de vouloir voyager avec des valises pleines de dollars, tôt ou tard, ils devront faire affaire avec une banque américaine en tant que correspondant. C’est justement là que Washington veut coincer Téhéran, en excluant du système financier américain tous ceux qui ne respecteront pas les sanctions, parce que c’est exactement l’objectif de ces sanctions.
Même si l’Europe réussit à maintenir l’accord nucléaire sans les États-Unis, peu de CEO seront tentés de prendre la responsabilité de braver ces interdits, et de faire courir le risque à leur entreprise de se faire exclure du système financier américain. Dans ce domaine, les procès traînent habituellement pendant des années. Si les Américains veulent se montrer particulièrement vindicatifs, les entreprises européennes risquent de subir des conséquences potentiellement catastrophiques.
À plus long terme, des alternatives au dollar se feront jour. 20% des réserves mondiales existent déjà en euros. Mais l’Europe paierait un prix énorme si elle coupait le cordon ombilical avec les États-Unis. Des transactions en yuan chinois ou en crypto-monnaie sont également possibles, mais elles sont encore à un stade embryonnaire, et une percée dans ce domaine est tout simplement irréaliste aujourd’hui. Pour Macron et Cie, pour le moment, il n’y a pas d’autre choix que de soumettre à la domination du dollar américain…