L’excédent commercial de l’Allemagne, première économie européenne, a atteint l’an dernier un montant record de près de 253 milliards d’euros, ont indiqué jeudi les chiffres préliminaires de l’Office fédéral des statistiques. Cette information parvient alors que Peter Navarro, le conseiller économique en chef du Président américain Donald Trump, a dit le mois dernier que l’Allemagne « manipule l’euro ». Une déclaration qui ne s’illustre pas forcément comme étant très judicieuse, mais tout de même… En Europe, de plus en plus de voix s’élèvent contre la politique allemande. Dans le Financial Times, le spécialiste de l’Europe, Wolfgang Münchau, écrit qu’après le déclenchement de la crise financière, l’Allemagne a d’abord rendu ses exportations plus compétitives en comprimant les salaires. Après avoir réussi, le pays a aussi exigé que d’autres pays de la zone euro réduisent les leurs. Et comme les déficits n’étaient plus tolérés en Allemagne, des investissements importants n’ont pas été réalisés ailleurs dans la zone euro.Selon Münchau, cela a conduit la paralysie totale de l’économie de la zone euro, qui a conduit à la décision de la BCE d’injecter massivement de l’argent dans le marché pour stimuler la reprise.
Les BMW et les Audi un quart moins chères qu’en 2014 aux Etats-Unis
Résultat : une Allemagne ultra-concurrentielle a une monnaie à faible parité aujourd’hui. L’euro valait près de 1,40 dollar au début de l’année 2014 ; aujourd’hui, il fluctue autour de 1,07 $. En d’autres termes, une Audi ou une BMW est aujourd’hui environ 25 % moins chère qu’il y a 3 ans aux Etats-Unis.Mais ce n’est pas tout. D’autres commencent à souligner les implications politiques de ce que Münchau qualifie de «politique de crise incompétente » de Berlin. Et qui menacent fort de détruire l’UE.
Excédent commercial = succès économique = monnaie forte. Pas dans le cas de l’Allemagne
Un excédent commercial est le résultat d’un succès économique, il ne faut pas l’oublier. Mais une économie forte conduit normalement à une monnaie plus forte. (ce n’est pas pour rien que le dollar américain vaut aujourd’hui 23% de plus qu’il ya deux ans.) Mais lorsque la monnaie s’apprécie, la compétitivité s’érode en conséquence et crée une nouvelle situation, plus équilibrée.L’Allemagne a échappé à ce mécanisme, car elle partage l’euro avec 18 autres pays, dont aucun ne peut se targuer de présenter des indicateurs économiques aussi enviables. (La plupart des pays de la zone euro ont un déficit commercial, pas un excédent. Notre pays avait en 2015 un déficit commercial de 3,9 milliards d’euros)Cette situation, combinée aux injections illimitées de la BCE, selon Wolfgang Schäuble, la cause de tout, empêche la réévaluation de l’euro.
2 façons de remédier à la situation
Une manière de corriger cette situation serait d’organiser des transferts entre les pays ayant des excédents commerciaux et les pays avec un déficit commercial. Cela pourrait être fait au travers d’investissements et /ou la consommation. Mais comme l’Allemagne refuse (en 2015, le pays a investi seulement 10% de son excédent commercial à l’étranger), le reste a été investi dans des titres étrangers. De cette façon, l’Allemagne prête l’argent qu’elle gagne grâce à son excédent commercial aux pays où elle exporte ses produits, pour qu’ils puissent acheter encore plus de biens allemands) c’est un scénario différent qui risque de se déployer. Un scénario dans lequel la situation sera rectifiée dans l’isoloir.En France on attend avec inquiétude le mois de mai. A Berlin aussi.