Cette semaine, BASF a annoncé la disparition de 600 de ses 3 600 emplois à Anvers. Encore une mauvaise nouvelle pour l’industrie flamande, et plus particulièrement pour l’industrie chimique. Au vu des chiffres de ces dernières années dans l’industrie chimique, cela ne peut surprendre personne. Et malheureusement, ce ne sera probablement pas la dernière mauvaise nouvelle. Notre industrie, et en particulier notre industrie à forte consommation d’énergie, est soumise à une forte pression. L’avenir à long terme de ce type d’activité dans notre pays n’est pas garanti dans le contexte actuel.
Crise de la chimie
Depuis un certain temps, la chimie est sous pression dans notre pays, mais aussi dans une grande partie de l’Europe. Au cours de la dernière décennie, l’activité de l’industrie chimique belge a diminué de 20 pour cent (en volume). Au cours de la même période, le nombre de personnes employées dans le secteur a augmenté de 1 500, ce qui indique que la productivité (l’un des principaux atouts de notre industrie) a été affectée. L’utilisation des capacités dans la chimie de base oscille autour de 70 pour cent depuis trois ans, ce qui est bien inférieur à la moyenne historique de 84 pour cent. La confiance des entreprises dans le secteur de la chimie de base oscille autour de ses plus bas niveaux historiques depuis six mois, ce qui est également très inférieur aux niveaux normaux. Presque toutes les statistiques suggèrent que de nouvelles mauvaises nouvelles sont donc à venir de la part de l’industrie chimique.
L’histoire de la crise des produits chimiques s’applique par extension à l’ensemble de notre industrie à forte consommation d’énergie. Elle aussi est confrontée à une contraction de 20 pour cent depuis 2015, et là aussi, les perspectives restent inquiétantes. Le secteur à forte intensité énergétique est confronté à de nombreux handicaps, mais ces dernières années, c’est surtout le handicap énergétique qui a été le facteur décisif. Les prix du gaz sont 4 à 5 fois plus élevés en Europe qu’aux États-Unis, et 2 à 3 fois plus élevés que dans une grande partie de l’Asie. Cela semble être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, d’autant plus qu’il n’y a aucune perspective d’amélioration dans l’immédiat. En conséquence, les plans d’investissement sont mis en attente, ou tout simplement abandonnés, ce qui est pernicieux pour le secteur à long terme.
Un désastre pour notre prospérité à long terme
Pour l’ensemble de l’industrie, l’activité globale a été tout juste maintenue à flot au cours des 20 dernières années par le boom de la pharma. Mais avec la quasi-stagnation de l’activité industrielle (+3 pour cent sur la période 2005-2025), notre pays est clairement à la traîne du reste de l’Europe. En moyenne dans l’Union européenne, l’activité industrielle a augmenté de 33 pour cent au cours de cette période. La France a connu une augmentation de 10 pour cent, l’Allemagne de 27 pour cent et les Pays-Bas de 47 pour cent.
Le malaise de notre industrie est pernicieux pour notre prospérité à long terme. L’industrie ne représente aujourd’hui « que » 13 pour cent de l’activité économique totale en Belgique. Mais dans plusieurs domaines d’avenir, l’industrie joue un rôle bien plus important. Par exemple, l’industrie représente 45 pour cent des dépenses de R&D des entreprises, est en moyenne deux fois plus productive que le reste de l’économie et représente plus de la moitié de nos exportations. En outre, l’industrie joue également un rôle crucial dans la transition durable (avec des émissions en baisse de 58 pour cent depuis 2008).
En particulier, ses efforts considérables en matière de R&D et sa productivité accrue sont essentiels pour notre prospérité future. Si l’industrie devait sombrer encore davantage (un risque réel dans le contexte actuel), cet impact positif sur notre prospérité pourrait en théorie être remplacé par d’autres secteurs, mais dans la pratique, cela n’est pas évident. Dans ce cas, le scénario le plus probable est celui d’un déclin de notre prospérité.
SOS industrie
Avec le maintien du statu quo, il est presque certain que l’activité industrielle de notre pays va continuer à s’effriter. Il est urgent d’adopter une stratégie globale pour préserver l’avenir de notre industrie. Il ne s’agit pas d’interventions spécifiques adaptées à une entreprise, mais plutôt d’une amélioration sensible du climat général dans lequel les entreprises industrielles (et autres) opèrent. Une telle stratégie commence par l’élimination des handicaps que nous nous imposons à nous-mêmes.
Ci-dessous, ce qui est vraiment nécessaire pour sauver notre industrie :
- Limiter le handicap du coût du travail : le coût du travail dans notre industrie manufacturière est le deuxième plus élevé d’Europe (après le Danemark), 12 pour cent plus élevé que la moyenne des pays voisins et 32 pour cent plus élevé que la moyenne de la zone euro. La réduction de ce handicap passe par un réajustement de la fixation des salaires et une réforme fiscale.
- Remédier au handicap énergétique : les coûts de l’énergie en Europe, et certainement en Belgique, sont aujourd’hui un multiple de ceux de l’Asie et des États-Unis. Ce handicap n’est pas facile à éliminer à court terme, mais une politique énergétique cohérente au niveau européen devrait pouvoir le réduire.
- Des permis plus fluides : les difficultés d’obtention des permis, et surtout l’incertitude qui les entoure, sont préjudiciables aux décisions d’investissement. Les procédures doivent être plus rapides et plus efficaces, et surtout dans un cadre juridiquement plus sûr. Le rapport du comité d’experts indique la voie à suivre.
- Moins de réglementation : toutes nos entreprises, y compris l’industrie, sont confrontées à un grand nombre de réglementations (y compris dans le domaine de la durabilité et des conditions sociales) et de charges administratives. Une certaine réglementation est évidemment nécessaire, mais le balancier va beaucoup trop loin depuis longtemps.
- Un marché du travail plus flexible : les conditions strictes en matière d’organisation du travail (y compris le travail de nuit) font qu’il est plus difficile pour les entreprises de résister aux concurrents étrangers. Un marché du travail plus flexible y contribuerait.
- Plus d’espace pour les entreprises : la Flandre manque de sites utilisables et accessibles pour les activités industrielles. Cela limite les possibilités d’investissement dans le secteur. Des efforts sont nécessaires, en particulier au niveau local, pour libérer davantage d’espace pour les entreprises.
- Plus d’attention au commerce international : le commerce international est un moteur essentiel de notre économie et de notre industrie. Ce commerce est sous pression en raison du nombre croissant de barrières commerciales et de l’opposition à la mondialisation. Pour pouvoir continuer à exploiter le potentiel du commerce international, les accords commerciaux internationaux deviennent de plus en plus importants. La Belgique devrait être un pionnier en Europe à cet égard (et non plus un inhibiteur).
Pour l’avenir de l’industrie, les choses doivent toutefois se passer maintenant. Les décisions d’investissement qui déterminent cet avenir sont prises maintenant. Et les activités industrielles qui partent ne reviendront pas. Il est urgent d’agir.
Bart Van Craeynest
Économiste en chef chez Voka et auteur de « België kan beter »
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