L’Arabie saoudite et les États-Unis travaillent sur un accord visant à normaliser les relations entre les deux pays. Une nouvelle qui intervient après que le gouvernement Biden a d’abord cherché à se distancer du royaume suite au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et d’autres actions controversées du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Le « pétrodollar » a-t-il atteint son apogée ?

Pourquoi est-ce important ?
Le nouveau contrat doit refléter la vision de Joe Biden selon laquelle l'Amérique doit demeurer un acteur central au Moyen-Orient. Les États-Unis cherchent à contenir l'Iran, à isoler la Russie et à contrer les tentatives de la Chine de remplacer les intérêts de Washington dans la région. C'est dans cette dynamique que le dollar américain joue un rôle central.Dans l’actu : L’accord devrait être officialisé avant les élections présidentielles américaines de 2024 et repose sur trois conditions :
- La reconnaissance par l’Arabie saoudite de l’État d’Israël,
- La limitation des relations entre le royaume et la Chine, et
- La préservation du pétrodollar.
En échange, les États-Unis s’engageraient à faire des concessions concernant la création d’un État palestinien. Les États-Unis offriraient également aux Saoudiens des garanties de sécurité et une assistance nucléaire civile.
Le « pétrodollar » règne en maître dans le monde
Zoom-avant : Depuis un certain temps, des spéculations circulent sur la reconnaissance par les Saoudiens de l’État juif, et l’influence croissante de la Chine au Moyen-Orient est depuis longtemps une préoccupation pour les Américains. Mais c’est surtout la protection du « pétrodollar » qui attire toute l’attention.
- Dans les années 1970, les États-Unis ont conclu un accord avec l’Arabie saoudite. Les États-Unis protégeraient le royaume, et l’Arabie saoudite veillerait à ce que le pétrole soit vendu en dollars. Cela signifiait que le monde avait besoin de dollars, car chaque pays sur la planète avait besoin de pétrole pour éviter que leurs économies ne s’arrêtent subitement.
- Le « pétrodollar », comme on l’appelle, joue depuis lors un rôle crucial dans le statut du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale. Le système repose sur l’énergie. Mais lorsqu’on change la manière dont l’énergie est échangée, le système est également remis en question au fil du temps.
- De plus en plus de pays tentent en attendant de s’affranchir de l’influence du dollar américain. Comme l’ont déjà expérimenté l’Iran, le Venezuela, la Russie et d’autres, les sanctions qui isolent ces pays du puissant système bancaire américain leur rendent la vie difficile.
- D’autres pays anticipent de telles sanctions éventuelles. Lors d’une réunion à la fin de l’année dernière entre les dirigeants des États du Golfe, de la Ligue arabe et du dirigeant chinois Xi Jinping, ce dernier a plaidé en faveur de la cotation des transactions pétrolières en yuan plutôt qu’en dollar.
- Un fantasme, car la proposition a été rejetée par les producteurs de pétrole impliqués.
- Pourquoi les géants pétroliers passeraient-ils à une monnaie manipulée gérée par une machine financière opaque et imprévisible ? Surtout lorsque la plupart des devises des pays producteurs de pétrole sont liées au dollar américain.
Ce n’est pas le « pétroyuan », mais les CBDC qui préoccupent Washington
Zoom-arrière : Le fait que les Américains insistent toujours pour que le pétrole continue d’être payé en dollars indique tout de même que Washington n’est pas tout à fait rassuré à ce sujet.
- Ce n’est pas tant le yuan chinois qui inquiète Biden, mais plutôt l’introduction des CBDC (monnaies numériques de banque centrale).
- Un CBDC est la forme numérique de la monnaie fiduciaire d’un pays. Les CBDC pourraient rendre les services financiers plus accessibles aux personnes n’ayant pas de comptes bancaires traditionnels, ce qui pourrait être particulièrement important dans les pays moins développés.
- Les banques centrales pourraient également assumer un nouveau rôle en tant qu’agents de compensation pour les entreprises exportatrices et importatrices de leur pays, utilisant ensuite les CBDC pour échanger directement avec leurs homologues étrangers.
- De cette manière, elles rendraient superflues les puissantes banques de Wall Street basées sur le dollar, telles que J.P. Morgan et Citibank. Une part considérable des frais de transaction annuels de 120 milliards de dollars facturés par les banques et autres intermédiaires serait éliminée.
- Selon certains, cela pourrait conduire à un monde avec plusieurs devises où aucune devise ne serait plus dominante. Un résultat potentiellement rendu possible par les mécanismes de règlement des CBDC, qui annuleraient le besoin d’intermédiation par des devises de réserve (à savoir le dollar et, dans une moindre mesure, l’euro, le yen et la livre sterling).
- Le Fonds monétaire international travaille également sur le développement d’une plateforme mondiale de CBDC conçue pour faciliter les transactions entre différents pays.
- « Un monde avec plus d’une devise de réserve est un monde plus stable », a récemment déclaré Tommaso Mancini-Griffoli, chef de division au Fonds monétaire international.
En conclusion : Le pétrodollar demeure un énorme privilège pour les Américains, qu’ils défendront bec et ongles. Reste à savoir combien de temps les États-Unis pourront maintenir ce privilège en place.
(SR)