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Près de 80 ans après la fin de l’Allemagne nazie, la menace de l’extrême droite est plus réelle que jamais

Près de 80 ans après la fin de l’Allemagne nazie, la menace de l’extrême droite est plus réelle que jamais
Alice Weidel, co-présidente du parti politique d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), Tino Chrupalla et Stephan Brandner, membres de l’AfD. (Photo by Jens Schlueter/Getty Images)

L’Allemagne est à la croisée des chemins : se tournera-t-elle vers l’avenir en ne répétant pas les mêmes erreurs qu’autrefois, ou regardera-t-elle avec nostalgie la pire période de son histoire ? Le chancelier Olaf Scholz met en tout cas les bouchées doubles pour éloigner cette deuxième option, alors que le parti d’extrême droite AfD ne cesse de gagner en popularité.

Pourquoi est-ce important ?

L'Allemagne ne peut plus se mettre d'œillères face à la menace de l'extrême droite. Alors que le pays a une politique de mémoire très forte envers la période la plus sombre de son histoire, les crimes commis par les nazis étant notamment enseignés très tôt dans les écoles allemandes, la xénophobie, l'antisémitisme et leur lot de théories du complot sont plus réels que jamais. Berlin doit agir pour ne pas voir l'histoire se répéter une seconde fois en moins d'un siècle.

Dans l’actu : En se rendant dans un bastion de l’AfD dans l’est du pays, en Thuringe, le chancelier allemand Olaf Schölz a multiplié les critiques contre le parti d’extrême droite. 

  • Il a promis de combattre les “adversaires de la démocratie” et a plaidé pour une société libre et ouverte, source de paix et de prospérité au cœur de l’Europe.
  • Ce discours répondait à une question d’un citoyen qui s’inquiétait de la progression de l’extrême droite. Scholz a dénoncé sans ambiguïté l’AfD, qu’il a accusée de jouer sur les peurs des gens, de diviser la société et de vouloir affaiblir l’Union européenne.
  • « Je n’irais pas jusqu’à dire que la démocratie est sapée, mais il y a certainement des ennemis de la démocratie », a déclaré le chancelier. « Nous ne pourrons pas éviter de prendre position et de dire que nous défendons la démocratie et la liberté que nous avons obtenues. »
  • Ces déclarations interviennent après un rassemblement de l’AfD le week-end dernier à Magdeburg, un de ses bastions de l’est du pays, où plus de 600 délégués se sont réunis pour peaufiner le programme pour les élections européennes de l’année prochaine – et en préambule des fédérales allemandes de 2025.

Le contexte : Créée il y a dix ans à peine, l’AfD est loin d’être restée une force marginale.

  • En 2017, l’AfD a fait son entrée au Bundestag. Elle y compte aujourd’hui 78 élus sur 736, soit le cinquième groupe parlementaire.
  • Depuis sa création, le parti a grimpé en flèche dans les sondages et semble désormais prêt à s’affirmer comme la deuxième force populaire la plus populaire d’Allemagne. Créé à l’origine comme un parti anti-euro, il s’est transformé en un parti anti-islam et anti-immigration.
  • Il est désormais crédité d’un score entre 19% et 22% dans les dernières enquêtes d’opinion, devançant les sociaux-démocrates de Scholz et talonnant le bloc chrétien-démocrate CDU/CSU (26% à 27%).
  • Le soutien à l’AfD a même grimpé à environ 30% dans les États de l’est, dont la Thuringe, surnommée le « cœur vert de l’Allemagne ». Elle est aussi la plus plébiscitée en Brandebourg et en Saxe.

L’AfD répond aux préoccupations des Allemands

Les causes : L’Europe dans son ensemble voit une montée de l’extrême droite, mais l’Allemagne y semble plus sensible que la moyenne. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance chez nos voisins.

  • L’immigration : une part de la population s’inquiète de l’arrivée en masse des migrants de toutes parts – Afrique subsaharienne, Turquie, Ukraine. Cela profite à l’AfD, qui veut freiner des quatre fers l’immigration en Allemagne.
    • L’Allemagne s’apprête à battre le record du nombre de demandeurs d’asile en une seule année depuis le sommet de la crise migratoire européenne, avec une hausse de plus de 75% du nombre de nouvelles arrivées en 12 mois. Depuis le début de l’année, le pays a enregistré près de 175.000 demandes d’asile, alors qu’il n’en avait reçu « que » 218 000 sur toute l’année 2022.
    • Référence effrayante au passé : selon l’AfD, posséder un passeport allemand ne suffit pas pour être allemand. Cela contredit pourtant la constitution, qui interdit les discriminations des citoyens fondées sur les origines familiales, la religion ou la culture.
  • Le parti joue sur l’inflation persistante (6,5% en juillet), qui donne à une majorité d’Allemands (80%) un sentiment d’abandon par le gouvernement, selon une étude récente.
  • Les mesures en faveur du climat : alors que les Allemands s’inquiètent de l’impact des nouvelles politiques climatiques visant le « zéro émission nette » sur leurs habitudes (et leurs finances), l’AfD conteste le rôle des humains dans le changement climatique mondial.
  • L’AfD s’appuie aussi sur un discours résolument anti-européen : elle considère que l’Union européenne est “un projet en faillite” qui a besoin d’une réforme radicale, et réclame que l’UE rende de nombreux pouvoirs aux États membres.
    • À ce sujet, Olaf Scholz répond que « ce pays a grandement bénéficié de son adhésion à l’Union européenne. La grande prospérité de l’Allemagne ne serait pas possible sans l’appartenance au marché unique de l’UE. »
  • L’ArD profite aussi des tensions persistantes entre les dirigeants des deux plus petits partis de la coalition de Scholz : les Verts, qui réclament plus de dépenses pour le climat (d’où l’accueil très froid de la population), et les Libéraux, menés par le ministre des Finances Christian Lindner.

Une lueur d’espoir pour Scholz et les militants anti-extrême droite ? Une chose semble différencier l’Allemagne des autres pays européens : aucun des autres grands partis allemands n’envisage de s’allier avec l’AfD, que ce soit au niveau national ou régional.

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