1 an de guerre en Ukraine : 5 leçons économiques à retenir

L’économie belge a remarquablement bien résisté à l’année dernière, mais les dommages structurels que cette crise laissera derrière elle ne sont pas encore là. Quoi qu’il en soit, la guerre en Ukraine a déclenché des changements importants, notamment une accélération de la transition énergétique, une augmentation structurelle des dépenses de défense et un rôle accru des considérations géopolitiques.

1. Une économie résiliente

Le schéma de la pandémie s’est poursuivi au cours de l’année écoulée. Malgré tous les scénarios d’apocalypse, le taux d’inflation le plus élevé depuis les années 1970, la chute de la confiance des consommateurs à des niveaux historiquement bas et la forte anxiété des entrepreneurs, notre économie a remarquablement bien résisté. Aucune croissance économique négative n’a été enregistrée en 2022, et à la fin de l’année, l’activité économique totale (corrigée de l’inflation) était supérieure de 1,4 % à celle de l’année précédente. Et les premières indications pour le début de 2023 laissent également entrevoir une croissance limitée, mais positive. Ainsi, notre économie semble pouvoir éviter la récession au cours de cette crise. Comme lors de la crise virale, cela confirme une fois de plus la souplesse et la résilience de nos citoyens et de nos entreprises. L’effet stabilisateur de notre État-providence et les efforts supplémentaires de nos gouvernements ont également joué un rôle important.

2. Vulnérabilité aux chocs d’inflation

La principale préoccupation de nos responsables politiques au cours de l’année écoulée a été de protéger autant que possible les ménages du choc de l’inflation, alors que nous disposons déjà de la meilleure protection de toute l’Europe avec l’indexation automatique des salaires. Cela a très bien fonctionné : selon les dernières estimations du Bureau du Plan, le pouvoir d’achat moyen des familles belges augmentera de 2,5% en 2022-2023 (en plus de l’inflation, pour être clair). L’idée fausse reste que cela permet de compenser entièrement celle-ci, alors que la facture a simplement été répercutée sur les entreprises. Celles-ci doivent alors absorber le choc avec des économies, des réductions d’investissements ou en délocalisant des activités à l’étranger, ce qui cause des dommages structurels à notre économie à long terme. Notre système assez unique basé sur l’indexation automatique permet d’atténuer l’impact à court terme de l’inflation, mais rend cet impact plus durable et structurel. De cette manière, notre économie reste plus vulnérable aux vagues d’inflation que les pays qui nous entourent.

3. Plus de travail pour la transition énergétique

La guerre et son impact sur les approvisionnements en gaz depuis la Russie ont mis en évidence la vulnérabilité de notre économie aux perturbations des marchés énergétiques. Revoir l’option nucléaire, accélérer les investissements dans les énergies renouvelables, être beaucoup plus efficace sur le plan énergétique, renforcer la coopération européenne en matière de politique énergétique… Des mesures ont été prises dans chacun de ces domaines au cours de l’année écoulée, mais une stratégie énergétique solide garantissant notre approvisionnement à long terme à des prix raisonnables n’est pas encore en place. Des efforts et des investissements supplémentaires sont donc nécessaires pour la transition énergétique.

Énergie issue des sources renouvelables.

4. Augmentation des dépenses de défense

La guerre en Ukraine montre clairement que la politique européenne, et certainement belge, en matière de défense a été trop indulgente ces dernières années. Cette politique était principalement alignée sur l’OTAN, mais sans l’effort financier nécessaire. Les dépenses publiques moyennes de l’Union européenne s’élevaient à 1,3 % du PIB en 2020, ce qui est bien inférieur à l’objectif de 2 % fixé par l’OTAN pour les dépenses de défense. Avec 0,9 % du PIB, la Belgique figure d’ailleurs depuis des années parmi les plus mauvais élèves de la classe. Plusieurs pays européens, quant à eux, ont déjà indiqué qu’ils souhaitaient atteindre ces 2%. La Belgique ne peut probablement plus se permettre d’être à la traîne. Cet objectif impliquerait pour nous une dépense publique annuelle supplémentaire de 6 milliards (en euros d’aujourd’hui) pour la défense. Il faudra créer de la place pour cela dans le budget, ce qui ne sera pas évident.

5. La géopolitique comme facteur économique important

Le libre-échange et la mondialisation étaient sous pression depuis un certain temps, mais la guerre a également remis au premier plan l’importance des considérations géopolitiques. Sa poursuite reste incertaine, les relations entre l’Occident et la Russie ne se normaliseront pas rapidement, les tensions entre la Chine et les États-Unis augmentent, les positions dominantes sur les marchés mondiaux des matières premières et de l’énergie joueront à nouveau un rôle plus important… Ces « conflits » se dérouleront sur le plan politique, mais aussi de plus en plus sur le plan économique. L’Europe aussi devra, plus qu’avant, assumer son rang dans ce jeu géopolitique. Ces dernières décennies, l’Europe a surtout opté pour le mécanisme du marché et a négligé de renforcer sa position géopolitique. Cette approche n’est plus tenable.


Bart Van Craeynest est économiste en chef chez Voka et auteur du livre « Terug naar de feiten ».

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