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Xi, Poutine, et les réserves d’énergie d’Asie centrale : des « liens sans faille » déjà en train de se fissurer ?

Xi, Poutine, et les réserves d’énergie d’Asie centrale : des « liens sans faille » déjà en train de se fissurer ?
Les présidents russes et chinois, de grands amis ? A voir… (Photo by ALEXEI DRUZHININ/Sputnik/AFP via Getty Images)

Alors que Pékin suivait une ligne plutôt attentiste sur la guerre en Ukraine, refusant de condamner l’invasion sans pour autant prendre parti officiellement, les récentes – et retentissantes – défaites de l’armée russe ont fait pâlir l’étoile de Vladimir Poutine aux yeux de l’Empire du Milieu.

Rien de bien explicite : le président russe va rencontrer son homologue chinois Xi Jinping ce jeudi à Samarcande, en Ouzbékistan, dans le cadre du sommet de l’OCS, une réunion annuelle des dirigeants eurasiens consacrée à la politique, à l’économie et à la sécurité régionales. Les deux dirigeants ont également une tournée au Kazakhstan voisin, et le symbole est fort, car pour Xi Jinping il s’agit de son premier déplacement international depuis le début de la pandémie de coronavirus. Mais derrière les boniments, on peut déjà percevoir les premières fissures dans les « liens sans faille » censés unir Chine et Russie. Car derrière les serments d’amitié de cette année, il y a de vieilles rivalités.

Du gaz, du pétrole, et une Route de la soie

La Chine s’est engagée dans une grande lutte à long terme pour affermir son influence mondiale et garantir son indépendance énergétique ; deux objectifs qui passent par les pays d’Asie centrale, riches en gaz et en pétrole, et sur le tracé de l’initiative « belt and road » lancée en 2013 – depuis le Kazakhstan justement – afin de relier la Chine au marché mondial par une série de nouvelles infrastructures transcontinentales, et souvent qualifiées de « nouvelle Route de la soie » en Occident. L’Asie centrale est « au cœur des stratégies de Xi », estime auprès de The Guardian Therese Fallon, directrice du Centre d’études Russie Europe Asie. « Si nous pensons à la grande stratégie de la Chine… il est assez clair qu’elle a poussé vers l’ouest. »

Vers l’ouest, donc vers les anciennes républiques soviétiques du centre asiatique, que la Russie de Poutine tente de maintenir dans sa zone d’influence. On l’a vu en particulier au Kazakhstan, en proie à de graves troubles plus tôt cette année, qui ont été réprimés dans le sang avec l’aide au moins passive de l’armée russe, déployée dans le cadre d’une intervention de l’OSTC, sorte d’équivalent russe de l’OTAN dans la région. Mais depuis les relations se sont tendues avec le gouvernement kazakh, qui a refusé de reconnaître les républiques séparatistes du Donbass soutenues par la Russie en Ukraine, et qui compte bien vendre son gaz à l’Union européenne – court-circuitant ainsi au moins partiellement la stratégie de Poutine contre l’Occident. L’ancien président russe Dmitri Medvedev a depuis évoqué un « génocide des Russes » en cours au Kazakhstan.

On écoute de moins en moins l’ours russe

C’est sans conteste pour tenter de raffermir les liens avec l’ancienne « république sœur » que Poutine fera halte au Kazakhstan, de même pour les autres pays d’Asie centrale qui semblent de moins en moins enclins à suivre la ligne directrice de Moscou ; l’attaque azerbaïdjanaise sur l’Arménie en est un autre exemple, alors que c’est justement l’armée russe qui était censée maintenir en vigueur le cesser-le-feu entre ces deux autres anciennes républiques soviétiques. Avec, là encore, des réserves de gaz qui partent vers l’Europe, au grand dam de Moscou. Ce qui laisse un vide dont Pékin pourrait bien profiter pour devenir le nouveau partenaire privilégié de la région.

Avant cette rencontre entre les deux présidents, les responsables russes ont déclaré que les deux dirigeants avaient un « programme complet et détaillé » pour les discussions, et certains analystes ont dit qu’ils s’attendaient à ce que Poutine cherche davantage d’aide de la Chine après que la Russie ait subi l’un de ses pires revers dans la guerre.

Jeu à trois bandes pour équilibriste

Reste à voir toutefois en quoi l’Empire du Milieu est prêt à s’impliquer. Selon Moscou, Li Zhanshu – le numéro 3 du régime – a déclaré vendredi dernier aux législateurs russes que la Chine « comprend et soutient la Russie », notamment « sur la situation en Ukraine ». Le compte rendu chinois a simplement indiqué que Pékin « continuerait à travailler avec la Russie pour se soutenir fermement l’un l’autre » sur les intérêts fondamentaux. De toute évidence, du côté de Xi Jinping on envisage de continuer à jouer les équilibristes entre son soutien à Moscou et son souhait d’éviter l’impact indirect sur son économie des sanctions imposées à la Russie par l’Occident. Et ce, sans oublier ses propres ambitions en Asie centrale.

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