La Vivaldi a trouvé la faille pour exporter du matériel nucléaire à l’armée britannique, et mettre Ecolo et Groen sur la touche au passage

La Vivaldi se démêle d’un nœud diplomatique douloureux avec le Royaume-Uni, et dans le processus, les Verts sont mis sur la touche. Le gouvernement fédéral n’avait pas pu délivrer une licence d’exportation pour une presse à haute pression de la société anversoise spécialisée EPSI. Or l’armée britannique a besoin d’une telle presse isostatique pour entretenir son arsenal nucléaire. Seulement, le dossier, tant militaire que nucléaire, s’est heurté à Ecolo et Groen, qui ont opposé leur veto par le biais d’une commission fédérale, la CANPAN. Cela a entraîné des réactions particulièrement vives : au sein du gouvernement, on s’indignait des fuites dans la presse, mais aussi que la Belgique refuse de fournir un allié de l’OTAN. Et en plus, les Britanniques nous ont menacés de représailles : une commande de plusieurs centaines de millions d’euros à la FN Herstal risquait de passer à la trappe. « Nous avons maintenant résolu ce problème. Nous avons gentiment et discrètement informé les Britanniques de retirer leur demande actuelle. Une nouvelle procédure d’exportation sera alors non-nucléaire, et donc sans les Verts », a déclaré un vice-premier ministre. D’autres sources gouvernementales haut placées ont confirmé : la Vivaldi évite ainsi de perdre la face.

L’actu : Finalement, l’exportation de matériel belge de haute technologie à l’armée britannique se fera bel et bien.

Les détails : Une solution à la Belge, ou « extralégale » si vous préférez : la procédure actuelle était bloquée par l’opposition politique d’une partie de l’équipe fédérale, alors mieux vaut régler l’affaire via une tout autre procédure, donc sans Ecolo et Groen.

  • Le dossier est très confidentiel, car il s’agit là de secrets militaires et, qui plus est, de nature nucléaire, dans une affaire qui concerne un de nos proches alliés. Aussi, lorsque le dossier a fait l’objet d’une fuite dans les milieux gouvernementaux en novembre, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a réagi de manière particulièrement virulente. Le vice-premier ministre David Clarinval (MR), qui serait à l’origine de la fuite selon De Croo, en a fait les frais, tant de la part du Premier que du vice-premier ministre Ecolo, Georges Gilkinet. Le libéral, normalement très aimable à la table des négociations, a vigoureusement nié ces accusations.
  • Mais la fuite a déclenché une grosse affaire politique, qui a causé des maux de tête à la Vivaldi. Une livraison d’équipement de haute technologie, destinée à l’armée britannique, se retrouvait complètement bloquée. Et derrière, Ecolo et MR s’affrontent une fois de plus à couteaux tirés.
  • Tout tourne autour de la livraison d’une presse isostatique, de la société spécialisée anversoise EPSI. Les Britanniques en ont besoin pour entretenir leur matériel nucléaire militaire (notamment les sous-marins et les armes nucléaires). Et une telle presse est tout à fait unique au monde : il n’y a pas d’alternatives pour les Britanniques.
  • Historiquement, d’ailleurs, l’industrie de l’armement wallonne ne voulait plus être coincée par les problèmes de conscience des Flamands au niveau fédéral. Cette communautarisation des licences d’exportation est apparue après la chute du gouvernement Martens VIII, en 1991, dans un contexte d’exportation d’armes de la FN Herstal vers l’Arabie Saoudite.
  • Mais comme la demande d’exportation concernait un « dossier nucléaire », le niveau fédéral est soudain redevenu compétent, via la commission fédérale CANPAN (Commission consultative pour la non-prolifération des armes nucléaires). La ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) en fait partie, et pour Groen, comme pour Ecolo, ce dossier a déclenché l’alarme : une combinaison de matériel militaire et nucléaire, c’était bien trop difficile à avaler, surtout pour Jean-Marc Nollet (Ecolo) et ses partisans les plus radicaux.
  • Résultat ? Pas de vente, et l’inversion historique des rôles : pas d’exportations d’armes flamandes en raison de problèmes de conscience à l’échelon fédéral. Mais c’est surtout au sein de la Vivaldi que les réactions ont été passionnées. D’autant qu’au niveau diplomatique, avec le MR aux Affaires étrangères, entre autres, cette affaire a provoqué des frictions particulièrement fortes avec les Britanniques, qui n’y ont rien compris.
  • Des sources haut placées, et même plusieurs vice-premiers ministres, ont évoqué « un dossier hallucinant et défiant les cieux » : « Nous avons des alliés au sein de l’OTAN, ainsi qu’un contexte très conflictuel aux frontières de l’Europe. Et voilà qu’Ecolo va dire tout d’un coup que nous ne pouvons pas fournir des équipements militaires, à un de nos partenaires de l’OTAN ? »

Le tableau d’ensemble : Les enjeux étaient pourtant encore plus importants que ça, avec entre autres les exportations d’armes de la FN Herstal, dont le gouvernement wallon est l’unique actionnaire.

  • Avec la fuite du dossier en novembre, les choses se sont emballées. Car les Verts ne pouvaient et ne voulaient pas revenir sur leurs principes, mais en même temps, les Britanniques augmentaient fortement la pression. De l’autre côté de la Manche, le refus belge n’est vraiment pas bien passé.
  • Les menaces étaient importantes : un gros appel d’offres pour des munitions destinées à l’armée britannique, estimé entre 300 à 600 millions, serait tenu à l’écart de la FN Herstal, le fameux armurier wallon de Liège.
  • Au sein de la coalition wallonne, qui comprend aussi Ecolo, on a calmé le jeu : le montant en jeu était bien moindre, avait promis Willy Borsus (MR), le ministre en charge, « seulement » 50 à 100 millions d’euros. Mais on n’a pas nié l’existence de pressions du côté britannique. Embêtant, donc, car le gouvernement wallon est propriétaire à 100 % de cette usine d’armement. Tout à coup, Ecolo avait aussi une raison de parvenir à un accord, sinon les choses se gâteraient aussi au niveau wallon.

L’essentiel : grâce à une « solution créative », la Belgique fournira bientôt l’armée britannique.

  • A commencé alors la quête, y compris au niveau fédéral, d’une solution pour régler toute cette affaire. Et une méthode classique belge de résolution des conflits a été mise en œuvre, au grand étonnement, sans doute, des Britanniques : le bricolage avec les lois.
  • « Nous avons discrètement informé les Britanniques qu’ils devaient retirer purement et simplement leur demande actuelle, et nous leur avons indiqué la meilleure façon de soumettre une nouvelle demande d’exportation. Grâce à cette méthode, il n’y a plus de matériel nucléaire, et la CANPAN, et surtout, les Verts au niveau fédéral, sont contournés », admet une source gouvernementale haut placée. « Eh bien oui, c’est un peu ‘extralégal’, comme vous voulez », a-t-elle ajouté.
  • « Écoutez, ce n’est pas élégant. Mais c’est un dossier très technique », a confirmé un vice-premier ministre. « Et c’était le seul moyen de se débarrasser des Verts et de leurs problèmes de conscience. Les Britanniques ont accepté, et cela résout le problème. »
  • Il s’agit donc maintenant « d’exporter simplement une machine, sans tout le cinéma qui l’entoure« . Cela semblait être la seule solution : « Avec les écologistes, ça n’allait vraiment pas marcher autrement », soupire-t-on au sein de la Vivaldi.

MB

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