Aujourd’hui, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) convoque à nouveau son gouvernement pour débattre du budget, une semaine avant son discours sur l’état de l’Union. De Croo souhaite atténuer le déficit de 1,2 milliard d’euros en instaurant de nouveaux impôts, en réalisant des économies et par d’autres mesures variées, la célèbre formule magique des trois tiers. Toutefois, selon des sources gouvernementales, environ 2 milliards d’euros de demandes financières supplémentaires sont actuellement à l’étude, émanant de l’ensemble des ministres. Ces demandes incluent notamment des fonds pour la police, l’accueil des réfugiés, une réduction de la TVA sur les démolitions et reconstructions, et une diminution des « accises vertes ». « Nous commencerons par les économies, puis envisagerons d’éventuelles dépenses supplémentaires », affirme fermement le parti en charge du budget, l’Open Vld. Il souhaite également examiner minutieusement les comptes de Bpost, où une perte de 75 millions est jugée comme « largement sous-estimée ». L’ambiance au sein du gouvernement est toutefois plutôt sereine. « C’est nettement mieux que lors des discussions sur la réforme fiscale. Nous trouverons une solution » est le sentiment général.
À la une : la Vivaldi s’attelle à son dernier ajustement budgétaire.
En détail : De Croo vise toujours à réduire le déficit de 1,2 milliard, mais une liste de dépenses supplémentaires de 2 milliards d’euros est sur la table.
- Cet après-midi, à 16h, les vice-premiers ministres de la Vivaldi se réuniront pour des pourparlers budgétaires. Un conclave a déjà eu lieu le week-end dernier, et d’autres rencontres sont prévues tout au long de la semaine. Le point culminant est attendu le week-end prochain, lorsque le Premier ministre espère finaliser les discussions.
- Ceci permettra à De Croo de se présenter mardi devant la Chambre et de délivrer son dernier discours sur l’état de l’Union en tant que Premier ministre. Il est résolu à ne plus transformer cet événement en spectacle politique, évitant ainsi les sessions nocturnes interminables qui ont marqué les deux dernières années de palabres budgétaires.
- Néanmoins, l’optimisme prévaut au sein de la Vivaldi. La façon dont le gouvernement flamand, dirigé par Jan Jambon (N-VA), a trouvé un accord sert d’exemple : « Il faut savoir faire des concessions pour montrer que les politiques peuvent apporter des solutions, plutôt que d’être en perpétuel conflit », déclare un vice-premier ministre.
- « L’ambiance est actuellement positive, bien meilleure que lors des débats sur la réforme fiscale. Tout le monde est déterminé à trouver un accord, car nous sommes tous conscients des conséquences néfastes en cas d’échec », confie un membre du gouvernement. « La grande réforme fiscale a échoué précisément parce que nous ne voulions pas compromettre le budget avec des recettes incertaines. Si nous sommes cohérents, ne devrions-nous pas préserver ce budget ? »
- Il semble clair que la grande réforme fiscale, souvent comparée au monstre du Loch Ness pour sa récurrence et son insaisissabilité, ne sera pas remise sur la table, du moins si cela dépendait du Premier ministre. Étrangement, Georges Gilkinet, vice-premier ministre d’Ecolo, a plaidé aujourd’hui dans La Libre pour l’application partielle de cette réforme afin d’alléger les charges sur les salaires de la classe moyenne. « C’est hors de question », rétorque-t-on du côté du gouvernement.
À retenir : Bpost pourrait faire face à une facture salée.
- L’an dernier, lors de la dernière session, le contrat de distribution de journaux avait été longuement débattu avant d’être significativement revu à la baisse. Cette année, Bpost est de nouveau au centre des préoccupations. La question demeure : le contrat actuel pour la distribution des journaux, proposé à 125 millions d’euros, ne présente-t-il pas toujours une marge excessivement élevée ?
- Le ministre PS de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne, en charge du dossier, a finalement commandé un audit externe. Toutefois, il est incertain que cet audit puisse offrir des clarifications à temps pour le conclave budgétaire.
- D’autre part, le budget pourrait bénéficier des millions d’euros que l’État belge aurait surpayés à Bpost dans le cadre du contrat des journaux et de trois autres accords. Ce week-end, un audit interne de Bpost concernant ces contrats a été divulgué, montrant que les marges de ces trois accords dépassaient les 50%. Ceci contrevient clairement aux réglementations européennes, s’apparentant à une aide d’État illégale. Qui plus est, le gouvernement semble avoir été sérieusement lésé, ayant payé un espace de bureau à un tarif dix fois supérieur au prix du marché.
- Bpost mentionne une perte potentielle d’environ 75 millions d’euros, ce qui a rassuré les investisseurs. Cependant, des sources au sein du gouvernement sont bien plus alarmistes, prévoyant que les pertes seront nettement supérieures. La question est de savoir quel montant sera retenu dans le budget de la Vivaldi.
- « Nous ne pouvons pas ignorer la situation de Bpost, en particulier concernant les montants qu’ils auraient surfacturés à l’État belge pour des contrats gouvernementaux. Ils affirment qu’ils devront rembourser 75 millions d’euros. Mais tout le monde sait que cette somme est nettement sous-estimée; le montant réel sera bien supérieur », révèle un vice-premier ministre.
En bref : Tout le monde propose sa liste de souhaits, et le total atteint deux milliards d’euros.
- Face aux idéaux, la réalité budgétaire de la Rue de la Loi est souvent implacable. La situation actuelle ne déroge pas à la règle. Alors que De Croo souhaiterait idéalement respecter son engagement de réduire les dépenses de 1,2 milliard, de nombreux ministres attendent avec leurs listes de demandes, nécessitant des fonds supplémentaires.
- Parmi ces demandes, une est particulièrement rationnelle : celle concernant l’accueil des demandeurs d’asile. De Croo a pris ce dossier à bras-le-corps, formant une « Taskforce » incluant tous les ministres en mesure de proposer des places. Naturellement, la recherche de lieux s’accompagne de la recherche de financements : le coût du personnel supplémentaire pourrait rapidement atteindre plusieurs dizaines de millions, destinés à la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor. Toutefois, cette dépense ne constitue pas une nouvelle politique, mais plutôt une augmentation des dépenses actuelles.
- La ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a explicitement posé ses besoins financiers, l’exprimant ce week-end dans De Standaard. Elle évoque des « dizaines de millions » pour, entre autres, des officiers de liaison en Amérique latine pour combattre la drogue, renforcer le personnel des gares, mieux gérer les crises comme lors des inondations, et garantir un agent de quartier pour 4.000 résidents.
- Pour le CD&V, c’est un peu embarrassant : le vice-premier ministre Van Peteghem avait précisément appelé à la « frugalité » lors de ces pourparlers budgétaires. Il ne serait pas le premier à ne pas pleinement soutenir les demandes financières de sa collègue du même parti.
- Mais le CD&V n’est pas le seul parti avec des revendications : les Verts ont également leurs exigences. Ils plaident pour la réduction des taxes sur l’énergie verte afin de la rendre plus compétitive face aux combustibles fossiles. Des primes pour les pompes à chaleur sont également évoquées.
- L’Open Vld, avec Alexia Bertrand comme secrétaire d’État au Budget – gardienne des finances – a également ses propres souhaits. Tom Ongena (Open Vld) a déclaré vouloir baisser définitivement la TVA sur la démolition et la reconstruction à 6 %. « Il s’agit d’une proposition de Van Peteghem que nous soutenons depuis longtemps. Nous sommes ravis de voir que l’Open Vld rejoint finalement cette position », commente astucieusement le CD&V.
- « Ces demandes sont traditionnelles, mais chacun présente de nouvelles idées. Les 2 milliards ne sont pas un chiffre auquel je m’accroche trop. Des réunions interministérielles ont eu lieu et ce montant a probablement déjà été revu à la baisse entretemps« , indique une source expérimentée au sein de la Vivaldi.
- « Quoi qu’il en soit, nous commencerons par l’effort de 1,2 milliard, puis nous examinerons les dépenses supplémentaires« , insistent des sources au sein du parti libéral flamand. Aujourd’hui, des réunions sont encore prévues, puis une semaine chargée attend le kern. Les négociations s’intensifieront au cours du week-end, en particulier le samedi et le dimanche.
- Enfin du côté des recettes, Ecolo et le PS semblent sur la même longueur d’onde : les socialistes ont proposé la semaine dernière de tripler ou de quadrupler la taxe sur les comptes-titres, ce qui pourrait rapporter selon eux 1,2 milliard d’euros. Ecolo dit « oui » et y ajoute une taxe sur les surprofits du secteur bancaire, qui pourrait renflouer les caisses de l’État de 300 à 400 millions d’euros.
Grand Baromètre : la Vivaldi ne tient plus qu’à un siège.
- Le Grand Baromètre HLN/VTM/RTL/Le Soir livre ses enseignements. Il faut tenir compte d’une marge d’erreur de 3,1% (et 4% à Bruxelles), mais certaines tendances se répètent de sondage en sondage.
- D’abord, le Vlaams Belang confirme sa position de plus grand parti du pays, atteignant cette fois 25,8%. Le N-VA recule encore, à 20,2%. L’écart entre les deux partis nationalistes devient donc particulièrement grand, dépassant les 5%. En 2019, la N-VA possédait encore un avantage de 7% !
- Pourtant, Bart De Wever (N-VA) reste étonnamment le politicien le plus populaire au nord du pays. Tom Van Grieken, président de Vlaams Belang, n’est que troisième. En Wallonie et à Bruxelles, Sophie Wilmès est toujours la personnalité la plus populaire devant le Premier ministre Alexander De Croo et Paul Magnette.
- Du côté du sud du pays, c’est le PTB qui est le grand gagnant, avec 19,8% des intentions de vote. Le parti de Raoul Hedebouw dépasse désormais le MR (19,7%) et talonne le PS (21,8%).
En résumé : 1 personne sur 4 vote pour l’extrême droite au nord du pays, et 1 personne sur 5 vote pour l’extrême gauche au sud. Ce qui veut dire que si on exclut ces deux partis, une majorité devient de plus en plus difficile à obtenir au niveau fédéral. La Vivaldi ne tiendrait d’ailleurs plus qu’à un siège, avec 76 sièges sur 150 au Parlement fédéral.
Les détails : le retour des démocrates-chrétiens, la chute de Groen et d’Open VLD.
- C’est assez rare que pour être souligné : Les Engagés montent en puissance, à 13,8% des intentions de vote en Wallonie (+3,5%), et ce sondage a été effectué avant la récente campagne de recrutement fructueuse des démocrates-chrétiens, avec plusieurs personnalités issues de la société civile comme Yves Coppieters (épidémiologistes), Jean-Jacques Cloquet (ex-CEO aéroport de Charleroi) ou encore Olivier de Wasseige (ex-patron UWE). Après Jean-Luc Crucke, Les Engagés marchent clairement sur les plates-bandes du MR. Les humanistes progressent également de 2% à Bruxelles (6,5%). Au nord, le cd&v gagne 2% à 12,2%. La conséquence du triomphe du bon d’État du ministre Van Peteghem ?
- À Bruxelles, le MR devient le premier parti à 21,9%. Les partis de la majorité perdent tous des plumes : PS (18,1%), Ecolo (17,9%) et DéFI (8%). Notons aussi le recul du PTB de -2,3% à 15,3%.
- En Flandre, l’Open VLD et Groen mordent la poussière. L’Open VLD végète à 8,2% tandis que Groen engrange à peine 6,4% des intentions de vote, en baisse constante depuis les élections de 2019 (9,8%). Il faut quand même s’en rendre compte : les communistes du PVDA pèseraient plus que les libéraux flamands, à 9,5%. Vooruit régresse un peu à 15,4%, alors que son président Conner Rousseau va de polémique en polémique.
Les questions : une majorité de la population soutient la politique de l’asile de de Moor, y compris au sud du pays.
- Soutenir la décision de la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration de ne plus accueillir d’hommes seuls, c’est « oui » pour 56% des Belges, bien que cette décision ait été rejetée juridiquement par le Conseil d’État. 71 % de Belges souhaitent aussi un durcissement des règles pour les demandeurs d’asile. Ils sont aussi 59% à Bruxelles à le souhaiter et 62% en Wallonie.
- Un nouveau bon d’État : « oui » pour 43% des Belges. Mais surtout des meilleurs taux d’épargne pour 71% des Belges.
- Limiter les allocations de chômage à deux ans, « oui » pour 58% des Belges. Mais seulement « oui » pour 49% des Bruxellois et 51% des Wallons, contre 63% des Flamands.
- Légaliser le cannabis, « oui » pour seulement 33% des Belges. 49% sont contre, dont 52% des Flamands, 44% des Bruxellois et 47% des Wallons. Le reste ne « sait pas ».