Van Peteghem passe aux menaces : « Sans accord, la TVA reviendra à 21% ». Un cadeau empoisonné pour De Croo, car les socialistes gardent la porte bien fermée

Ce matin, le kern de la Vivaldi se réunit pour voir s’il peut trouver une issue sur le dossier des accises. Ces droits d’accises sont censés compenser la réduction de la TVA, qui est passée de 21 à 6% sur le gaz et l’électricité. Une proposition du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), qui a mis le feu aux poudres. Pourtant, sa proposition pourrait plaire au Premier ministre, qui a prévu que cette baisse de la TVA soit neutre budgétairement. L’introduction des accises pourrait réduire le déficit qu’avait anticipé Eva De Bleeker (Open VLD), ce qui lui avait par ailleurs coûté son poste. Mais d’un autre côté, il y a d’abord et avant tout les socialistes, qui ne veulent pas accepter que la facture devienne plus lourde dès le 1er avril. Le PS et le Vooruit ont freiné des quatre fers, avec en arrière-plan le MR et les Verts, qui n’ont pas envie de nouvelles taxes, même si cela ne représente que 20 euros de plus par mois pour une famille moyenne. Le CD&V pousse de l’autre côté et a même lancé une campagne en ligne : « Personne n’ose, Van Peteghem le fait ». Les chrétiens-démocrates envoient le message que le budget ne peut plus trop déraper. Et ils lancent la menace ultime : pas d’accord signifie que la TVA reviendra à 21%. Reste à savoir si Frank Vandenbroucke (Vooruit) ou Pierre-Yves Dermagne (PS) seront impressionnés.

À la Chambre : « Deux éléments sont importants : la facture des gens, mais bien sûr aussi le budget », a rappelé le Premier ministre Alexander De Croo, hier après-midi.

Les détails : La question est de savoir combien de ses partenaires de coalition ont envie d’aller sauver ce budget, avec lequel le Premier ministre s’est lui-même tiré une balle dans le pied avec l’affaire De Bleeker. C’est le cœur de la discussion.

  • Des appels téléphoniques particulièrement animés ont eu lieu hier au sein de la Vivaldi entre les membres du kern. Il était clair que le Premier ministre avait un peu perdu le contrôle sur le dossier des mesures énergétiques. Ce matin, De Croo doit montrer s’il peut remettre son équipe sur la même longueur d’onde.
  • Car le vice-premier ministre du CD&V, Van Peteghem, avait lancé la discussion avec force mercredi dans presque tous les journaux : des accises à partir d’avril, pour compenser budgétairement le faible taux de TVA de 6% pour le gaz et l’électricité. Ces droits d’accises sont bon marché pour une consommation moyenne, mais dès que la consommation dépasse un plafond, les droits d’accises augmentent : c’est donc un système intelligent qui récompense les familles frugales, mais qui peut aussi être pénalisante pour les familles nombreuses.
  • Pour De Croo, il s’agissait d’une proposition douce-amère : elle allait dans le sens de ce qu’il a toujours préconisé, à savoir que tout cet exercice de réduction de la TVA deviendrait budgétairement neutre en 2023, et que les accises prendraient la place de la TVA. Mais en même temps, une grande question se pose, également au sein de Vivaldi : Van Peteghem a-t-il vraiment agi comme un « allié » du Premier ministre ? Ou bien rendait-il les choses encore plus difficiles ?
  • En ligne, le CD&V a immédiatement lancé une offensive : « Personne n’ose, Vincent Van Peteghem le fait. Nous réformons la facture d’énergie. » Un passage du même Van Peteghem sur Terzake jeudi soir a clairement montré que le CD&V devait être pris au sérieux.
    • « Je crois qu’il est nécessaire de donner de la clarté aux gens à un certain moment. »
    • « Mais je remarque qu’un certain nombre de présidents de parti rendent les choses encore plus floues ».
    • « Nous ne pouvons pas assurer des mesures de soutien éternellement. »
    • « S’il n’y a pas d’accord, ce taux de TVA reviendra à 21%, si nous ne le décidons pas, nous allons retrouver ce taux à partir du 1er avril. »
  • Les partenaires de la coalition ont regardé la sortie médiatique en écarquillant les yeux. Il y a une incompréhension, à gauche, au sein du gouvernement : « Est-ce que nous, en tant que gouvernement, devons nous réjouir en annonçant que les factures des gens vont augmenter à nouveau ? Et le CD&V en est apparemment fier ? Qu’est-ce qu’ils foutent ? »
  • Hier déjà, le PS et Vooruit ont clairement fait savoir à De Croo qu’ils n’étaient pas disposés à introduire ces accises à partir d’avril. Le nouveau régime peut être accepté, la discussion ne porte pas vraiment sur ce point. C’est le timing qui devient l’enjeu de la bataille : avril n’est tout simplement pas acceptable pour le flanc gauche de la Vivaldi.
  • Bien que ce flanc ne soit pas monolithique : les socialistes se plaignent des Verts. Si ces derniers s’expriment devant les caméras pour maintenir les mesures énergétiques, en coulisses, les socialistes ne reçoivent pratiquement aucun soutien dans leur combat.
  • Une fois de plus, les sept partis de la Vivaldi avancent en ordre dispersé : alors que les libéraux flamands et le CD&V jouent maintenant à fond la carte du budget, le MR ne veut pas de nouvelles taxes, et le PS frappe durement sur la table pour obtenir de nouveaux chèques mazout et une nouvelle extension du tarif social.

L’essentiel : Au Parlement, hier, la vulnérabilité du Premier ministre sur cette question était déjà apparente.

  • Le fait que la démarche de Van Peteghem ait mis le Premier ministre dans une ligne de tir était clairement visible au Parlement, hier. Tous deux se sont assis fraternellement l’un à côté de l’autre dans l’hémicycle, répondant aux questions. Mais il reste à savoir si De Croo est vraiment satisfait par la démarche de Van Peteghem.
  • Car le lien inévitable avec la démission d’Eva De Bleeker (Open Vld) revenait sans cesse dans les interventions de l’opposition :
    • « La grande question était de savoir si De Bleeker avait raison ou avait tort. Elle devait partir par tous les moyens. La gauche avait-elle finalement raison, en prévenant que les citoyens devraient payer la facture ? Il semble que tout le monde ait un peu raison, sauf une personne. C’est vous, monsieur le Premier ministre. Vous vous êtes manifestement trompé lorsque vous avez utilisé le mot « budgétairement neutre » dans cette Assemblée, jusqu’à cinq fois. Vous êtes le seul à ne pas avoir raison », s’est emporté Peter De Roover (N-VA).
    • De Croo a tenté de couper court à la polémique : « Les gens ont déjà beaucoup paraphrasé ici ce que j’aurais dit à ce sujet. Alors laissez-moi répéter mot pour mot ce que j’ai dit. La réduction de la TVA sera largement compensée par une réforme des droits d’accises avec comme point de référence les recettes fiscales de 2021 », a-t-il déclaré. Il n’a évidemment plus inclus le terme « budgétairement neutre ».
    • Il a néanmoins conclu par un message clair : « Ce gouvernement mène une politique anticyclique, ce qui est typique des crises. Si le citoyen est en difficulté, on intervient, mais lorsque la situation se normalise, il n’est pas rare que le gouvernement prenne également du recul. » En d’autres termes, sur le fond, le CD&V semble être un allié finalement. L’Open VLD veut l’introduction des accises dès le mois d’avril pour limiter l’impact sur le budget.

La vue d’ensemble : le cadre européen, auquel le budget belge doit se conformer, pourrait devenir très serré.

  • Tant les pensions que les mesures énergétiques sont symptomatiques du budget : mettre de l’ordre dans la maison fédérale sur le plan financier reste extrêmement difficile. Mais des nuages sombres s’amoncellent au-dessus de la Belgique, en provenance de l’Europe.
  • Il s’agit d’un débat européen crucial sur lequel nous avons déjà mis en garde ad nauseam : à quoi ressembleront bientôt les règles du jeu pour le budget de chaque État membre de l’UE, mais certainement aussi pour celui de la zone euro ? Même à l’intérieur de la Belgique, cela agite le gouvernement fédéral, qui est particulièrement concerné, bien sûr.
  • Les Européens s’accordent à dire que les critères de Maastricht (en gros, un plafond de 3% du PIB et une dette publique totale de 60% de ce PIB) ont besoin d’une sorte de « mise à jour ». La Commission européenne ne réalise que trop bien à quel point cette révision est sensible, et doit tenir compte d’une foule de sensibilités idéologiques, mais aussi intra-européennes, entre le Nord et le Sud.
  • Et surtout, au bout du compte, ces règles doivent permettre à l’UE et à la zone euro de rester unies. Une trop grande divergence entre les États membres conduirait inévitablement à une nouvelle attaque des marchés contre l’euro, comme cela s’est déjà produit avec la crise grecque.
  • Bien que le commissaire compétent, Paolo Gentiloni, soit un socialiste italien, la proposition de réforme de la Commission est néanmoins assez percutante, pour les nouvelles règles autour des déficits publics. En particulier pour les pays dont la dette publique est structurellement excessive, supérieure à 60% du PIB. Ainsi, la Belgique, avec plus de 110% du PIB, est bien au-dessus en termes de dette publique.
  • Avec la réforme, les « dangers structurels » qui seraient punis plus sévèrement se multiplient. Il s’agit notamment du vieillissement rapide de la population, de la hausse des taux d’intérêt et du déficit budgétaire le plus élevé de l’UE.
  • Dès 2024, la Commission rétablirait déjà les normes : la crise sanitaire ne les a que suspendues, ce qui a aussi permis à la Belgique de passer à un déficit de 5,9% en 2023 sans être mise à l’amende.
  • Le Bureau du Plan a déjà calculé ce qui pourrait se passer, à titre de simulation, si les nouvelles règles devaient s’appliquer à partir de 2024. Ce n’est pas beau à voir.
    • « Les simulations montrent que l’ajustement budgétaire nécessaire pourrait atteindre 4,0% du PIB en 4 ans (soit un ajustement supplémentaire de 1,0% par an pendant 4 ans, soit un effort 5 à 6 milliards par an rapport au PIB de 2021), et jusqu’à 4,8% du PIB en 7 ans (soit un ajustement supplémentaire de 0,7% par an pendant 7 ans). Toutefois, l’obtention d’une période d’ajustement de 7 ans au lieu de 4 ans est conditionnée par la proposition de réformes et d’investissements bénéfiques pour la croissance économique et la viabilité de la dette », écrit le Bureau du Plan.
    • Selon les règles actuelles de l’UE, un effort de 0,6% par rapport au PIB sur le budget est exigé des pays dont le taux d’endettement est excessif. Cet effort pourrait donc augmenter fortement, pour les gouvernements qui viennent après la Vivaldi. Ce dernier a lui-même fait un effort de 1,2% en quatre ans, évidemment en période de crise. Mais il n’en reste pas moins qu’il indique l’ampleur de ce qui attend potentiellement les futurs gouvernements.
  • Il faudra ensuite que l’équipe fédérale puisse commencer à élaborer une politique. Les économies et les restructurations devront se succéder, sans quoi l’État devra à nouveau augmenter les impôts. On peut supposer que les futurs gouvernements combineront les deux approches, un vieux consensus belge.
  • Au demeurant, la question n’a pas encore été tranchée au sein de l’UE : la Commission a ses propositions, mais les États membres doivent également donner leur avis. Le boulet pourrait donc être un peu allégé pour les futurs gouvernements fédéraux.
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