Zoltan Pozsar pense que la banque centrale chinoise peut profiter d’une crise mondiale des matières premières pour renforcer le yuan.
Le stratège principal du Credit Suisse et ancien banquier de la Réserve fédérale, Zoltan Pozsar, a écrit dans une note lundi que les États-Unis et l’Occident sont confrontés à une crise naissante des matières premières qui pourrait conduire à un nouvel ordre monétaire mondial.
La hausse des prix des principales matières premières, telles que le pétrole, le nickel et le cobalt, entre autres, pourrait affaiblir le système financier actuel basé sur le dollar et pousser l’inflation à l’Ouest encore plus haut.
Cela a tout à voir avec une « perfect storm » créée par la crise en Ukraine. Elle a entraîné de lourdes sanctions contre les entreprises russes et une intense spéculation sur les marchés des matières premières. Des chocs d’offre pour divers métaux et produits énergétiques sont désormais largement attendus.
Bretton Woods III
Selon Pozsar, la banque centrale chinoise serait dans une position unique pour saper le système dominant du dollar et de l’euro à travers cette crise des matières premières. « Cette crise ne ressemble à rien de ce que nous avons vu depuis que le président Nixon a retiré le dollar américain de l’étalon-or en 1971 », écrit Poszar.
Pendant la première période de Bretton Woods (1944 à 1971), la monnaie était adossée à l’or. Dans la deuxième ère de Bretton Woods (1971 à aujourd’hui), le dollar est soutenu par de la « monnaie interne », c’est-à-dire des obligations du gouvernement américain. Pozsar pense qu’une future troisième ère de Bretton Woods sera caractérisée par une « monnaie extérieure », ou une monnaie adossée à l’or et à d’autres matières premières.
« Lorsque cette crise sera terminée, le dollar américain sera beaucoup plus faible et le renminbi chinois beaucoup plus fort, car il est soutenu par de nombreuses matières premières », affirme M. Pozsar.
La banque centrale chinoise a le champ libre pour absorber les excédents de matières premières
L’analyste du Credit Suisse explique ce bouleversement en comparant les matières premières russes aux prêts hypothécaires à risque américains au moment de la crise du crédit en 2008. Les matières premières d’autres pays joueraient le même rôle que les obligations du Trésor américain à l’époque. « Le prix de l’un s’effondre, celui de l’autre augmente, et tout le monde doit répondre aux appels de marge, quel que soit le camp dans lequel on se trouve », suggère M. Pozsar.
Les banques centrales des pays occidentaux ne seraient pas en mesure d’acheter autant de matières premières russes que les banques chinoises en raison des sanctions imposées à la Russie. Elles ne seraient pas non plus en mesure de libérer suffisamment de liquidités en peu de temps pour combler les lacunes du marché en raison des mesures prises contre l’inflation galopante, estime le stratège principal.
En outre, la banque centrale chinoise (la Banque populaire de Chine) pourrait bien imprimer le yuan pour racheter les excédents de matières premières russes. « Cela conduirait à la naissance d’un ‘marché euro-renminbi’ et serait la première véritable étape de la Chine pour briser l’hégémonie du marché eurodollar. Cela aurait également un effet inflationniste sur l’Occident et signifierait une baisse de la demande de bons du Trésor à long terme », conclut M. Pozsar.