Le gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale veut instaurer commission paritaire locative, pour se prononcer sur la justesse des prix d’un loyer, et le cas contraire, concilier les parties. Des représentants du secteur immobilier et des propriétaires émettent des réserves, et réfléchissent sur la problématique des prix et de la pénurie de logements.
L’idée de la commission, en résumé, est celle-ci: convoquée à la demande du bailleur ou du preneur, elle est alors invitée à se prononcer sur la justesse du prix d’un loyer, sur base d’un grille de référence révisée annuellement. Elle a un rôle de conciliation entre les deux parties, et elle intervient si le logement est insalubre et présente des défauts substantiels de qualité et/ou si la différence entre le loyer réel et le loyer de référence dépasse 20%.
La commission est censée être paritaire, c’est-à-dire représenter et les locataires, et les propriétaires. Mais le représentant des propriétaires choisi par le gouvernement pour être de la commission, le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires (SNPC), ne souhaite pas participer, trouvant que la commission se substituerait à la justice de paix. La commission ne peut donc pas encore voir le jour.
Comment calculer un prix juste?
Se pose alors la question : comment savoir si un prix est trop élevé? La région bruxelloise propose déjà une grille, avec un outil interactif, qui reprend une fourchette de prix, pour l’heure non-contraignante. « La région se base sur des critères comme la localisation du bien, son équipement, son âge, sa performance énergétique. Elle fait alors la moyenne d’un ensemble de cas », explique Pierre-Alain Franck, administrateur de l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI).
Pierre Alain-Franck explique les soucis que la grille, et en imaginant plus loin, le blocage des prix, posent. « Avec des prix bloqués, les quartiers en difficulté ne pourraient pas évoluer, car ils restent labellisés comme moins cher. Un investisseur ne va donc pas vouloir venir construire du neuf, s’il ne peut pas demander des loyers plus élevés pour récupérer son investissement. La grille ne prend d’ailleurs même pas en compte le critère de nouvelle construction ».
« Cette grille ne prend pas non plus en compte les challenges écologiques à venir », analyse Alexandre le Clément de Saint-Marcq, responsable auprès de Gesti Conseils (conseils en gestion de patrimoine immobilier) et de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI). En effet, la situation climatologique demande à mieux isoler, à construire de façon plus verte, et cela a son prix.
Ce qui fait les prix, sur le marché de l’immobilier, ce sont également l’offre et la demande. « Il n’y a pas assez de logements disponibles à Bruxelles, mais il y a beaucoup de demande. Les prix montent donc, naturellement », explique Pierre-Alain Franck. Ces critères ne sont maîtrisés par personne, ce sont les fluctuations du marché, selon de nombreux facteurs, ajoute-t-il encore.
Une seule solution : augmenter l’offre
Avoir trop peu de logements fait augmenter les prix, alors avoir plus de logements peut faire baisser les prix, en résumé. Dans cette optique, plafonner les prix serait la mauvaise solution. « Si on bloque les prix, les investisseurs auront des craintes, car ils auront moins de chances de récupérer leur mise. Cela renforce alors la pénurie de logements » explique Pierre-Alain Franck – un constat partagé par tous nos interlocuteurs.
En somme, avec des prix de loyers plafonnés, les investisseurs construiront moins, et avec moins de nouvelles constructions, et ainsi moins de logements disponibles sur le marché, les prix augmenteront davantage. Ils seraient certes bloqués, mais la pénurie deviendra encore plus aigüe.
Pas de protection pour les locataires à faible revenu
« Même avec des prix de loyers bloqués, les propriétaires vont quand même choisir les candidats avec le meilleur salaire, comme garantie », réfléchit Pierre-Alain Franck. Une commission qui bloquerait les prix ne ferait donc, selon lui, qu’augmenter cette inégalité. « Le pouvoir public devrait plutôt concentrer ses efforts à augmenter l’offre, notamment via des logements publics ou des partenariats avec le privé ».
Un constat que partage également Katelijne D’Hauwers, directrices des l’association Propriétaires Réunis. « Le gouvernement est obligé de donner à tout un chacun un logement décent. Il devrait alors donner des primes aux citoyens qui ont des salaires bas, et qui ne sont pas dans des logements sociaux ». Elle ajoute qu’un problème dans la donne est également que les salaires sont trop bas, et non les loyers trop hauts ; un problème que la commission ne résoudrait pas non plus.
Améliorer la justice de paix
Après les défauts de fond, nos interlocuteurs questionnent la forme de la commission, et comprennent la SNPC dans son refus de participer. Trop de travail car trop de dossiers à analyser, difficile de trouver des biens dans des conditions semblables (localisation, équipement, etc.) pour faire une comparaison directe, trop chère, trop politisée, pas assez de représentativité des propriétaires, et renforçant une mauvaise image des propriétaires.
Ils estiment qu’il vaudrait mieux concentrer ces moyens dans la justice de paix, qui est déjà responsable pour des affaires de loyers abusifs, ainsi que dans la Direction de l’Inspection Régionale du Logement (DIRL). Car les logements insalubres, loués à des prix fort élevés existent, même s’ils sont illégaux. La justice manque cependant de moyens et de bras pour lutter efficacement contre ces marchands du sommeil.
Disclaimer : Nous avons également souhaité interroger des représentants d’associations de locataires pour avoir leurs réflexions sur la problématique, mais ils n’ont pas fait suite à nos demandes d’interview.