Les Etats-Unis envisagent-ils de renverser le régime du président vénézuélien Nicolas Maduro ? Les déclarations dans ce sens se multiplient, et au début de ce mois, le New York Times a rapporté que des officiels américains avaient rencontré des hauts gradés vénézuéliens dissidents pour évoquer avec eux la possibilité d’un coup d’Etat.
Aux États-Unis, les membres du gouvernement Trump ont multiplié les allusions indiquant qu’ils étaient favorables à une intervention militaire au Venezuela pour renverser le président Nicolas Maduro. L’année dernière, le président américain Donald Trump avait déclaré qu’il “n’écartait pas une option militaire” pour mettre fin au chaos au Venezuela.
Des rencontres secrètes avec des officiers de l’armée vénézuélienne
« C’est un régime qui, franchement, pourrait être renversé très rapidement avec l’armée, si l’armée décide de le faire », a déclaré le président américain Donald Trump à des journalistes en marge de l’assemblée générale des Nations unies, ce mardi. Le lendemain matin, il a indiqué qu’il était disposé à rencontrer Maduro aux Nations Unies cette semaine si cela «pouvait sauver des vies».
Au début du mois de septembre, le New York Times avait rapporté que des officiels américains avaient rencontré secrètement des hauts gradés vénézuéliens l’année dernière pour évoquer la possibilité d’un putsch pour renverser Maduro.
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Fernando Cutz, un ancien membre du Conseil National de Sécurité américain a récemment déclaré à Bloomberg qu’une “invasion militaire multilatérale” du Venezuela pourrait être « la meilleure solution » pour le Venezuela. Le sénateur de la Floride, Marco Rubio, estime qu’une telle décision est « défendable ».
Bloomberg a également souligné que Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des États Américains, semblait également approuver l’idée d’une intervention militaire.
Des lézardes sont apparues dans le soutien de l’armée vénézuélienne
Pour le moment, les sanctions économiques constituent le seul moyen de pression auxquels les États-Unis ont eu recours sur le Venezuela. La semaine dernière, une nouvelle salve de sanctions a été imposée. La nouvelle tendance vient probablement des signes montrant que l’armée vénézuélienne se désolidarise de plus en plus du pouvoir.
L’année dernière, des militaires ont mené plusieurs tentatives pour destituer Maduro, y compris une attaque avec un drone bourré d’explosifs, lors d’une parade militaire. De même, les dissidents exilés soutiennent ce projet. L’ancien député Antonio Ledezma, qui a été maire de Caracas entre 2008 et 2015, exilé en Espagne, a appelé à une action internationale pour renverser Maduro.
Les Etats-Unis et l’interventionnisme en Amérique Latine : une histoire émaillée d’exemples désastreux
Mais un coup d’État aurait de lourdes conséquences dans l’ensemble de l’Amérique latine. Au cours du siècle passé, “les États-Unis ont compilé une histoire sordide en Amérique latine, utilisant la force et la ruse pour installer et soutenir des régimes militaires et d’autres voyous brutaux peu intéressés par la démocratie”, comme l’écrit le New York Times, qui ajoute que les résultats de ces interventions ont été rarement positifs.
En outre, il n’est pas évident que l’intervention militaire américaine permettrait de mettre fin au chaos qui règne Venezuela, de même qu’il n’est d’ailleurs pas certain qu’elle recueille l’approbation de l’armée vénézuélienne.
Une nouvelle immixtion états-unienne risque donc d’être fort mal perçue sur ce continent. Elle pourrait aussi renforcer le soutien pour Maduro, qui pourrait utiliser cet événement pour faire des États-Unis un bouc émissaire qu’il pourrait accuser d’être responsable de tous les maux du pays. Le président vénézuélien n’a déjà pas manqué d’exploiter l’information de la rencontre des officiers putschistes avec les officiels américains pour alimenter sa rhétorique concernant l’impérialisme américain. Il a durci récemment la répression contre les dissidents, et profité des tentatives de coup d’Etat pour jeter en prison certains de ses opposants politiques.
Les autres pays d’Amérique Latine rejettent l’emploi de la force
Lors d’une interview donnée à Bloomberg cette semaine, le président argentin Mauricio Macri a déclaré que les pays d’Amérique Latine s’accordaient désormais sur le caractère dictatorial du régime de Maduro, ce qui marque une évolution.
Le groupe de Lima, un groupe formé en 2017 et qui rassemble 17 pays d’Amérique latine désireux de se mobiliser pour aider le Venezuela, a émis une déclaration en août affirmant que « seule, les Vénézuéliens peuvent trouver une solution à la grave crise qui affecte leur pays », et rejetant tout emploi de la force ou de la menace.
5 pays d’Amérique latine (l’Argentine, la Colombie, le Chili, le Pérou et le Paraguay) demanderont mercredi au tribunal pénal international à La Haye d’enquêter sur le gouvernement vénézuélien pour crimes contre l’humanité. Dans leur requête, ils citent de nombreuses violations sur les droits humains, y compris plus de 8000 exécutions sommaires. Le Canada envisage de se joindre à eux.
Un pays en déliquescence
La situation du Venezuela est désespérée, en dépit du fait qu’il possède les plus grandes réserves de pétrole prouvées au monde. Le taux d’inflation pourrait atteindre 1 000 000 %, selon les estimations du FMI en 2018. La situation économique désastreuse est responsable de pénuries et de famine. 60 % des Vénézuéliens ont perdu 11 kilos de poids corporel en 2017, alors qu’ils avaient déjà perdu 8 kilos l’année précédente. Toutes ces difficultés ont provoqué une escalade de la violence. Le pays est aussi en proie à un exode massif. Près de 4 millions de Vénézuéliens ont déjà fui leur pays, et l’on prévoit que cette année, 1,5 million de leurs compatriotes devraient en faire de même.