Après près de douze ans de service, Werner Hoyer remettra bientôt son tablier de président de la Banque européenne d’investissement. En attendant de connaître le nom de sa successeuse, il a tenu un discours lors de l’Assemblée générale de l’ONU.
Quand le président de la BEI appelle l’Europe à ne pas tomber dans un « colonialisme 2.0 » en menant sa transition verte

Pourquoi est-ce important ?
Pour mener à bien leur transition verte, les pays européens sont engagés dans un périlleux exercice d'équilibriste. Ils doivent éviter qu'une transition hâtive ait des effets indésirables sur le court terme (prix, blackout) et s'assurer de ne pas être trop dépendant des autres pays. D'une part en évitant de se mettre en position de faiblesse face à de grandes puissances (la Chine, au hasard) qui pourraient en profiter par la suite pour les faire chanter. D'autre part en ne répétant pas le schéma déjà usité qui les conduisent à léser les pays les plus pauvres.Vous souhaitez être tenu au courant de tout ce qui se passe dans le monde de l’énergie ? Abonnez-vous ici à notre newsletter afin de ne manquer aucun de nos articles.
Dans l’actu : le discours de Hoyer à l’ONU.
- Ce jeudi, le président de la Banque européenne d’investissement s’est exprimé dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies.
- Werner Hoyer a vanté tous les mérites de la transition verte, tout en mettant les Européens en garde.
De bien belles intentions
Les détails : qu’a-t-il dit ?
- Hoyer a commencé son discours par des banalités. « Une action climatique ambitieuse est le grand accélérateur de développement pour les années à venir : l’énergie propre est désormais bien moins chère, plus rapide à déployer et plus fiable », a-t-il fait valoir. « Les énergies renouvelables sont – pour de nombreux pays – la seule voie vers l’indépendance énergétique et, dans la plupart des cas, déjà aujourd’hui, l’option la plus efficace. »
- Il a ensuite souligné que la décarbonisation « créait des emplois ». « Dans un contexte de développement, la décarbonisation n’est pas une désindustrialisation, bien au contraire », a-t-il fait déclaré. « Et une action climatique ambitieuse offre de vastes opportunités d’investissement. »
- Le président de la BEI a enfin tenu une mise en garde envers le Vieux continent, argüant que la transition verte ne pouvait pas être « une voie à sens unique ». « L’action climatique ne peut pas devenir le colonialisme 2.0 », a-t-il averti. Avant de donner quelques exemples.
- « En tant qu’Européens, nous ne pouvons pas simplement exploiter les ressources du Sud pour produire de l’hydrogène vert – ou exploiter les matières premières essentielles dont nous avons besoin pour les batteries et l’électrification », a expliqué Hoyer.
- « Nous avons besoin d’une coopération à hauteur de vue pour trouver ensemble des opportunités d’investissement – et nous devons être honnêtes à ce sujet dès le début », a-t-il ajouté.
- Dans ce cadre, Hoyer a rappelé que la BEI avait lancé l’an dernier une nouvelle branche baptisée « BEI Monde ». Ses investissements permettent « d’instaurer la stabilité et une croissance durable et à lutter contre le changement climatique », lit-on sur le site de l’institution.
- En 2022, les projets qu’elle a soutenus hors de l’UE auraient par exemple permis d’approvisionner 2,1 millions de ménages en électricité d’origine renouvelable.
La BEI n’est tout de même pas irréprochable
Contexte :
- Les propos d’Hoyer sont bien sûr louables. Il convient notamment de rappeler que les matériaux nécessaires à la production de voitures électriques ou d’éoliennes ne sont pas toujours extraits dans les conditions les plus respectueuses de l’environnement. Ni des droits humains.
- On peut par exemple penser à l’exploitation du cobalt en République démocratique du Congo (RDC).
- Face aux alertes lancées par les ONG (et pour contrer la forte concurrence chinoise), la Commission européenne a dégainé en début d’année sa loi sur les matières premières critiques, rappelle Euractiv. Elle s’y est engagée, entre autres, à « rechercher en particulier des partenariats mutuellement bénéfiques avec les marchés émergents et les économies en développement ».
- La BEI se plait aussi à rappeler qu’elle s’est elle-même engagée en 2019 à ne plus financer de projet d’énergie fossile, y compris de gaz naturel. L’an dernier, des ONG lui ont toutefois reproché d’avoir suspendu un cadre réglementaire qui l’empêchait de soutenir les projets « verts » d’entreprises qui n’ont pas de plan de réduction des émissions de carbone conforme à l’accord de Paris.
- “Les entreprises telles que Shell, TotalEnergies, BP ou Equinor (…) n’ont certainement pas besoin d’un financement de la BEI en plus », avait notamment fustigé Greenpeace.
- « L’octroi de prêts à des entreprises polluantes ayant fait leurs preuves en matière de greenwashing se ferait au détriment des petites entreprises, des collectivités locales, des administrations publiques et des communautés locales qui ont réellement besoin des ressources de la BEI pour passer à une économie basée sur les énergies renouvelables et efficaces sur le plan énergétique. »
Rappelons aussi que, de son côté, la Banque mondiale a été tout récemment accusée d’avoir alloué près de 3,7 milliards de dollars à des projets gaziers et pétroliers en 2022. Si l’institution a promis de mettre fin au financement direct de ce type de projets, le financement commercial n’est pas inclus dans cette catégorie, comme nous vous l’expliquions en détail ici.