- Paul Magnette (PS) a lancé cette semaine les traditionnelles propositions du 1er mai, jour de la fête des Travailleurs (ne dites pas du travail), rendez-vous immanquable des socialistes. En guise de muguet, il a remis sur la table la taxe sur les 1% les plus riches, qui permettrait, selon lui, d’apporter 100 euros par mois, pour 50% des ménages à moyen et bas revenus. Raoul Hedebouw, président du PTB, n’en attendait pas tant, tout sourire à la Chambre ce jeudi, il a accepté sans concession le bouquet des socialistes.
- Selon les calculs du PS, taxer à 1 ou 1,5% les patrimoines supérieurs à 1 million d’euros rapporterait entre 2,5 et 3 milliards d’euros, de quoi permettre de financer un prolongement des mesures de soutien au pouvoir d’achat.
- Ecolo appuie la proposition. La co-présidente Rajae Maouane estime que le patrimoine est une grande source inégalité en Belgique: « Les inégalités de patrimoine sont encore plus profondes que les inégalités de revenus. En Belgique, la moitié la plus pauvre de la population n’a que 8 % du total du patrimoine. Par contre, les 10 % les plus riches en détiennent 52 % dont 15 % provenant des 1 % les plus riches« , argumente-t-elle, interrogée par La DH.
- Vooruit est aussi sur la même ligne que le PS, mais estime que l’argent doit aussi être cherché dans les poches des entreprises qui ont continué à faire de gros bénéfices durant la crise. Même le CD&V estime qu’il faut une fiscalité plus juste qui prenne davantage aux 1% des plus riches au profit des classes moyennes.
- On fait les comptes: voilà 5 partis de la Vivaldi prêts à franchir le cap, à quelques nuances près. Mais c’est très loin d’être plié, car Georges-Louis Bouchez, président du MR, a été très clair sur ce point, hier soir à Jeudi en Prime sur la RTBF: ce sera non.
- « On a déjà exécuté l’accord de gouvernement sur ce point. Nous avions un point dans l’accord de gouvernement qui était de taxer le capital. Ce fut réalisé grâce à la taxe comptes-titres. »
- « Le pour cent de la population qui paye déjà le plus d’impôts parce qu’ils ont les meilleurs revenus contribue à 12% du revenu total de l’impôt sur les personnes physiques. Les 10% qui ont les meilleurs revenus contribuent à hauteur de 47% », argument Bouchez, qui se base sur l’indice de GINI, pour démontrer que la Belgique « est déjà l’un des pays les plus égalitaires au monde ».
- Pour le président du MR, qui rappelle que « ne plus créer de nouvelles taxes » se situe dans l’accord de gouvernement, une augmentation de la quotité exemptée d’impôt serait préférable: « Aujourd’hui, vous payez de l’impôt à partir de 9000 euros de gains. Nous voulons monter cela jusqu’à 12.000 euros parce que c’est le niveau du RIS. »
- Du côté des économistes, les avis sont partagés. Bruno Colmant, économiste et professeur à l’UCL et l’ULB, estime que taxer davantage les riches serait contre-productif. Il se méfie contre une mesure prise à la va-vite qui aurait pour effet de faire fuir les capitaux et les investisseurs. Car ce n’est pas le patrimoine immobilier qui est visé, mais plutôt les actions.
- Philippe Defeyt, en revanche, économiste à l’Institut du développement durable qui fait partie du groupe d’experts chargé de proposer des pistes pour le pouvoir d’achat, estime que la fortune est souvent le produit d’un héritage et que donc il est juste qu’il ait une forme de redistribution appuyée. En revanche, il pense que la Belgique, seule, ne peut agir efficacement et qu’une taxe sur les plus riches doit intervenir au niveau international.
- Pour l’économiste Etienne de Callataÿ, taxer davantage les riches a du sens, surtout dans cette période où l’écart se creuse. « Il y a des hommes d’affaires qui sont moins taxés que leur femme de ménage, c’est quand même questionnant », commente-t-il à La DH.
- Du côté des libéraux flamands, le président de l’Open VLD, Egbert Lachaert, a réagi dans un tweet sur l’excitation actuelle autour d’une taxe sur les riches. Et il va dans le sens de son homologue francophone: « Personne n’est contre des impôts équitables pour les très riches, mais l’objectif ultime est de réduire les impôts pour tous ceux qui travaillent ou font des affaires. À cette fin, d’autres partis peuvent également mettre en œuvre de toute urgence les accords d’activation et lancer un débat sur les dépenses publiques. »
- Récemment, un rapport du FMI a pointé du doigt la Belgique comme le pire élève de la classe européenne en termes de déficit, uniquement dépassée par la Roumanie.
- Pour calmer les velléités des partis de gauche, Alexander De Croo gagne du temps avec la création du groupe d’experts. La réforme fiscale du ministre des Finances Van Peteghem reste, elle, dans les limbes.
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