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« Russia out, China in » : comment Pékin profite du déclin de Moscou

« Russia out, China in » : comment Pékin profite du déclin de Moscou
(Getty Images)

Depuis la guerre en Ukraine, la relation entre Moscou et Pékin change. La Russie devient de plus en plus une « colonie de ressources » chinoise. Moscou perd aussi son influence en Asie centrale. La Chine pourrait définitivement tirer profit de cette disparition. Mais elle n’est pas la seule : la Turquie y a aussi une carte à jouer.

Dans l’actu : un rapport de Geopolitical Intelligence Services, un institut de recherches sur le renseignement. Le rapport est rédigé par Stefan Hedlund, professeur en études russes à l’université d’Uppsala, en Suède.

  • Le rapport se penche sur la relation économique et politique entre la Russie et la Chine et le rôle de la Russie et de la Chine en Asie centrale. Depuis la guerre en Ukraine, ces relations et rôles ont changé dans de nombreux aspects ; au détriment de la Russie et au profit de la Chine.
  • Constat général : la Russie perd son image de « grande puissance ».

Station service

  • Le premier élément que Hedlund note est une relation « inégale » entre la Russie et la Chine. Là où les deux annonçaient une « amitié sans limites » juste avant la guerre, la relation va aujourd’hui plutôt dans un sens : la Russie devient la station service de Pékin.
  • « Alors que la guerre en Ukraine s’éternise, les relations sont de plus en plus déséquilibrées en faveur de la Chine, Pékin saisissant chaque occasion de s’approprier les ressources russes tout en ne fournissant que peu de choses en retour », analyse Hedlund.
    • Le commerce va dans les deux sens, note-t-il, la Chine exportant des « produits manufacturés bon marché ». Mais des investissements importants, dans le cadre des Nouvelles routes de la soie (BRI, Belt and Road Initiative), ne suivent pas. Le projet d’une ligne de train à grande vitesse reliant Moscou et Kazan n’a par exemple pas abouti.
    • Et la Chine ne devrait pas importer d’autres produits russes que les ressources, la guerre en Ukraine étant une très mauvaise carte de visite : « Après les résultats mitigés des armes russes en Ukraine, Pékin a des raisons de douter de la qualité de la technologie d’armement reçue de la Russie », analyse Hedlund.
  • L’expert n’est pas le seul à dresser ce constat. Dans le cadre de la visite de Xi Jinping en Russie en mars, une source proche du Kremlin avait laissé entendre que le pays était en train de devenir « une colonie de ressources chinoise« .
  • Hedlund revient aussi sur la visite, qui est pour lui l’exemple parfait de cette relation inégale. Pas un mot public sur l’Ukraine ni de soutien à la Russie de la part de Xi Jinping. Mais le président chinois est reparti avec des contrats juteux : des hydrocarbures bon marché et le yuan comme monnaie d’échange, résume le chercheur.

Fini le statut de bras musclés de la région

  • Ensuite, le chercheur épingle le statut perdu de la Russie en Asie centrale – région faisant partie de l’ex-Union Soviétique. Avant, Moscou comptait comme le protecteur de la région, pouvant prêter main forte en cas de troubles, par exemple. Mais ce rôle semble avoir disparu.
    • « On a longtemps pensé qu’il existait une séparation implicite des rôles entre Moscou et Pékin : la Russie assure la sécurité et la Chine les investissements et le développement commercial. Si ce pacte a jamais existé, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’intervention armée de la Russie pour rétablir l’ordre au Kazakhstan au début de l’année 2022 a peut-être été son dernier combat dans la région. Les exercices conjoints proposés avec d’autres pays ont été annulés », écrit Hedlund.
  • C’est là que la Chine a tout à gagner. L’économie russe souffre de la guerre et des sanctions. Ainsi, « on peut douter de sa capacité à jouer un rôle significatif dans le commerce et le développement futurs de l’Asie centrale », selon le chercheur. Pékin n’a qu’à tendre la main pour « capitaliser sur cet acte de disparition ».
    • Un premier chiffre qui confirme la tendance : en 2022, l’échange commercial entre la Chine et la région a atteint 70 milliards de dollars, soit 40% en plus que l’année d’avant.
  • Cerise sur le gâteau : le 18 mai se tient le sommet Chine-Asie centrale. Moscou faisait partie du sommet tous les ans, mais n’a pas été invité cette année. Une « insulte », selon Hedlund.
  • Il y a néanmoins quelques difficultés pour Pékin : le traitement des Ouïghours est mal vu par les pays musulmans, tout comme les commentaires de l’ambassadeur chinois en France mettant en cause leur souveraineté. Du point de vue du commerce aussi, ils savent que la Chine lorgne leur gaz naturel. Et certains gouvernements sont tombés dans le piège des prêts (impayables) du BRI, perdant ainsi des terres et de l’infrastructure au profit de Pékin. Bref, l’image de la Chine n’y est pas immaculée non plus.
  • C’est là que la Turquie, culturellement plus proche des pays en question, a une carte à jouer, estime Hedlund. Ankara pourrait aussi saisir l’opportunité pour devenir un acteur majeur dans la région, autant pour le commerce que pour la défense. Mais il y a une difficulté : son économie ne boxe pas dans la même catégorie que le PIB chinois.
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