Après plusieurs jours de négociations que l’on imagine âpres, les trois partis à la tête du gouvernement allemand sont parvenus à un compromis sur les modifications à apporter à la loi climat. Dans l’opposition et auprès des ONG, les critiques fusent.
L’Allemagne modifie sa loi climat : les économistes applaudissent, les ONG et l’opposition dégoupillent

Pourquoi est-ce important ?
En 2022, bien qu'elle ait relancé massivement (mais temporairement, a priori) ses centrales à charbon, l'Allemagne a réduit ses émissions de gaz à effet de serre dans les proportions qu'elle visait. Cela en a surpris plus d'un, y compris le ministre du Climat. Toutefois, en examinant plus précautionneusement le bilan carbone allemand, il apparaît que certains secteurs n'ont pas du tout rempli leurs objectifs. Alors qu'il était attendu que de nouvelles mesures soient prises pour que ceux-ci accélèrent leur verdissement, c'est le contraire qui semble se produire.Dans l’actu : accord sur la modification de la loi climat allemande.
- Mardi soir, la tripartite qui gouverne l’Allemagne a annoncé avoir trouvé un accord sur des modifications de la loi climat.
- Socialistes, libéraux-démocrates et écologistes s’en sont félicités, mais ils se sont rapidement pris une volée de bois vert.
Le détail : quels sont les principaux changements ?
- Les objectifs de réduction des émissions ne seront plus définis secteur par secteur, mais globalement. Ainsi, les ratés d’un secteur pourront être compensés par les avancées d’un autre.
- Des incitants seront mis en place pour le développement des e-fuels, ces carburants de synthèse pour lesquels l’Allemagne vient tout juste d’obtenir une dérogation à Bruxelles dans le cadre de l’interdiction de la vente des voitures thermiques à partir de 2035.
- Il y aura une construction plus rapide de nouvelles autoroutes, couplées avec des installations d’énergies renouvelables.
- La lutte contre les systèmes de chauffage à combustible fossile va être affaiblie. « Il n’y aura aucune obligation de remplacer les radiateurs existants », a confirmé le ministre des Finances Christian Lindner. Il y aura, en parallèle, une poussée vers une approche « technologiquement neutre » (via une conversion à l’hydrogène vert ou bleu ou à la biomasse, par exemple) et des « périodes de transition suffisantes » pour l’abandon des chauffages au mazout et au gaz, encouragé par des subventions.
Vives critiques
Les réactions négatives :
- Mercredi, le chancelier Olaf Scholz s’est présenté devant le parlement pour discuter des propositions de son gouvernement. Globalement, l’opposition lui a fait savoir qu’elle voyait là un affaiblissement de la loi climat, au détriment de la protection de l’environnement.
- « Édulcorer la loi sur la protection du climat au lieu de la respecter – comment pouvez-vous justifier cela ? », s’est indigné Andreas Jung, du CDU/CSU, le principal parti d’opposition.
- « 19 heures de dispute incessante à la chancellerie sans résultat. Ce gouvernement fédéral est ko », a commenté Friedrich Merz, président du groupe. « La coalition du FDP, des Verts et du SPD devrait indiquer clairement pour qui ils travaillent réellement. Ce gouvernement a été élu pour gouverner le pays et non pour le bloquer. »
- Du côté des ONG, le ton a été tout aussi dur.
- Une « catastrophe », selon Jürgen Resch, directeur général de Deutsche Umwelthilfe.
- Une « coquille vide », pour Martin Kaiser, le président de Greenpeace Allemagne.
- Un « péché contre toutes les générations futures », selon Jürgen Resch, co-responsable de Environmental Action Germany.
Les réactions positives :
- Si le gouvernement Scholz a dû essuyer de nombreuses critiques, il a aussi reçu quelques félicitations, principalement du chef d’économistes, relève Clean Energy Wire.
- Conseillère du gouvernement, Veronika Grimm a déclaré que les propositions de la coalition sont un « bon message pour l’action climatique », car elles contribueraient à protéger le climat « de la manière la plus rentable possible ».
- « La réforme de la loi sur le climat dans une optique de flexibilité temporelle et intersectorielle est une bonne chose – à condition que les objectifs de réduction des émissions soient atteints », a-t-elle ajouté.
- Scholz a, forcément, salué l’accord lui-même. « Après de nombreuses heures de discussions intensives, je peux dire : ça valait le coup. La modernisation de notre pays apporte des opportunités de croissance qui n’existaient pas depuis longtemps. C’est ainsi que nous créons la numérisation et arrêtons le changement climatique d’origine humaine », a-t-il commenté sur Twitter.
Pression sur Bruxelles
Et après : même chose dans l’UE ?
- Selon Clean Energy Wire, cette approche allemande modifiée pourrait finir par être appliquée à l’échelle de l’Union européenne.
- Ainsi, le gouvernement allemand serait prêt à faire pression à Bruxelles pour l’adoption d’une approche plus intersectorielle.
- La réforme devrait ainsi « inclure l’examen des moyens de rendre le règlement européen sur le partage de l’effort plus flexible afin que les avantages en termes d’efficacité et le signal de prix de l’échange de quotas d’émission paneuropéen puissent avoir un impact plus important », estime Berlin.