Qu’est-ce que la preuve d’enjeu dans la blockchain?

Élément clé du fonctionnement de la blockchain, la preuve d’enjeu est l’algorithme qui permet l’exécution des transactions. Voici comment ça fonctionne.

À l’instar de la preuve de travail, la preuve d’enjeu est l’élément clé de certaines blockchains. C’est ce qui permet à ses utilisateurs de se débarrasser d’une infrastructure intermédiaire qui officialise les transactions. La preuve d’enjeu est l’algorithme de consensus qui valide la création de nouveaux blocs sur la blockchain. Cet algorithme sécurise l’ensemble d’un réseau blockchain en le protégeant de la fraude, des attaques informatiques et des spams.

Mais la preuve d’enjeu, « Proof of Stake » (PoS) en anglais, se différencie de la preuve de travail, « Proof of Work » (PoW), par sa consommation d’énergie et sa méthode de résolution de calcul. Là où la PoW met en compétition les mineurs, récompensant le premier qui trouvera le hash du prochain bloc, la PoS utilise un processus d’élection pour déterminer quel « mineur » pourra résoudre l’algorithme de hachage.

La différence est aussi terminologique. Dans la PoW, les utilisateurs qui effectuent les transactions sont des mineurs qui extraient des Bitcoins. Dans la PoS, ces utilisateurs sont des validateurs qui forgent le transfert, par exemple, de Peercoins. Certains utilisateurs préfèrent d’ailleurs employer l’expression « preuve de participation » à la preuve d’enjeu.

La santé financière est l’enjeu

Avec la preuve d’enjeu, le créateur d’un nouveau bloc est choisi en fonction de sa santé financière. Cette santé financière est ce que l’on appelle l’enjeu ou la participation, et c’est ce qui détermine l’intérêt que trouve le créateur dans cette chaîne. Pour devenir un validateur, un noeud de la blockchain doit déposer une certaine quantité d’unités monétaires dans le réseau comme preuve d’enjeu.

Cette somme peut être comparée à un dépôt de garantie. Plus un utilisateur en dépose, plus il a des chances d’être élu comme validateur. Les parties engagées valident les blocs de la chaîne en utilisant leurs parts de devises incluses dans le réseau. Dans le système PoS, il n’y a pas de récompense accordée à celui qui trouve le hash: les validateurs sont rémunérés en frais de transactions. 

Une alternative à la preuve de travail (PoW)

La preuve d’enjeu est une alternative à la preuve de travail qui a été proposée par l’utilisateur QuantumMechanic en 2011 sur le forum Bitcointalk. « Ce que je veux dire par preuve d’enjeu, c’est qu’au lieu que votre vote sur l’historique des transactions acceptées soit pondéré par la part de ressources informatiques que vous apportez au réseau, il soit pondéré par le nombre de Bitcoins dont vous êtes propriétaire », écrivait-il.

Et d’ajouter: « Pour ceux qui ne veulent pas vérifier activement les transactions et pour que toutes les clés privées ne soient pas confrontées au réseau, les votes pourraient être délégués à d’autres adresses via une transaction Bitcoin non standard. De cette manière, le pouvoir de vote s’accumulerait avec des délégués de confiance plutôt qu’avec des mineurs. Les nouveaux Bitcoins et les frais de transaction pourraient être distribués de manière aléatoire et périodique aux délégués, pondérés par le nombre de votes accumulés, ce qui encouragerait la diversité des délégués et des électeurs directs. »

Méthode de confiance

Si un noeud est choisi pour valider le nouveau bloc, il vérifiera si toutes les transactions comprises dans le bloc sont valides. Si tout correspond, le noeud valide le bloc et l’ajoute à la chaîne. Mais alors, comment faire confiance au validateur? Comment savoir si la transaction qu’il valide n’est pas frauduleuse?

C’est là qu’entre en scène la preuve d’enjeu. Les validateurs vont perdre une partie de leurs parts s’ils approuvent des transactions frauduleuses. Tant que la participation du validateur est supérieure à ce qu’il touche en frais de transaction, les autres membres du réseau peuvent faire confiance à ce validateur. Dans le cas contraire, le validateur perdrait plus d’argent qu’il n’en gagnerait. C’est une motivation financière qui restera valide tant que la participation restera supérieure aux frais de transaction.

Si un validateur détient 2% du montant total de la devise X, il peut potentiellement exploiter 2% des blocs de cette monnaie et toucher les frais liés aux transactions effectuées sur ces blocs. Cela ne signifie pas qu’il va forcément extraire toujours 2% des blocs, mais plutôt qu’il existe une probabilité de 0,02 pour qu’il soit choisi comme validateur pour un bloc donné.

© upfolio

Le danger des 51%

Les blockchains qui fonctionnent avec la preuve d’enjeu sont en théorie mieux protégées des attaques dites « des 51% » que les chaînes utilisant la preuve de travail.

Sur un réseau comme le Bitcoin, une attaque de 51% survient lorsque un groupe détient 51% de la puissance de calcul. En contrôlant la majorité de la puissance de calcul sur le réseau, un attaquant ou un groupe d’attaquants peut interférer avec le processus d’enregistrement de nouveaux blocs. Ils peuvent donc empêcher d’autres mineurs de compléter des blocs et même, théoriquement, monopoliser l’extraction de nouveaux blocs afin de s’accaparer toutes les récompenses de l’extraction. Ils peuvent également bloquer les transactions des autres utilisateurs ou même enfreindre le concept-clé des monnaies cryptées, qui est l’impossibilité d’effectuer une double dépense sur le réseau.

Une double dépense est une dépense réalisée deux fois avec la même unité monétaire. En prenant le contrôle de la majorité du réseau, un groupe peut frauder les transactions, réaliser des contrefaçons et valider des transferts qui seraient bloqués dans un système décentralisé. En juillet 2014, le pool minier ghash.io a brièvement obtenu plus de 50% de la puissance de calcul du réseau Bitcoin. Il n’en a bien heureusement pas fait mauvais usage et a volontairement choisi de réduire sa part du réseau. Mais cela aurait pu mal tourner.

Répartition des parts de gestion du réseau Bitcoin en mars 2018

© Simply Explained – Savjee

La PoS protège des attaques à 51%?

Avec la PoS, le risque que ce genre d’attaque se produise est minime car la puissance de gestion du réseau se définit par les parts de monnaie des utilisateurs et non par leur puissance de calcul. Si un groupe achète la majorité des parts du réseau, il pourrait effectivement contrôler la blockchain et approuver de fausses transactions. Mais il devrait pour cela posséder une somme dépendant de la valeur fluctuante de la cryptomonnaie sur le marché qui correspond à 51% de la capitalisation boursière de la monnaie. Si l’on prend l’exemple du Peercoin (environ 30.291.100 dollars actuellement), il devrait injecter la somme de 15,4 millions de dollars (13,2 millions d’euros) pour prendre le contrôle du réseau. Et il faudrait que les autres utilisateurs soient prêts à vendre leurs parts également.

15,4 millions, ça peut sembler facile à obtenir pour un pays qui souhaiterait prendre le contrôle d’une monnaie. Mais c’est parce qu’il s’agit du Peercoin, une monnaie cryptée encore peu connue. Une attaque sur le Bitcoin serait par contre nettement plus onéreuse… si le Bitcoin adoptait la preuve d’enjeu. La capitalisation boursière de cette monnaie est actuellement d’environ 122 milliards de dollars (105 milliards d’euros). Une attaque de 51% demanderait une somme de 61,7 milliards de dollars (53 milliards d’euros), ce qui représente un investissement gigantesque.

Moins énergivore, plus écologique

La preuve d’enjeu possède un avantage déterminant sur la preuve de travail: son coût énergétique et écologique. La preuve de travail est dépendante de sa lourde mécanique d’extraction. La PoW demande une infrastructure importante: des appareils de minage qui consomment beaucoup d’électricité, produisent une énorme quantité de chaleur et demandent une puissance de calcul considérable. Sur le plan économique autant qu’environnemental, cela occasionne des pertes considérables qui peuvent être évitées avec une autre méthode.

La preuve d’enjeu, à l’inverse, ne nécessite pas un équipement de minage coûteux. La validation peut être effectuée avec un simple ordinateur portable, ce qui, en un sens, la rend nettement plus accessible aux utilisateurs communs. Conséquemment, cette méthode ne requiert pas d’émettre de nouvelles « coins » constamment, dans le but de motiver les participants à valider les transferts.

© digiconomist

Absence d’intermédiaire

L’autre grand avantage de cette méthode cryptographique est qu’elle permet un usage affranchi des intermédiaires et évite la gestion centralisée. La preuve de travail garde la trace de chaque transfert: elle fait le travail d’une tierce partie, comme une banque ou un organisme de transfert. L’algorithme vérifie les transactions et permet à des inconnus d’échanger des biens numériques sans nécessiter de preuve de confiance du destinataire. Cette preuve de confiance était autrefois dans les mains des organismes bancaires, elle passe aujourd’hui dans les mains de la chaîne de bloc.

Cette suppression des intermédiaires risque de modifier de nombreuses industries dans le futur. Dans le cadre des cryptomonnaies, l’absence de tiers pourrait en principe mettre fin à la centralisation du pouvoir bancaire. Les échanges se feraient directement d’un utilisateur à un autre et les banques perdraient leur raison d’exister. Mais cette existence est à double tranchant.

D’un côté, cette preuve de travail pourrait considérablement réduire les coûts liés au transferts d’argent et affaiblir le pouvoir des institutions bancaires. La technologie de la chaîne de blocs fera économiser du temps et de l’argent à des millions de personnes tout en leur permettant d’avoir un contrôle plus direct sur leurs biens. Les individus seront les seules personnes en charge de leurs avoirs. Mais d’un autre côté, cet avènement pourrait causer la perte de nombreux emplois. Cette automatisation du travail créerait un problème de chômage à l’échelle mondiale.

Consensus plus décentralisé que la PoW?

Une des grandes questions qui est en débat lorsque sont mis en balance les arguments pro et contra de la PoS comme alternative à la PoW est l’aspect décentralisé du consensus. Avec la preuve de travail, les transactions tombent dans les mains des groupes ayant les capacités informatiques, énergétiques et techniques de les effectuer. Vu le coût croissant que cela représente, cette gestion est de plus en plus détenue par de grands groupes et des pools de minage, en dépit des petits mineurs.

Avec la preuve d’enjeu, les transactions sont détenues par les noeuds ayant une santé financière suffisamment importante pour les réaliser. Plus leurs parts de monnaies sont grandes, plus ces noeuds auront des chances d’être des validateurs. Les personnes les plus fortunées seront donc plus incitées à valider les transactions et gagneront encore plus d’importance au sein du réseau. Cela conduira à une concentration du pouvoir de vote entre les mains des plus riches. Ce qui est à l’opposé de l’utopie visée originellement par les créateurs des monnaies cryptées.

Quelques monnaies qui utilisent la PoS

Peercoin indique sur son site chercher à être la cryptomonnaie « la plus sûre au moindre coût, récompensant tous les utilisateurs pour le renforcement du réseau en leur donnant un retour annuel de 1% par PPC. » Sur l’onglet Reddit dédié à la monnaie, Peercoin est décrit en ces termes: « Peercoin est responsable de l’invention du consensus de preuve d’enjeu et du lancement de la première technologie de blockchain efficace et durable. Son fonctionnement est extrêmement peu coûteux et nécessite très peu d’énergie pour être sécurisé. De plus, c’est aussi la première blockchain capable de gérer directement les règles de son protocole par ses utilisateurs (détenteurs de pièces) plutôt que les mineurs externes, ce qui en fait un réseau plus décentralisé, démocratique et facilement sécurisé par des personnes du monde entier. »

Lisk se définit comme la « première cryptomonnaie modulaire utilisant des chaînes latérales ». Comme son nom l’indique, cette monnaie est destinée et créée de manière modulaire (les modules s’emboîtent les uns dans les autres). Grâce à ce système, tout développeur tiers peut facilement utiliser les blocs de conception de Lisk pour créer ses propres applications dApp (applications décentralisées).

Nxt est une plate-forme avancée de blockchain qui entend améliorer les fonctionnalités de base des crypto-monnaies pionnières telles que Bitcoin. Nxt affirme pouvoir « révolutionner les secteurs de la technologie financière, du financement participatif et de la gouvernance, en fournissant non seulement la crypto-monnaie révolutionnaire NXT, mais également un ensemble d’outils modulaire puissant avec lequel les utilisateurs Nxt peuvent développer. Nxt donne aux utilisateurs une liberté totale pour créer leurs propres applications. »

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