Les Américains avaient parrainé la création d’une force aérienne afghane de 200 appareils. Une partie de ceux-ci est tombée aux mains des talibans. Beaucoup de pilotes ont pris la fuite, craignant pour leur vie. A Washington, le sort de ces engins de guerre américains embarrasse.
Elles constituaient l’atout qui devait à coup sûr offrir à l’armée gouvernementale afghane une longueur d’avance sur les talibans: de véritables forces aériennes aux couleurs du pays, avec le parrainage des États-Unis. Oncle Sam a su se montrer généreux, en fournissant aux Afghans des hélicoptères Black Hawk et MD 500 Defender, ainsi que des avions Cessna 208. En juillet dernier, Washington confirmait encore la livraison de 35 Black Hawk supplémentaires, ainsi que de 3 nouveaux A-29 Super Tucano, des avions à hélice équipés pour fournir un appui-feu aux troupes au sol, pas forcément très sophistiqués mais considérés comme adaptés à ce genre de conflit asymétrique.
Un butin exceptionnel
Au total, en comptant des appareils de construction soviétique et ces nouveaux engins, modernes mais plus délicats à entretenir, l’Afghanistan pouvait compte sur environ 200 aéronefs. Ce sont ces aéronefs qui ont été incapables d’enrayer l’offensive générale menée par les talibans dès que l’ombre du soutien de l’Otan a commencé à s’estomper. Un coup dur pour la puissance de feu made in the USA. D’autant que dans son empressement à partir, Washington doit maintenant regarder les talibans parader avec une énorme quantité de matériel militaire en guise de butin. Et de se demander si, en plus des armes légères et des blindés, les miliciens islamistes n’ont pas aussi mis la main sur une force aérienne had hoc.
Les seigneurs de guerre qui se sont emparés du pays ne manquent pas d’exhiber sur les réseaux sociaux les appareils détruits ou, bien plus souvent, pris aux forces gouvernementales, voire tout simplement trouvés dans des hangars. Ce qui embarrasse fort les Américains, admettait à demi-mot John Kirby, porte-parole du Pentagone, la semaine passée: « Nous sommes toujours inquiets de voir de l’équipement américain tomber entre les mains de nos adversaires. Quelles actions nous pourrions prendre pour empêcher cela ou régler cette situation, je ne spéculerai tout simplement pas dessus. »
Des coucous cloués au sol ?
Les talibans pourraient-ils utiliser ces appareils afin de renforcer leurs capacités militaires ? C’est assez peu probable. Car ces engins ne se pilotent pas aisément, et c’est une autre paire de manche de les utiliser au combat : il faut connaître les capacités de chaque type de munition, et celles-ci doivent être stockées et contrôlées également. En outre, ces aéronefs nécessitent un entretien rigoureux et des pièces de rechange qui ne sont en général livrées que par les États-Unis.
En revanche, les vieux engins soviétiques, spécialement conçus pour l’environnement d’Asie centrale et réputés pour leur robustesse, ont quant à eux plus de chance de voler à nouveau. Comme les hélicoptères d’attaque Mil Mi-24 familiers des Afghans depuis les années 70, et dont un exemplaire au moins, livré par l’Inde, a été pris par les talibans.
Les pilotes s’envolent à tire-d’aile
Quant aux pilotes afghans, ils formaient une sorte d’élite du régime qui a tout à craindre des talibans. Ceux-ci revendiquent d’ailleurs l’assassinat de plusieurs d’entre eux. Un certain nombre de pilote a d’ailleurs pris la fuite à bord d’appareils militaires. Ils semblent avoir généralement pris le cap de l’Ouzbékistan. Selon Tachkent, des appareils afghans ont violé son espace aérien et un Super Tucano serait entré en collision avec un MiG-29 ouzbek venu l’intercepter. Les pilotes des deux appareils se seraient éjectés, les deux Afghans ayant été blessés. Le parquet général ouzbek a également affirmé que 22 avions et 24 hélicoptères militaires afghans, avec 585 soldats à leur bord, avaient franchi la frontière pour se poser en Ouzbékistan au cours des derniers jours. La république d’Asie centrale a annoncé qu’elle renforcerait la vigilance militaire à sa frontière commune avec l’Afghanistan.
Un autre destin possible pour les appareils saisis par les talibans, c’est la mise aux enchères. Il est possible que la Russie, la Chine, ou d’autres rivaux des États-Unis soient intéressés par ces engins en vue d’étudier leurs capacités ou d’en copier certains composants. S’ils ne sont plus en état de voler, peut-être finiront-ils aussi sur le marché noir, entiers ou en pièces détachées. Ce qui est certain en revanche, c’est que les talibans ont trouvé là une belle occasion de propagande, dont ils ne vont pas se priver sur les réseaux sociaux.
Pour aller plus loin: