En 1889, la tour Eiffel ouvrait ses portes. Si sa construction n’a pas été de tout repos pour celui qui l’a imaginée, de même que pour les ouvriers qui se sont tués à la tâche, elle est rapidement devenue une attraction touristique populaire, ses coûts de construction ont été amortis en très peu de temps et elle est aujourd’hui un monument emblématique de la capitale français. Un succès qui a inspiré un projet similaire à Londres, mais son destin fut bien différent.
À la fin du 19e siècle, le politicien britannique et magnat des chemins de fer Edward Watkin cherchait un moyen d’attirer les foules dans la capitale anglaise dans le but d’augmenter la fréquentation de son chemin de fer métropolitain. Impressionné par le succès de la tour Eiffel, l’homme décida de s’en inspirer et de construire une grande tour à Londres, plus grande que celle de Paris. Il alla même jusqu’à demander à Gustave Eiffel de concevoir la grande sœur londonienne de sa tour.
Un concours international
Un refus qui ne fit pas changer les plans du magnat des chemins de fer qui lança un concours international de design pour concevoir la grande tour de Londres de demain. Parmi les 68 propositions plus loufoques les unes que les autres, M. Watkin retenu l’idée des architectes londoniens Stewart, McLaren et Dunn.
« La proposition gagnante était une version plus élancée de la tour Eiffel. Très similaire dans son profil général, mais la structure était en quelque sorte plus fine », a expliqué Christopher Costelloe, expert en architecture victorienne et inspecteur des bâtiments historiques à l’organisation du patrimoine public Historic England, à CNN. La tour devait mesurer 365,76 mètres, soit 50 mètres de plus que son homologue parisien qui était le plus haut bâtiment du monde à l’époque.
Un projet (beaucoup trop) ambitieux
La grande tour de Londres devait être « beaucoup plus spacieuse » que celle de Paris et comprendre « des restaurants, des théâtres, des boutiques, des bains turcs, des promenades, des jardins d’hiver et une variété d’autres divertissements ». Une plateforme d’observation était évidemment prévue pour offrir une vue panoramique sur la ville, mais aussi sur le ciel, car à cette hauteur, l’observation astronomique aurait été facilitée.
Mais la conception originale particulièrement ambitieuse fut rapidement revue et corrigée pour qu’elle soit moins coûteuse à réaliser. Sa construction a démarré en 1892 et sa première partie fut achevée trois ans plus tard. C’est là que les ennuis ont commencé.
« Quand ils ont atteint la première étape, il est vite devenu clair que le bâtiment s’affaissait. Pas si mal qu’ils ne pouvaient pas l’utiliser, mais ils ont certainement réalisé qu’ils auraient de gros problèmes s’ils continuaient à le construire plus haut, augmentant la pression sur les jambes », explique Costelloe. La tour était condamnée.
Équipée d’ascenseur électrique, la tour était ouverte au public, mais les foules ne se pressaient pour graver ce monument à moitié construit.
« L’un des principaux problèmes était que Watkin est mort en 1901 », ajoute Costelloe. « Il avait été le moteur du projet et avec sa mort, il ne restait plus qu’un calcul rationnel des coûts et des bénéfices. Les gens pouvaient monter jusqu’à la première étape, mais ce n’était pas assez haut pour obtenir le genre de vues panoramiques que vous obtiendriez du haut de la tour Eiffel, et la zone environnante n’était pas particulièrement développée ou spectaculaire.
Le succès n’étant pas au rendez-vous, les rentrées d’argent étaient insuffisantes pour payer la fin des travaux ou les finitions.
Abandon et démolition
Un an après la mort de l’instigateur du projet, la tour a été déclarée dangereuse et fermée. Elle a ensuite été démolie à la dynamite. Vingt ans plus tard, le site où reposaient les fondations de la tour de Londres a été recouvert par le stade original de Wembley. Il faudra attendre la démolition de ce dernier en 2002 en vue de la construction de l’actuel stade de Wembley pour que les fondations du projet de Watkin soient redécouvertes.
Si elle avait été achevée, cette construction aurait pu être le monument le plus haut de Londres, même à l’heure actuelle. Ce n’est pas pour autant qu’elle aurait rencontré le même succès que la tour Eiffel, selon Costelloe. « Cela aurait toujours été une très grande structure sur la ligne d’horizon, mais visible uniquement dans certaines vues », dit-il. « N’étant pas au centre de Londres, il n’aurait jamais eu le genre d’orientation dominante que la tour Eiffel a à Paris. »