Protectionnisme : le Congrès américain accorde des réductions fiscales à qui achète une voiture électrique américaine… Mais pas si c’est une Tesla

D’une pierre deux coups : voilà comment les sénateurs américains doivent percevoir le projet de loi sur lequel ils travaillent actuellement au Congrès. Celui-ci doit inciter les consommateurs à investir dans une voiture électrique en leur offrant d’importantes réductions d’impôt, mais aussi offrir un gros coup de pouce à l’industrie automobile américaine. De quoi fâcher les constructeurs étrangers, pour qui c’est une concurrence déloyale. Mais aussi Elon Musk, tenu à l’écart.

Ce texte, encore discuté au Congrès, prévoit un crédit d’impôt maximal de 12.500 dollars pour les véhicules électriques. Cette somme inclut l’actuelle déduction qui peut aller jusqu’à 7500 dollars à laquelle s’ajoute un crédit d’impôt de 4500 dollars si le véhicule est fabriqué par des ouvriers syndiqués aux États-Unis ainsi que 500 dollars si la batterie est également de fabrication américaine. Un projet qui encourage donc l’abandon des véhicules à énergie fossile tout en l’associant avec une mesure véritablement protectionniste, puisqu’elle favorise d’autant plus les constructeurs nationaux.

Musk VS le syndicalisme

A une grosse exception près, toutefois : car ce texte, en précisant que les voitures doivent avoir été assemblées par des ouvriers syndiqués, exclu de fait Tesla des plus grosses subventions. Or Elon Musk est très hostile aux syndicats : en 2017, Tesla avait fait l’objet d’une plainte de l’UAW (United Auto Workers, le syndicat automobile américain) pour avoir limogé des salariés pour leurs sympathies syndicales. En mars dernier, l’agence américaine en charge du droit du travail (NLRB) a rendu une décision défavorable au constructeur. La firme est aussi accusée de refuser d’embaucher des travailleurs syndiqués.

Conséquence : alors qu’en août dernier, le président Biden s’était réuni avec le président de l’UAW et les PDG de Ford, General Motors et Chrysler, les principaux constructeurs traditionnels américains, pour discuter d’incitants à la transition électrique, personne de Tesla n’avait été convié. Interrogé sur cette liste d’invités, la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki avait laconiquement répondu: « Ce sont les trois principaux acteurs de UAW. Je vous laisse donc tirer votre propre conclusion. »

C’est là donc un coup dur qui se prépare pour la firme d’Elon Musk qui, il faut le rappeler, semble vouloir surtout courtiser le marché chinois tout en s’ancrant en Europe avec une usine en construction en Allemagne qui fait fort polémique. A se demander si Elon Musk a la moindre idée des règles syndicales d’application un peu partout en Europe occidentale.

Contraire au libre-échange

Mais cette mesure impacte aussi les constructeurs non-américains, qui perçoivent là une pratique discriminatoire et contraire aux accords de libre-échange. Les ambassadeurs aux États-Unis de 24 pays, parmi lesquels la France, l’Allemagne, le Mexique, le Canada ou encore le Japon, ont d’ailleurs envoyé samedi un courrier conjoint aux élus américains. Ceux-ci soulignent que, dans l’état, cette future loi envoie comme message aux consommateurs américains que s’ils achètent une voiture électrique qui n’est ni une Chrysler,ni une GM, ni une Ford, alors ils paieront 4.500 dollars supplémentaires.

Certains feront le parallèle avec l’affaire AUKUS, où le président Biden a réussi à convaincre les Australiens d’acheter américain plutôt que français, mais les enjeux restent différents. Quoi qu’il en soit, si Joe Biden dénote de son prédécesseur sur le sujet climatique, il tient à se positionner lui aussi comme un défenseur de l’emploi américain et du Made in the USA.

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