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Pourquoi une révolution en Iran est improbable malgré les protestations massives

Plus de trois semaines après la mort de Mahsa Ahmini, 22 ans, qui avait désobéi aux lois iraniennes qui rendent obligatoire le port du hijab, les protestations continuent de se multiplier dans les rues de toutes les grandes villes. Les médias occidentaux parlent déjà d’une révolution imminente. Mais l’expert Arshin Adib-Moghaddam voit les choses différemment.

Le professeur de philosophies comparées à l’université de Londres, auteur du livre On the Arab Revolts and the Iranian Revolution, écrit dans un article qu’il ne s’attend pas à une révolution en Iran.

Selon Arshin Adib-Moghaddam, il existe effectivement des parallèles avec la révolution de 1979 qui a renversé le dernier shah d’Iran. Les femmes avaient par exemple déjà joué un rôle important dans ce soulèvement. À la différence qu’elles portaient alors le hijab pour montrer qu’elles rejetaient l’interdiction de porter un couvre-chef imposée par le père du shah en 1936. Toutefois, le hijab, que de nombreuses femmes avaient porté pour défier le régime du shah, est rapidement devenu un instrument d’oppression des femmes par la République islamique.

Parallèles avec 1979 et 2009

Un autre parallèle peut être fait : comme en 1979, les protestations sont les plus vives dans les écoles et les universités, puis elles s’étendent à l’ensemble de la société iranienne. En effet, de nombreuses personnes sont mécontentes de la façon dont le régime gère l’économie face aux sanctions occidentales et de l’incompétence apparente du gouvernement de la ligne dure à négocier un accord avec Washington qui pourrait réduire l’impact de ces restrictions, selon l’auteur.

Mais lorsqu’on lui demande si une révolution est en cours ou si le régime iranien sera renversé, Adib-Moghaddam fait référence aux manifestations de 2009, au cours desquelles des centaines de milliers d’Iraniens étaient déjà descendus dans la rue. À l’époque, c’était pour protester contre la réélection controversée de Mahmoud Ahmedinejad. Le meurtre d’une jeune Iranienne de 26 ans, Neda Agha-Soltan, abattue lors d’une manifestation antigouvernementale, avait également suscité la colère de la population.

Différences fondamentales

Mais, selon Adib-Moghaddam, comme en 2009, il existe aujourd’hui des différences fondamentales par rapport à 1979. Il est vrai que les réseaux sociaux sont largement utilisés en Iran, avec une forte pénétration d’Internet et une génération de jeunes férus de technologie qui apprennent à utiliser les outils en ligne pour mobiliser l’opposition. Mais la République islamique est également habile à contrôler le cyberespace, y compris ceux qui tentent d’utiliser les VPN et les autres technologies pour échapper à la censure.

Et, contrairement à 1979, il n’y a pas de leader charismatique prêt à endosser le manteau révolutionnaire. Il s’agit jusqu’à présent d’un mouvement sans leader – et les révolutions ont besoin d’une figure de proue. En 1979, c’était l’ayatollah Khomeini.

La garde révolutionnaire

Mais le plus grand obstacle à une révolution, selon Adib-Moghaddam, est le Corps des Gardiens de la révolution islamique. C’est le corps militaire d’élite de l’Iran. Il a été créé en mai 1979, l’année de la révolution islamique. Les Gardiens de la révolution sont distincts de l’armée iranienne et relèvent directement du chef spirituel de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei. Il dispose de sa propre force terrestre, de ses unités spéciales, de sa force aérienne et de sa marine. Le Corps des Gardiens de la révolution est composé de 125.000 soldats d’élite. Il contrôle également le programme nucléaire iranien depuis 2005.

Outre les soldats d’élite, il y a les Basij, une composante paramilitaire des Gardiens de la révolution qui, selon eux, compte 15 millions de volontaires. Selon les estimations internationales, ils seraient environ trois millions. En temps de paix, ils font office de police des mœurs.

Les Gardiens de la révolution islamique et les Basij ont tous deux des intérêts majeurs dans l’économie iranienne. Khamenei et son prédécesseur les ont particulièrement choyés pour s’assurer de leur loyauté. La réalité en Iran est donc qu’il ne peut y avoir de révolution que si les Gardiens de la révolution décident de rester dans leurs casernes ou refusent de tirer sur les manifestants s’ils en reçoivent l’ordre. Et jusqu’à présent, rien n’indique que cela va se produire.

(OD)

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