Les constructeurs européens historiques sont inquiets et prédisent une « invasion » de voitures électriques chinoises bon marché. Mais l’expansion sur le Vieux continent ne sera pa une partie de plaisir face aux coûts supplémentaires que les constructeurs chinois vont subir, en plus de certains stéréotypes qui collent à leurs produits.

Le contexte : un nouveau péril jaune pour le secteur automobile.

• Née à la fin du XIX siècle, l’expression « péril jaune » rassemblait les discours apocalyptiques qui annonçaient que les peuples asiatiques domineraient les Blancs pour gouverner le monde.
• Cette expression maladroite s’applique désormais au marché de l’automobile. En juin 2020, déjà, le patron de Renault, Jean-Dominique Senard, mettait en garde les députés français contre un raz-de-marrée de « voitures électriques chinoises bon marché mais fiables », qui utilisaient à l’époque la Norvège comme point d’entrée dans l’Europe.
• 3 ans plus tard, en juillet, le président de Stellantis, Carlos Tavares, estimait que l’Europe « déroulait le tapis rouge » aux voitures chinoises, mais que le secteur devaient s’attendre à « des changements brutaux ».

Les détails : les voitures chinoises ont effectivement le vent en poupe en Europe.

• En Chine, les constructeurs comme BYD, Xpeng, Nio ou MG n’ont plus grand-chose à prouver, avec des ventes qui dépassent souvent celles des constructeurs occidentaux.
• Du côté européen, les ventes augmentent progressivement : parmi les nouveaux véhicules électriques vendus en Europe jusqu’à présent cette année, 8 % ont été fabriqués par des marques chinoises, contre 6 % l’an dernier et 4 % en 2021, selon le cabinet de conseil automobile Inovev, mentionné par Reuters.
• En Belgique, en 2023, on compte 16 marques chinoises sur le marché. Allianz estime qu’au moins 11 nouveaux modèles arriveront en Europe d’ici 2025.

L’essentiel : pourquoi ce ne sera pas si simple.

• Certes, le prix moyen d’un VE en Chine était inférieur à 32.000 euros au premier semestre 2022 contre environ 56.000 euros en Europe, selon l’analyste du marché automobile Jato Dynamics.
• Mais les constructeurs chinois ne pourront pas vendre de VE à ce prix-là en Europe. Les coûts logistiques, les taxes, les droits d’importation et les exigences européennes en termes de conformité pèseront sur les prix.
• Ensuite, même si les goulots d’étranglement dans la chaine d’approvisionnement n’ont plus rien à voir avec ceux de la crise sanitaire, les constructeurs chinois ne trouvent pas facilement de sites de distribution sans d’importants délais.
• Par ailleurs, il y a la confiance des consommateurs et le maintien de certains stéréotypes. À l’exception de MG, la marque chinoise la plus vendue en Europe, les autres grands acteurs chinois sont encore peu connus du grand public.
  • Au pays de l’automobile, en Allemagne, seuls 14 % des 1.629 consommateurs allemands interrogés par un sondage YouGov en 2022 connaissaient BYD, le deuxième fabricant mondial de véhicules électriques après Tesla. 17 % avaient entendu parler de la marque haut de gamme Nio, et seulement 8 % de XPeng. Par contre, 95% des consommateurs allemands connaissaient Tesla.
• Les acheteurs européens restent fidèles aux grandes marques européennes et les stéréotypes ont la dent dure sur la qualité et la fiabilité des modèles chinois, qui sont pourtant de très bonne facture.
  • Spiros Fotinos, CEO Europe de la marque chinoise Zeekr, détenue par Geely, tente de remédier à ce problème en mettant les consommateurs européens en contact avec ses produits. « Par rapport à un produit européen comparable auquel ils seraient habitués, la qualité et les spécifications sont bien supérieures. Cela les surprend », fait-il savoir à Reuters.

On le voit, entre les coûts et les stéréotypes, le « péril jaune automobile » pourrait être une nouvelle lubie européenne.