Pourquoi la Chine a-t-elle de nouveau légalisé le commerce de cornes de rhinocéros et d’os de tigre?

La Chine a annoncé lundi qu’elle avait décidé de revenir sur son interdiction d’utiliser  les cornes de rhinocéros et les os de tigre à des fins médicales. Cette interdiction datait de 1993. Les organisations de défense de l’environnement redoutent un nouvel essor du marché noir et du braconnage qui pourraient menacer ces espèces menacées. 

Cette semaine ne restera pas dans les annales comme une bonne semaine pour la vie sauvage. Une enquête du WWF a révélé que 60 % des espèces animales sauvages ont disparu au cours des 40 dernières années. Et après 25 ans d’interdiction, la Chine a décidé de légaliser de nouveau partiellement le commerce de corne de rhinocéros, et d’os de tigre.

Une utilisation réservée aux hôpitaux certifiés et aux médecins

Le conseil d’Etat de Chine, qui est à l’origine de la circulaire y relative, précise que l’emploi des cornes de rhinocéros et d’os de tigre devra être destiné à la recherche médicale, ou à l’élaboration de traitements médicaux, et qu’il serait réservé aux hôpitaux certifiés ou aux médecins. En outre, ces matières ne doivent provenir que d’animaux élevés en captivité, à l’exception des animaux de zoos.

Une décision en contradiction avec les efforts de la Chine pour se présenter comme un défenseur de l’environnement

Les organisations de défense de l’environnement sont consternées. Elles redoutent que cette remise en cause de l’interdiction n’alimente le marché noir et le braconnage de ces espèces déjà menacées. Actuellement, on recense moins de 30 000 rhinocéros, et seulement 3900 tigres vivant en liberté dans des espaces naturels. Ces derniers temps, ces populations avaient eu tendance à se stabiliser, et parallèlement, les prix de ces matières avaient baissé. Mais ces évolutions favorables risquent d’être compromises, avertissent les défenseurs de l’environnement.

Cette annonce est d’autant plus étonnante, qu’elle menace d’écorner l’image de pays responsable et actif dans le domaine environnemental, et notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique, que le président chinois Xi Jinping s’efforce de donner à son pays. En 2016, l’Empire du Milieu avait annoncé, de concert avec les Etats-Unis, qu’il interdisait le commerce de l’ivoire.

La médecine traditionnelle chinoise, une arme de « soft power »

Dans ce contexte, comment expliquer cette nouvelle décision ? En Chine, les médias d’État ont décrit la légalisation comme un moyen de renforcer la surveillance du commerce clandestin de parties d’animaux en voie de disparition. Ce marché noir a continué de prospérer, malgré les contrôles nationaux.

Mais d’après des experts, elle serait davantage liée à la volonté du gouvernement chinois de promouvoir la médecine traditionnelle chinoise. Xi exploite en effet la médecine traditionnelle chinoise (MTC) comme une arme de « soft power » pour étendre l’influence de la Chine dans le monde, et son gouvernement en a fait la promotion dans des pays tels que le Cameroun, le Mali, le Zimbabwe ou encore le Népal, explique le journal américain. Le gouvernement espère imposer la médecine chinoise comme une alternative valable aux thérapies occidentales.

Un commerce très lucratif

Le journal Le Monde expliquait en 2015 que cette collaboration entre les systèmes de santé chinois et africains avait débuté dans les années 1950. Des médecins chinois ont été envoyés sur tout le continent africain. Entre 1975 et 2011, quinze missions chinoises ont travaillé au Cameroun, soit un total d’environ 700 médecins. « Cette activité médicale chinoise au Cameroun constitue l’un des aspects de la puissance chinoise en Afrique », affirme le chercheur Hilaire de Prince Pokam, qui a réalisé une étude sur la médecine chinoise au Cameroun. 

Cette coopération serait très lucrative pour la Chine, qui exporte des médicaments dans les pays participants. « Pour l’heure, la médecine traditionnelle ne représente encore que 5 % des exportations de médicaments chinois sur le continent africain, et la Chine, qui devrait devenir le deuxième plus gros producteur de médicaments au monde d’ici cinq ans, mise beaucoup sur cette pharmacopée traditionnelle », écrivait alors Le Monde. Selon le New York Times, le secteur de la MTC serait actuellement évalué à plus de 100 milliards de dollars et emploierait plus de 500 000 médecins.

Dans ce contexte, l’interdiction de l’utilisation de la corne de rhinocéros et des os de tigre étaient en contradiction avec cette « diplomatie de la médecine chinoise« .

© EPA

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