La forte réduction d’impôts de la Première ministre britannique Liz Truss ne profite guère à une grande partie de la population. En plus, les mesures sapent la confiance dans les finances de l’État et provoquent une chute brutale de la livre.
Pour de nombreux Belges, l’heure serait à la fête si le gouvernement décidait, pour une fois, de réduire substantiellement l’impôt sur le revenu. Toutefois, les plans dévoilés par Truss et le ministre des Finances Kwasi Kwarteng en début de semaine ne feront que peu d’heureux parmi les Britanniques.
Kwarteng veut réduire le taux le plus bas de l’impôt sur le revenu de 20 à 19%. Le prélèvement dans la tranche supérieure passera de 45 à 40%. En outre, la taxe sur les transactions immobilières diminuera. Et pour couronner le tout, le gouvernement suspend une augmentation prévue de la taxe professionnelle. Sur le papier, ces mesures devraient donner plus d’air aux Britanniques en période de crise.
Une dette nationale élevée
En réalité, c’est plutôt le contraire qui se produit. Truss va financer les réductions d’impôts en empruntant plus d’argent. Cependant, la dette nationale est déjà assez élevée, puisqu’elle est d’à peu près la même taille que le PIB, comme en Belgique. En Allemagne, par exemple, elle est de 70% et aux Pays-Bas de moins de 60%. Comme il devient plus risqué de prêter de l’argent au Royaume-Uni, les investisseurs veulent une rémunération plus importante pour le risque qu’ils courent.
Les rendements des obligations d’État britanniques à 5 et 10 ans sont passés de moins de 3% à plus de 4% depuis la victoire de Truss aux élections des Tories pour élire un Premier ministre début septembre. À la fin de l’année dernière, ces taux étaient encore inférieurs à 1%.
La douleur sur le marché du logement
Les taux hypothécaires sont liés aux taux du marché obligataire. Le choc va donc frapper durement le marché du logement. En effet, si en Belgique, il est courant de fixer les taux hypothécaires pour 10 ans ou plus, outre-Manche, cette période n’est généralement que de deux à cinq ans. En conséquence, le coût des prêts hypothécaires de nombreux ménages devrait doubler, voire tripler, dans un avenir proche.
Les consommateurs britanniques sont également affectés par les plans fiscaux d’une autre manière. En effet, sur les marchés des devises, la livre a fortement chuté après le discours de Kwarteng. La monnaie a même brièvement baissé de 5% par rapport au dollar. En conséquence, tous les biens et services que les Britanniques achètent en dollars deviennent beaucoup plus chers du jour au lendemain.
Livre = dollar = euro ?
La chute brutale de la livre a fait que la monnaie ne valait plus que 5% de plus qu’un dollar lundi. Bien que le dollar et l’euro se soient régulièrement croisés dans le passé, le fait que les trois monnaies valent presque le même montant constitue une situation unique.
Au passage, cela en dit long surtout sur le malaise économique du Royaume-Uni, qui est déjà entré en récession, selon la Banque d’Angleterre (BoE). Cette banque centrale apparaît de plus en plus comme le dernier espoir pour la livre. La BoE a commencé à relever ses taux d’intérêt bien plus tôt que le reste du monde développé. Et ces derniers jours, la banque a acheté des obligations d’État pour éviter que le marché ne soit perturbé par la vague de vente qui a commencé après le plan fiscal.
Cependant, la BoE ne peut pas faire de magie. Et il faudra maintenant un peu de magie pour arrêter la chute de la livre.
L’auteur, Joost Derks, est un spécialiste des devises chez iBanFirst. Il a plus de 20 ans d’expérience dans le monde de la monnaie. Cette chronique reflète son opinion personnelle et n’est pas un conseil d’investissement.
(CP)