Le Belge est très réceptif aux panneaux solaires : le nombre d’installations se multiplie rapidement et les professionnels sont débordés. Mais en Wallonie, le réseau ne suit pas et disjoncte facilement, en particulier aux heures les plus chaudes. Le gouvernement wallon veut inciter à une plus grande autoconsommation en supprimant l’avantage pour les particuliers à réinjecter l’électricité produite par leurs panneaux dans le réseau. Et il ne met en place aucune autre aide pour compenser. Comme si la transition énergétique n’était qu’à la charge des particuliers.
Photovoltaïque : le gouvernement wallon veut vous faire autoconsommer votre énergie, mais ne vous en donnera pas les moyens

Pourquoi est-ce important ?
Le photovoltaïque a plutôt le vent en poupe en Belgique, avec des records d'ensoleillement chaque été et surtout une peur croissante des fluctuations des prix de l'énergie qui motive les particuliers à assurer leur propre approvisionnement. Sauf que l'investissement reste lourd, et que dans notre plat pays, les aides publiques et les régimes de facturation favorables restent plus l'exception que la norme.Des panneaux nécessaires et populaires, mais moins abordables
L’idée du gouvernement : à la fin de l’année, le système du « compteur qui tourne à l’envers » pour les propriétaires de panneaux solaires qui réinjectent du courant dans le système sera complètement fermé en Wallonie, comme c’est déjà le cas en Flandre et à Bruxelles. Ceux qui auront fait le choix du photovoltaïque avant cette date pourront en bénéficier jusqu’en 2030, mais les nouveaux venus ne connaîtront pas ce mécanisme.
- Selon le gouvernement wallon, cette réforme – dont les modalités n’ont été approuvées en première lecture que vendredi dernier – doit motiver les propriétaires de panneaux solaires à consommer leur propre énergie, de manière plus responsable.
« La fin de la compensation va encourager les nouveaux prosumers à adapter leurs comportements pour autoconsommer au maximum l’énergie qu’ils produisent. Les compteurs communicants et la prime domotique sont là pour les soutenir dans ces nouvelles habitudes. »
Philippe Henry (Ecolo), ministre wallon de l’Énergie
- La fin de ce système pourrait provoquer une ruée sur les panneaux solaires dans les 6 prochains mois pour bénéficier quand même du tarif prosumer. Problème : c’est fort déconseillé, car le réseau wallon est déjà saturé, incapable d’absorber les 230.000 installations du pays, ce qui provoque des mises à l’arrêt, parfois dans des communes entières. Il va falloir le rénover.
- D’ici-là, il va falloir renvoyer moins d’énergie sur le réseau, en consommant aux heures les plus chaudes et en exposant moins les panneaux solaires. L’ASBL de défense des consommateurs BeProsumer a même avancé l’idée le mois dernier d’un moratoire sur l‘installation de nouveaux panneaux, pour soulager le réseau le temps qu’il soit rendu plus résilient.
Des batteries à domicile ? Pas rentable
Les panneaux solaires produisent leur meilleur rendement dans les heures les plus chaudes de l’après-midi, tandis que la majorité des Belges utilise son électricité le matin, un peu, et le soir et la nuit, surtout. Une incompatibilité difficilement contournable, même si apparemment le gouvernement wallon aimerait que vous fassiez un effort – autant pour mieux profiter du rendement que pour épargner son réseau vieillissant. Mais ce n’est pas pour autant qu’il va vous donner de coup de pouce.
- Pour autoconsommer sans pour autant allumer toutes les lampes de chez soi aux heures les plus lumineuses, on peut installer des batteries domestiques, pour stocker sa propre électricité. C’est d’ailleurs une autre solution avancée par l’ASBL BeProsumer pour éviter les pannes liées à la surcharge du réseau. Mais c’est cher : environ 8.000 euros pour une capacité de 10 kWh, sans compter le prix des panneaux bien sûr. Et il n’y a plus la moindre prime pour aider les particuliers qui voudraient franchir le pas.
- La Flandre en avait mis une en place, depuis 2019 et jusqu’au 31 mars 2023. Celle-ci variait selon la puissance de la batterie installée, pour un maximum de 1.725€ ou de 40% de la facture. Bien qu’elle n’existe dorénavant plus, cette prime a motivé près de 40.000 dossiers. À Bruxelles et en Wallonie par contre, rien de semblable n’a jamais été mis en place. Et rien n’est prévu à moyen terme.
- Or, à l’heure actuelle, sans aide, investir dans une batterie n’est pas rentable : elle a 10 à 15 ans d’espérance de vie, mais perd de sa capacité au fur et à mesure des années. Les distributeurs d’énergie comme Engie déconseillaient de le faire pour l’instant, en particulier tant que les compteurs pouvaient « tourner à l’envers ».
- L’arrivée du système avec tarif d’injection pour les nouvelles installations pourrait changer la donne, estimait quand même Engie. Sauf que celui-ci se fait encore attendre en Région wallonne, tandis que les primes à l’installation d’un compteur double-flux ne seront plus proposées non plus dès le 31 décembre prochain.
Une transition énergétique à la charge des petits particuliers
En Belgique – et en particulier en Wallonie -, les différents niveaux de gouvernement font reposer une bonne partie de la transition énergétique sur les ménages : il faut rénover ses habitations et installer des pompes à chaleur et des panneaux solaires, et vite si possible. Sauf que tout cela coûte cher tandis que la carotte ne suit pas, alors que l’expérience flamande sur les primes à l’installation de batteries prouve qu’elles fonctionnent.
- Rappelons quand même que la région rend possible l’octroi d’un prêt à 0% pour l’installation des panneaux, ainsi que pour les grosses rénovations énergétiques du bâti. Ce n’est vraiment pas rien. Mais ce n’est pas suffisant pour rendre autosuffisants tous les ménages du sud du pays : les panneaux deviennent, de plus en plus, la première étape de tout un système moderne, délicat et couteux.
- On dit parfois que le Wallon attend les subsides pour se décider à faire quoi que ce soit, mais c’est pourtant la Wallonie qui est la plus avare, tout en supprimant les aides existantes, sans pour autant les remplacer par de nouvelles, plus efficaces. Et pourtant, les cahiers de commande des installateurs sont pleins depuis des mois. Ce n’est certainement pas une question de mauvaise volonté des habitants du sud du pays.