Une opinion d’Etienne Dujardin, juriste et conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre.
Énorme buzz hier de Jean-Marc Nollet (Ecolo) qui avoue ne plus respecter la bulle d’une personne depuis des semaines. Cette déclaration pose problème à plus d’un titre.
Le problème de Monsieur Nollet n’est pas qu’il trouve ridicule la bulle d’une personne. Le problème n’est même pas qu’il suscite un débat sur les mesures actuelles, c’est même plutôt sain, car je pense, comme lui, que certaines mesures ne sont effectivement plus adaptées et qu’il faut élargir la bulle sociale et même, à mon sens, ouvrir à bref délai des secteurs comme la culture, les cultes à plus de 15 personnes ou encore les universités avec plus de présentiel. Le problème n’est pas non plus que Jean-Marc Nollet n’ait pas respecté les règles une fois ou l’autre. Il faut dire qu’elles sont toutes tellement lourdes, complexes et évolutives que même certains experts virologues ont avoué ne pas avoir su toujours respecter toutes les règles à 100%.
Le problème est que le coprésident d’Ecolo le dise publiquement sur une chaîne de média public, sachant en plus qu’il ne s’est pas battu depuis des semaines pour apporter quoi que ce soit comme changement aux règles en vigueur. Au contraire, Ecolo aimait bien faire passer pour irresponsable tout qui souhaitait déconfiner un peu plus vite notre société et alléger les règles actuelles. Le co-président des verts se disait furieux il y a quelques semaines que le MR porte publiquement un débat sur l’assouplissement en déclarant : « Je me mets à la place du citoyen. Que doit-il retenir quand il voit un parti, qui est pourtant associé aux décisions, 48 heures après, se permettre de remettre en question les décisions auxquelles il a participé. Je suis fâché, cela ne peut plus se reproduire. On doit être unis derrière les décisions et derrière le Premier ministre. » Est-ce le même Nollet aujourd’hui qui avoue ne plus respecter les règles ? Je trouve plus irresponsable de venir dire à la radio qu’on ne respecte pas la bulle sociale, que de se battre politiquement pour que les règles changent. Si Monsieur Nollet souhaite aller vers plus de libertés dans la société, qu’il n’hésite pas à appuyer les voix du MR qui prônent des assouplissements depuis des mois et qui se sont souvent trouvées seules en Codeco.
La sortie de Monsieur Nollet pose aussi question par rapport à tous ceux qui ont fait des efforts depuis des mois. Que va-t-il dire demain aux restaurateurs, aux gens de la culture, aux commerçants ? Il va répondre : « C’est vrai les mesures étaient très strictes et, même moi, je ne les respectais pas ? ». On imagine la réaction de ces gens qui sont au bord du gouffre face à ce genre de déclarations et qui, eux, n’ont pas eu le choix de respecter ces règles !? Que va dire Monsieur Nollet demain à cette femme seule qui a reçu une amende pour non-respect des mesures Covid et qui boucle déjà très difficilement la fin du mois ? Va-t-elle encore adhérer aux mesures et aux amendes vu le comportement opposé d’un dirigeant aussi important que coprésident d’Ecolo ? Que va dire Monsieur Nollet à ce couple qui a respecté scrupuleusement les mesures à Noël et n’a même pas invité ses enfants du tout depuis des mois de peur de voir débarquer la police chez eux ? Que va dire Monsieur Nollet à cet étudiant qui ne voit plus ses amis depuis des semaines ? On pourrait multiplier les exemples à l’infini.
La seule défense d’Ecolo et de Monsieur Nollet, lui-même, est de dire : « regardez, moi je ne mens pas, j’ose dire dans les médias que je ne respecte pas les règles ». Cette défense est d’une vacuité intellectuelle rare. Si le coprésident d’Ecolo est payé, ce n’est pas pour aller se confesser à la radio et faire un numéro de transparence sur sa vie privée. Son rôle est de peser politiquement pour un monde qu’il estime meilleur et plus juste, pas d’avouer publiquement qu’il ne respecte plus depuis longtemps une règle édictée par les différents gouvernements où il est présent.
Enfin, et c’est sans doute le plus grave, la déclaration de Monsieur Nollet casse complètement l’adhésion de la population à d’autres règles qui peuvent, elles, avoir plus de sens. Il est plus que temps que certains politiques se ressaisissent dans cette crise et qu’ils pèsent dans les cénacles où se prennent les décisions pour changer les règles qu’ils estiment injustes ou inappropriées. Avouer publiquement qu’on ne respecte pas une règle dont on est responsable, je pense que c’est la dernière chose à faire pour réconcilier le citoyen avec le politique.