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« Nous sommes capitalistes » : aux USA, les critères ESG deviennent un sujet politique, qualifiés de projet « woke » par les républicains

« Nous sommes capitalistes » : aux USA, les critères ESG deviennent un sujet politique, qualifiés de projet « woke » par les républicains
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Depuis plusieurs semaines, un débat politique est né où on ne l’attendait pas aux États-Unis. Ron DeSantis, gouverneur de Floride, et probable plus grand rival de Donald Trump à la primaire républicaine, attaque de front Joe Biden et son « capitalisme woke ». En cause, un jeu de ping-pong autour d’une loi encourageant la prise en compte des critères ESG par les gérants des fonds de pensions des entreprises. Les républicains contre-attaquent au Congrès, ce qui pourrait mener au premier véto présidentiel : tout sauf un détail.

Pourquoi est-ce important ?

Les critères ESG incitent la prise en compte des considérations environnementales, sociales et de bonne gouvernance dans les investissements, par exemple en évitant d'investir dans le pétrole. Ces critères sont désormais le centre d'un débat politique qui permet d'unifier des républicains qui sont sortis divisés des midterms. Ces critères sont vus comme un instrument politique mis en place par les démocrates pour répandre leur idéologie "woke".

Dans l’actu : Ron DeSantis a fait des critères ESG un cheval de bataille et y a consacré en partie de son dernier livre, “The Courage to Be Free”.

  • Le probable rival de Donald Trump à la course républicaine à la présidence n’y va pas par quatre chemins. Il veut mettre fin à l’influence « du capitalisme woke » et des entreprises « activistes » pour paralyser le mouvement d’investissement qui répond aux critères ESG.
  • Il voit les critères ESG comme « une tentative d’imposer l’idéologie de la classe dirigeante à la société par l’intermédiaire des sociétés cotées en bourse et de la gestion d’actifs ».
  • De quoi permettre à cette classe dirigeante (dont il ne fait bien sûr pas partie) « d’obtenir par l’économie ce qu’elle n’a jamais pu obtenir par les urnes ».
  • Le républicain critique les entreprises qui exercent un pouvoir pour exprimer des opinions « sur des questions qui n’affectent pas directement leurs activités ».
  • Pour lui, les employés « ont le droit de ne pas être soumis » à l’imposition d’une « idéologie de guerre comme condition d’emploi ».
  • Les entreprises ont le droit de s’exprimer, nuance-t-il, mais « la liberté de s’exprimer n’inclut pas le droit d’endoctriner ».

Le contexte : pourquoi l’ESG est-il devenu un sujet politique ?

  • En fait, un véritable match de ping-pong se joue entre les républicains et les démocrates autour d’une règle qui facilite la prise en compte des critères ESG.
  • L’année dernière, Joe Biden a assoupli une règle de l’ère Trump qui rendait plus difficile l’utilisation des facteurs ESG dans les décisions d’investissement. Cette loi vise plus précisément les gestionnaires des fonds de pension des entreprises privées, libres de mieux tenir en compte les fameux critères ESG.
  • Les républicains ont contre-attaqué au Congrès, utilisant leur pouvoir d’examen pour faire annuler la règle.
  • Ce à quoi Joe Biden peut répondre par un véto présidentiel, ce qui serait une grande première sous son mandat.

L’essentiel : ce sujet austère permet aux républicains de s’unifier.

  • A priori, un sujet financier n’est pas très porteur politiquement. Sauf quand on y colle le terme « woke », un terme plutôt vague qui pourrait être défini comme un mouvement militant qui lutte contre un système qu’il juge oppressant et discriminant pour les minorités.
  • La droite américaine estime que la gauche met en place une forme de dictatures des minorités contre les valeurs de l’Amérique. Une sorte de clivage est née entre un conservatisme et un progressisme à outrance.
  • Après les midterms, qui se sont soldés par une défaite, les républicains sont plus divisés que jamais. Mais cette thématique semble les unir, Donald Trump ayant qualifié, dans son style, l’ESG « d’ordure de la gauche radicale » et promet de sévir contre ce mouvement s’il est à nouveau élu.
  • Ron DeSantis, qui n’a pas encore officiellement déclaré sa candidature, mais qui est donné favori par les sondages, va un peu plus loin dans l’analyse et glisse dans son livre un bout de l’idéologie politique qu’il défend : « Le contrôle des grandes entreprises technologiques, l’application des lois antitrust, l’interdiction des formations professionnelles discriminatoires et la paralysie du mouvement ESG sont autant de moyens par lesquels les pouvoirs politiques peuvent protéger la liberté individuelle contre des acteurs privés à l’idéologie stridente. »

Le détail : les banquiers désormais obligés de se justifier.

  • Le thème de l’ESG s’est également invité à Wall Street, où il devient depuis un certain une stratégie d’investissement, poussant certains grands banquiers à devoir se justifier.
  • C’est le cas par exemple du directeur général de Bank of America, Brian Moynihan, qui a tenu à préciser, mardi, dans un message aux actionnaires : « Oui, nous sommes capitalistes ».
  • Symptomatique du climat ambiant : « J’ai parfois été surpris qu’on me demande, y compris lors d’auditions au Congrès, si j’étais un capitaliste, écrit Moynihan. « Il se peut aussi que vous trouviez la question inhabituelle. Bien sûr, j’ai répondu ‘oui’. »
  • « Le capitalisme fournit l’argent, la créativité et l’expertise nécessaires pour répondre aux besoins de la société », a écrit M. Moynihan. « Nous permettons à nos clients de faire avancer le capitalisme ».
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