Nomination de Magnette comme formateur : Georges-Louis Bouchez a fulminé

Pour la première fois depuis le début de ces négociations, c’est aux formateurs de prendre le relais. L’équilibre est fragile, la pression immense, la confiance relative, mais une Vivaldi devrait bien voir le jour. Ironie de l’histoire, près de deux ans après la chute du gouvernement Michel, cette séquence de formation pourrait être la plus courte de l’histoire. Retour sur une journée d’hier animée.

Le couteau entre les dents. La journée de mercredi, qui s’est achevée en soirée chez le roi avec la nomination d’Alexander De Croo (Open VLD) et Paul Magnette (PS) comme formateurs, relève du tour de force.

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Au centre du jeu, les deux préformateurs, Egbert Lachaert (Open VLD) et Conner Rousseau (sp.a). Ils ont clairement opté pour la méthode offensive. Pas de séance plénière, mais des bilatérales. Après l’épisode de dimanche, qui a vu Georges-Louis Bouchez remettre en cause l’accord, puis être acculé le lendemain, le sp.a allant jusqu’à vouloir exclure le MR, les deux préformateurs ont choisi la politique du fait accompli. ‘Au final, c’était simple: il y avait cinq partis pour, un parti contre et un s’est abstenu’, résume un initié.

Cet adversaire, c’était Georges-Louis Bouchez. Attaqué de toutes parts ces derniers jours, le président des libéraux a tout simplement été dépassé hier. Lors de sa rencontre avec Lachaert et Rousseau, ‘il a insinué que le MR démissionnerait si Magnette était nommé comme formateur ou préformateur’. Rousseau et Lachaert ont entendu la menace, mais ont choisi de l’ignorer: ils se sont rendus au Palais sans se retourner. Des sources au sein de MR indiquent que leur président a réagi avec fureur à l’annonce du Roi.

Que faire? Le président des libéraux francophones a rapidement compris qu’adopter une tactique du seul contre tous, une nouvelle fois, serait contre-productif. Y compris contre le Roi pour ce Belgicain dans l’âme. Un tweet a suivi, indiquant que le MR ‘ne commente jamais les décisions du Palais’. Georges-Louis Bouchez s’est dit ‘concentré à travailler sur le fond’, dans un geste d’apaisement.

Les fuites

Un peu plus tôt, le président du MR préparait sa stratégie de sortie. Histoire de sauver la face. Un article dans la DH et dans La Libre énumérait ‘les totems que Bouchez refuse de lâcher’ aux socialistes. Il est question d’impôts sur la fortune, du cadastre sur les patrimoines ou encore du secret bancaire. C’est désormais sa ligne de défense, qu’il a répétée ce matin à un chef de section de La Louvière qui l’avait interpellé la veille sur ses méthodes: ‘Je fais l’objet d’un bashing, car certains points mis sur la table ne m’ont pas paru équilibrés’.

On sait GLB farouchement opposé à la nomination de Magnette comme Premier ministre. Le président du MR a aussi été accusé tout le long de ces négociations de jouer un double-jeu, voulant conserver le gouvernement Wilmès en place, où les bleus sont surreprésentés. GLB, sauveur des valeurs libérales d’une Vivaldi aux relents communistes ? Vraiment?

Un peu gros à avaler. On imagine mal l’Open VLD, ou même le CD&V, engloutir de telles couleuvres. Preuve en est, dès lundi, De Croo s’est immiscé discrètement au centre du jeu au détriment d’Egbert Lachaert, allant directement discuter avec Conner Rousseau. Il est même venu avec une sorte d’accord-cadre en sa possession. Une réunion bilatérale, sans les libéraux francophones, mais aussi sans le CD&V et les Verts. Nous y reviendrons.

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Après une réunion au finish, Rousseau est revenu le lendemain matin (mardi) avec une contre-note, faisant quelque peu monter la tension. Le jeune président socialiste y intégrait les revendications des Verts (sortie du nucléaire en 2025), et celles du CD&V (réforme de l’État et nomination de deux ministres pour la préparer), en plus d’une batterie de mesures sociales. Cela a provoqué une grande nervosité au sein de l’Open VLD. Plus question d’impôts sur les plus-values ou les valeurs mobilières, et une réforme du travail promise, mais la pilule sociale était difficile à avaler. Les deux sont finalement tombés sur un accord, aux autres partis de se débrouiller.

Le PS s’est dit satisfait de l’accord, le président du MR, pas du tout, mais il n’a pas eu le choix, car isolé. S’en est suivie la séquence dans la presse pour montrer que le MR avait néanmoins décroché ses trophées. Une séquence qui a elle-même découlé sur la fuite de l’accord complet, retweetée par le président du MR himself, alors qu’il est de notoriété publique que certains points n’ont pas encore été actés sur le fond. S’il fallait ajouter de la tension à la tension, voilà qui est fait.

Mais après le spectacle politique, place au travail de l’ombre. Les collaborateurs des deux formateurs ont maintenant du pain sur la planche pour arrondir les angles. Le tout en un temps record, d’ici le 1er octobre. Face caméra, c’est au tour de deux hommes d’expérience. De Croo et Magnette connaissent la musique. Changement de ton immédiat: l’heure était aux sourires sur les réseaux sociaux, avec même une déclaration commune à la clé. Un climat constructif, souligné par le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close (PS) en radio ce matin.

Le CD&V et les Verts: trop discrets?

On ne s’y trompe pas, ces négociations sont dominées par les socialistes et les libéraux.

Ces rencontres bilatérales ont d’ailleurs été peu gouttées par le CD&V. Mais là où le MR a placé un veto sur Magnette, les démocrates-chrétiens n’ont pas été aussi loin contre De Croo, malgré les pressions de hauts dignitaires du parti, et la colère des nombreux bourgmestres pour qui, le CD&V, ‘est un comprimé effervescent qui se dissout dans la Vivaldi’. Dans un groupe WhatsApp haut en couleur, certains bourgmestres ont même prédit la fin du parti: ‘Ne voyez-vous pas qu’en entrant dans ce gouvernement, vous resterez dans les livres d’histoire comme le dernier président démocrate chrétien de Flandre.’

Joachim Coens est isolé. Même lorsqu’il s’essaye à une petite boutade, toujours sur le même groupe, après la conférence de presse une nouvelle fois hasardeuse du Conseil national de sécurité: ‘Ne se rend-il pas compte que quelques heures plus tard, nos ministres, Nathalie Muylle (CD&V) entre autres, doivent défendre loyalement leurs décisions dans les studios de télévision?’

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Vous la sentez la bonne ambiance chez les démocrates-chrétiens ?

Les Verts ont eux paru relativement absents de la pièce de ces derniers jours. Ils plaident depuis le début pour des réunions collégiales. À la Chambre, Meyrem Almaci (Groen) et Jean-Marc Nollet (Ecolo) ont eu des mots durs, en on et en off, contre les négociations et la manière dont elles étaient menées, répétant l’urgence de la situation. Mais sur le fond, pas trop d’objections à la note. Tout comme le CD&V, ils peuvent présenter certains trophées devant leurs électeurs.

Mais les négociations ne sont pas finies. Certains points cruciaux doivent encore être tranchés. Dans une ambiance… froide (voir photo). Pas question toutefois de jouer les faire-valoir.

La question qui fâche (toujours)

Bon an, mal an, par la porte ou par la fenêtre, les formateurs et leurs équipes devraient aboutir à un accord de gouvernement. Sans toutefois oublier de le budgétiser. C’est un point qui a fort varié ces dernières semaines.

Invariablement, en poursuivant notre exercice des expressions toutes faites, il reste l’éléphant dans le magasin de porcelaine: mais qui donc sera Premier ministre? Les arguments de chacun sont connus: un Premier ministre appartenant à la plus grande famille politique, ou un flamand après deux francophones dans une formation qui penche au sud…

Paul Magnette (PS) - Alexander De Croo (Open Vld)
Paul Magnette (PS), Alexander De Croo (Open Vld) – Isopix

Mais dans une note qui penche gauche, comme tous ou presque l’affirment, ne serait-il pas logique de voir un bleu à la tête du gouvernement ? Comme pour l’argument précité, le rôle du Premier ministre est une question d’équilibre.

Voir Alexander De Croo couronné serait clairement un plus pour l’Open VLD. Le rôle de Premier ministre a retrouvé des couleurs ces derniers temps. On comprend aussi le désarroi d’un GLB: accepter un accord à gauche sans la couronne. Il est clair que c’est le MR qui a le plus à perdre. Et c’est bien logique quand on part de si haut (6 ministres et une Première ministre). Mais pourra-t-il refaire le coup de dimanche dernier ? Deux jours ‘de bashing’, ça calme.

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