Les 125 milliardaires les plus riches du monde émettent autant de gaz à effet de serre que toute la France par le biais de leurs investissements dans des entreprises à forte intensité de carbone, selon une analyse publiée à l’ouverture de la COP27 sur le climat en Égypte. Ces milliardaires investissent principalement dans des industries polluantes telles que les combustibles fossiles et le ciment.
Carbon Billionaires: The investment emissions of World’s richest people est une analyse détaillée des investissements réalisés par 125 des personnes les plus riches au monde dans certaines des plus grandes entreprises de la planète, et des émissions de carbone liées à ces investissements. Ensemble, ces milliardaires détiennent 2,4 billions de dollars à travers 183 entreprises.
Le rapport montre que les investissements de ces milliardaires génèrent en moyenne 3 millions de tonnes de CO2 par personne et par an, soit un million de fois plus que les 2,76 tonnes de CO2 émises en moyenne par une personne ordinaire. Collectivement, les investissements de ces 125 milliardaires émettent 393 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de la France entière, un pays de 67 millions d’habitants.
Le chiffre réel peut-être encore plus élevé
Le chiffre réel est probablement encore plus élevé, selon Oxfam, car il a été démontré que les entreprises sous-estiment systématiquement le véritable niveau d’impact de leurs émissions de carbone. En outre, il existe des milliardaires et des entreprises qui ne divulguent pas leurs émissions, et qui ne sont donc pas inclus dans l’étude.
Celle-ci montre également que les milliardaires placent en moyenne 14 % de leurs investissements dans des industries polluantes telles que la production d’énergie et de matériaux comme le ciment. C’est deux fois plus que la moyenne des investissements dans le Standard and Poor 500, un indice basé sur 500 grandes entreprises aux États-Unis. Seul un milliardaire sur tout l’échantillon avait des investissements dans une entreprise d’énergie renouvelable. Si ceux-ci transféraient leurs investissements dans un fonds aux normes environnementales et sociales plus strictes, ils pourraient diviser par quatre leurs émissions.
Plaidoyer pour l’impôt sur la fortune
Oxfam préconise que les gouvernements introduisent un impôt sur la fortune pour les personnes les plus riches et une taxe supplémentaire sur les investissements dans les industries polluantes. Selon l’organisation, cela générera des milliards qui pourront être utilisés pour aider les pays à faire face aux conséquences brutales de la crise climatique et aux pertes et dommages qui en résultent, et pour financer la transition mondiale vers les énergies renouvelables.
Oxfam a calculé qu’un impôt sur la fortune des super-riches du monde entier pourrait rapporter 1.400 milliards de dollars par an, des ressources essentielles qui pourraient aider les pays les plus durement touchés par la crise climatique. Selon l’ONU, les coûts d’adaptation pour les pays à faible revenu pourraient atteindre 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030. À elle seule, l’Afrique aura besoin de 600 milliards de dollars entre 2020 et 2030. Oxfam demande une forte augmentation des taux d’imposition sur les investissements dans les industries polluantes afin d’en dissuader les investisseurs.
Le rapport indique que de nombreuses entreprises bénéficiant des investissements de ces milliardaires ne sont pas sur la bonne voie dans l’élaboration de leurs plans de transition climatique, se cachant derrière des plans irréalistes et peu fiables avec des promesses d’atteindre des objectifs nets zéro seulement en 2050, entre autres.
« Ils ont échappé à toute responsabilité pendant trop longtemps »
« La responsabilité importante et croissante des riches dans les émissions globales est rarement discutée ou prise en compte lors de l’élaboration des politiques climatiques » martèle Eva Smets, directrice d’Oxfam Belgique. « Il faut que cela change. Ces investisseurs milliardaires au sommet de la pyramide des entreprises ont une énorme responsabilité dans la dégradation du climat. Ils ont fui leur responsabilité pendant trop longtemps. »
« Les émissions produites par le mode de vie des milliardaires, il suffit de penser à leurs jets privés et à leurs yachts, sont des milliers de fois supérieures à celles de la personne moyenne, ce qui est déjà totalement inacceptable. Mais si nous examinons les émissions provenant de leurs investissements, leurs émissions de carbone sont plus d’un million de fois supérieures », évalue Smets.
« Nous avons besoin de la COP27 pour exposer et changer le rôle que les grandes entreprises et leurs riches investisseurs jouent dans la crise climatique », selon Mme Smets. « Ils ne doivent pas se cacher ou faire du greenwashing. Les gouvernements doivent s’attaquer d’urgence à ce problème en publiant les chiffres des émissions des personnes les plus riches, en réglementant les investisseurs et les entreprises pour qu’ils réduisent les émissions de carbone et en taxant les investissements et les richesses polluantes. »
Des données récentes issues de la recherche d’Oxfam en collaboration avec l’Institut de l’environnement de Stockholm montrent que le 1 % le plus riche de l’humanité est responsable de deux fois plus d’émissions que les 50 % les plus pauvres, et que d’ici 2030, l’empreinte carbone de ces riches sera 30 fois supérieure au niveau compatible avec l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris.
(MB)