La légendaire route de la soie était autrefois l’une des plus grandes artères commerciales du monde, permettant d’échanger des biens, des idées nouvelles, des religions, des philosophies, mais parfois aussi, des maladies. Dans son livre, « L’aube de l’Eurasie », l’ex-ministre de l’Europe portugais Bruno Maçães explique que l’Europe et l’Asie sont destinées à être liées l’une à l’autre par le commerce sur une bien plus grande échelle, en partie grâce au projet chinois de la « Nouvelle Route de la Soie ».
La Chine ambitionne en effet de remodeler l’économie de l’Eurasie, pour satisfaire ses besoins nationaux de manière optimale, ce que Maçães appelle sa « politique industrielle transnationale ».
Dans le cadre de son projet « One Belt, One Road« , la Chine aura besoin de s’approvisionner en matières premières et de réaliser un certain nombre d’ouvrages d’infrastructure. De même, elle sera probablement amenée à investir dans certains secteurs, tels que l’agriculture ou la basse technologie. Mais il ne faut pas s’y tromper: même si ces initiatives la conduiront à conclure des partenariats avec d’autres pays elle conservera pour elle la partie la plus rentable de cette chaîne de valeur.
Des perturbations dans les pays traversés
Cela a des implications pour les pays traversés par cette « nouvelle route de la soie ». Par exemple, le Pakistan, qui a souscrit à de nombreux emprunts pour réaliser les ouvrages d’infrastructure nécessaires, risque d’être plombé par ses dettes pendant très longtemps. Au Kazakhstan, l’afflux des migrants chinois, mieux rémunérés que les locaux, suscite le malaise.
Les choses pourraient aussi se compliquer dans certains territoires de la Chine. La nouvelle route de la soie traversera en effet le Xinjiang, une province occidentale de la Chine à majorité musulmane. Celle-ci fait l’objet d’une surveillance étroite en raison des craintes liées à la menace islamiste qu’elle pourrait poser.
La Russie et l’UEE
Quant à la Russie, elle redoute d’être rétrogradée au statut d’arrière-pays chinois. Cela a motivé le président russe Vladimir Poutine à créer l’Union Économique Eurasiatique, un nouveau groupe géopolitique composé de quatre anciennes républiques soviétiques. Celui-ci a déjà contribué à ralentir le commerce chinois, car les camions passent plus de temps au poste frontière entre la Chine et le Kazakhstan, le temps de formater de remplir les formalités douanières de l’UEE.
L’UE ne peut pas répondre à tous les défis, parce qu’elle n’est pas « hybride »
Comme l’UEE, l’Union Européenne a été créée pour tenter de peser sur le commerce international grâce à la formation d’un bloc.
Mais Maçães souligne que ses jours de gloire sont révolus. Les divisions internes du bloc, et son approche technocratique basée sur des règles strictes, ne lui permettent pas de gérer des crises graves, comme celle de la crise économique grecque, par exemple.
Ainsi, de même qu’Hong Kong et Singapour prospèrent depuis des décennies en incarnant des hybrides réussies de l’Est et de l’Ouest, il faudra s’attendre à ce que tous les pays d’Eurasie fassent des compromis. Ce sera leur prix à payer pour devenir « eurasien ».
Le Brexit, le joker de la Grande-Bretagne
Et de ce point de vue, le Brexit pourrait constituer une bonne opportunité pour la Grande-Bretagne. Cette dernière pourrait en effet s’inspirer des choix que Singapour a faits lorsque elle a perdu ses territoires malaisiens en 1965. La ville-État a en effet décidé de se tourner vers les marchés internationaux du commerce et de l’investissement. Si elle suit cet exemple, Londres pourrait devenir une « grande capitale eurasienne ».