Après avoir atteint un sommet, les prix du gaz ont chuté autour des 250 dollars le MWh ce vendredi. Cela reste bien sûr un niveau très élevé par rapport à l’année dernière, mais il pourrait s’agir d’un nouveau plafond. La situation énergétique reste et restera tendue pour l’Europe, mais pour certains analystes, l’influence de la Russie « est presque terminée ».
C’est le cas d’Agathe Demarais, directrice des prévisions mondiales chez The Economist Intelligence Unit. Interrogée par le média économique américain CNBC, elle estime que « L’Europe se dirige vers un hiver très difficile. Avec probablement un ajustement très compliqué durant deux ans, avec beaucoup de douleur économique. Mais ensuite, l’Europe va devenir plus indépendante avec un mix plus diversifié. »
En fait, selon l’experte, la Russie joue son va-tout maintenant, car elle sait qu’elle ne pourra plus avoir aucune emprise plus tard. « L’arme énergétique de la Russie touche à sa fin. La Russie le sait, et c’est la raison pour laquelle elle est en train d’interrompre l’approvisionnement en gaz ou de créer des incertitudes, parce qu’elle sait que si elle veut nuire à l’Europe, elle doit le faire maintenant. C’est maintenant ou jamais. »
Il est vrai que la Russie interrompt régulièrement ses livraisons de gaz, pour cause de « maintenance », avance-t-elle. Personne n’est dupe ici en Europe. Tout le monde sait que Poutine joue avec les vannes pour maintenir des prix hauts, et accroître l’incertitude en Europe. Il veut aussi semer la division, ce que le président russe est parvenu à faire avec la Hongrie, l’éternel rebelle de l’UE.

Le cas emblématique de l’Allemagne
Mais voilà, les stocks de gaz se remplissent un peu partout en Europe. L’exemple le plus marquant est bien sûr l’Allemagne, qui est en avance sur son schéma. Les stocks sont bientôt remplis. Nos voisins se sont surtout approvisionnés en Norvège et aux Pays-Bas. L’Allemagne a également baissé sa consommation, les industries trouvent des énergies alternatives et il est demandé à la population d’éviter tout gaspillage. C’est bien simple, la consommation allemande de gaz en provenance de Russie est tombée à 9,5% en août contre 60% à la même époque l’année dernière. Éloquent.
Ian Bremmer, président du cabinet Eurasia Group, a déclaré la semaine dernière sur Twitter qu’il « semble de plus en plus clair que l’Allemagne puisse passer l’hiver sans rationnement sévère », même si la Russie devait couper complètement son approvisionnement.
C’est une « très bonne nouvelle », a déclaré M. Bremmer. « L’influence énergétique de la Russie sur l’Europe est presque terminée ».
L’hiver sera déterminant
Dire que notre dépendance à la Russie est quasiment terminée être sans doute très optimiste. Mais il est vrai que nous avons peut-être atteint un plafond au niveau des prix, dans la mesure où la Russie a joué toutes ses cartes. Les stocks européens de gaz sont remplis à 80%, l’Allemagne à 85%.
En fait, désormais, tout dépend de la rugosité de l’hiver. « La menace de pénurie demeure », a déclaré Jacob Mandel, de la société de conseil Aurora Energy Research. « Une vague de froid inattendue pourrait rapidement épuiser les stocks si les importations ne suivent pas. » Dans le meilleur des cas, nos stocks dureront 3 mois, sans approvisionnement.
Andreas Schroeder, responsable des analyses énergétiques chez ICIS estime que l’influence de la Russie sur l’énergie européenne « n’est pas encore terminée, mais elle s’estompe, lentement mais sûrement (…). Si l’hiver est doux, nous aurons besoin de moins de réductions de consommation, mais si l’hiver est rugueux, nous aurons besoin de plus. Tout dépend du temps qu’il fera. »
En attendant, l’Europe envisage une mesure d’urgence pour calmer les prix. À plus long terme, elle veut aussi revoir le mécanisme qui fixe les prix de l’énergie, même si de nombreuses incertitudes demeurent à ce sujet.