La forte hausse des prix des matières premières remet en cause le modèle de développement de la Chine. En fait, le changement s’est déjà amorcé dans le pays. Pékin vise une plus grande autonomie et misera moins sur l’exportation de produits bon marché à faible valeur ajoutée.
La Chine ou « l’usine du monde », un modèle qui a procuré à l’Empire du Milieu quatre décennies de croissance continue. Ce modèle est en train de prendre fin, selon Redmond Wong, expert des marchés chinois pour Saxo Bank.
« Xi Jinping a fait remarquer que le modèle de développement chinois de ‘l’usine du monde’, qui repose sur une fabrication à forte intensité de main-d’œuvre, l’importation de matériaux et l’exportation vers des marchés étrangers, a atteint ses limites et est devenu inadéquat dans le contexte de la tendance internationale émergente à la démondialisation. »
Main-d’œuvre en baisse, matières premières en hausse
« Avec un faible taux de fécondité et une population vieillissante, la population chinoise en âge de travailler a atteint un pic en 2015, et les coûts de la main-d’œuvre ont augmenté », ajoute Wong. « Le modèle de croissance axé sur les exportations a fait son temps après quatre décennies de succès. »
En effet, une main-d’œuvre bon marché a permis à l’Empire du Milieu de bâtir sa croissance sur l’exportation de produits à faible valeur ajoutée. Mais avec l’augmentation des matières premières, et la volonté de l’Occident de rapatrier un certain nombre d’usines, le modèle est dépassé et Pékin l’a bien compris.
La Chine importe 73 % du pétrole brut qu’elle consomme, 41 % du gaz naturel, 8 % du charbon, 20 % des céréales et beaucoup plus pour les métaux industriels comme le cuivre. L’inflation a une très mauvaise influence sur la balance commerciale de la Chine, son PIB et les marges des entreprises.
Le nouveau modèle
La Chine garde un énorme atout : une population de 1,4 milliard habitants, ce qui constitue un marché intérieur qui est loin d’avoir délivré tout son potentiel. C’est cette circulation intérieure qui devrait devenir le moteur principal de la croissance chinoise dans les années à venir, et c’est ce sur quoi Xi Jinping et le PCC travaillent actuellement : booster la demande intra-muros.
Avec une méthode bien chinoise : renforcer les entreprises d’État et de l’économie réelle. Les politiques de Pékin visent l’industrie manufacturière et l’agriculture. « Le développement de l’agriculture et des zones rurales et la promotion du bien-être des agriculteurs sont des dimensions essentielles du nouveau paradigme de développement. Selon Xi, ces éléments seront déterminants pour assurer la sécurité alimentaire, stimuler la consommation intérieure et promouvoir la prospérité commune », résume Wong. En d’autres mots, donner la possibilité aux habitants des campagnes de devenir des consommateurs, au-delà des grandes mégapoles chinoises. Deux plans successifs ont été annoncés pour des projets d’infrastructure pour un montant total de 384 milliards de dollars.
À contrario, Xi Jinping a enclenché fin 2020, début 2021, un contrôle renforcé des entreprises liées au secteur de l’internet, de l’économie des plateformes et des entreprises immobilières. Pékin veut garder le contrôle: le PCC « a réitéré la nécessité de renforcer la surveillance des comportements monopolistiques et anticoncurrentiels et de lutter contre l’expansion désordonnée des capitaux privés. »
De l’autre côté, la Chine continuera à miser sur les exportations, mais privilégiera les produits manufacturés de type « killer technology » à haute valeur ajoutée.
Stabilité
En attendant que ce nouveau modèle basé sur la demande intérieure, une plus grande autonomie, et l’exportation à haute valeur ajoutée se mette en place, Xi Jinping misera sur la stabilité. Car en octobre, un très important congrès du Parti chinois déterminera si oui ou non l’omnipotent président chinois restera en place. Après deux mandats, le président chinois était censé s’effacer. Mais il est déjà clair que Xi Jinping, 68 ans, voudra conserver son pouvoir, après avoir modifié la Constitution qui lui permettrait de se maintenir à vie.
La lutte contre le Covid, la prospérité commune et la lutte contre la corruption, la pauvreté et la pollution resteront les sujets privilégiés par Pékin à court terme. Mais le mouvement de fond est lancé, la Chine devra tôt ou tard sortir du modèle d’usine du monde, sous peine d’être dépassée.
Il est prévu que la population indienne surpasse la population chinoise dès 2023.