L’Inde a bloqué samedi l’exportation de céréales, avec effet immédiat. Cette mesure est jugée nécessaire pour protéger la sécurité alimentaire de sa propre population. Le marché international comptait sur les exportations indiennes de céréales pour compenser le déficit de l’offre mondiale causé par la guerre en Ukraine. Les prix du blé augmentent en conséquence, et les pays devront trouver des alternatives.
« Les pays qui ont besoin de céréales pour leur sécurité alimentaire et qui font une demande officielle d’approvisionnement pourront toujours compter sur les fournitures indiennes », note la direction générale. « Cependant, tous les autres nouveaux envois seront interdits avec effet immédiat ».
Approvisionnement
« La décision d’arrêter les exportations de céréales souligne les inquiétudes des Indiens concernant l’inflation élevée, qui a contribué à une vague de protectionnisme alimentaire depuis le début de la guerre en Ukraine », note l’agence de presse Bloomberg.
« Les gouvernements du monde entier, dans un contexte de hausse des prix agricoles, tentent de sécuriser les approvisionnements alimentaires locaux. L’Indonésie a cessé d’exporter de l’huile de palme, tandis que la Serbie et le Kazakhstan ont également introduit des quotas sur leurs exportations de céréales. »
« La restriction des exportations porterait toutefois un coup à l’ambition de l’Inde de récolter les fruits de la forte demande de céréales qui a émergé depuis que la guerre en Ukraine a pratiquement paralysé l’approvisionnement du produit depuis la région de la mer Noire », note Bloomberg.
« Avec l’Inde, une autre partie disparaît du commerce mondial », souligne Andrew Whitelaw, spécialiste des céréales chez le consultant Thomas Elder Markets. « Le monde commence à ressentir de plus en plus durement la pénurie de céréales. Le blé d’hiver américain est d’une qualité inférieure, et les stocks français se tarissent. Les exportations depuis l’Ukraine sont devenues pratiquement impossibles. »
L’Inde a été frappée par une vague de chaleur particulièrement extrême. En conséquence, la récolte de céréales a été perturbée tout le pays. Cette situation avait précédemment incité le gouvernement indien à envisager des restrictions à l’exportation. Des contrats d’exportation pour 4 millions de tonnes seraient encore ouverts.
La région de la mer Noire – le grenier de blé de la planète – représente normalement environ un quart de l’approvisionnement du marché mondial. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Inde a tenté de combler ce vide. Le pays asiatique avait espéré exporter un volume record de 10 millions de tonnes de céréales, sur environ 100 millions de tonnes produites (contre 111 millions estimées avant la vague de chaleur).
Envolée des prix
Ce lundi, à l’ouverture des marchés, les prix du blé partent à la hausse. Les contrats à terme sur le blé des Etats-Unis gagnent directement 5%, pour atteindre 1.240 dollars les 5.000 boisseaux (136 tonnes environ). Les prix sont plus ou moins sur un plateau depuis, mais devraient continuer à augmenter.
Avec les exportations indiennes qui viennent à manquer, en plus des exportations russes et ukrainiennes, les grands greniers deviennent inaccessibles, et cela a un impact sur l’offre. L’Occident dépend moins de ces importations, mais sera tout de même impacté par la hausse des prix, sur le marché mondial. Pour remettre plus d’offre sur ce marché, et répondre au risque d’insécurité alimentaire, la Chine pourrait donner accès à ses réserves de hamster.
Vers une plus forte collaboration Etats-Unis – Europe
« Nous avons convenu avec les États-Unis de coopérer et de coordonner nos approches dans ce domaine, parce qu’en réponse à l’agression de la Russie contre l’Ukraine et à l’augmentation correspondante des prix des denrées alimentaires et aux préoccupations concernant la sécurité alimentaire, les pays commencent à prendre des mesures de restriction des exportations. Et nous pensons que c’est une tendance qui ne peut qu’aggraver le problème », explique Valdis Dombrovskis, commissaire européen du Commerce à CNBC.
Les représentants des deux entités se réunissent ce lundi dans le cadre du Trade and Technological Council (TTC). Ce groupe, où sont habituellement discutés des sujets comme la normalisation des échanges et des organisations ou les chaines d’approvisionnement, a été ravivé depuis la fin du mandat de Trump, où le commerce était surtout marqué par des impositions de différentes taxes. Avec la guerre en Ukraine, ce groupe est également devenu un lieu où sont discutées des sanctions contre la Russie. Reste à voir comment l’Occident pourra s’organiser contre la hausse des prix sur un marché où de plus en plus de pays coupent des ressources.