L’euro a-t-il été une bonne chose pour l’Italie?

Le premier janvier prochain marquera les 20 ans de l’introduction de l’euro pour les onze pays qui ont été les premiers à l’adopter ( l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Grand Duché de Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal). Mais en Italie, le débat fait rage sur la pertinence de l’adhésion du pays à la zone euro, au regard de ses difficultés économiques.

Ce débat fait rage actuellement en Italie, même si 57 % des Italiens ont estimé que la monnaie unique était une bonne chose pour leur pays lors d’un récent sondage, soit 12 % de plus qu’il y a un an.

Mais l’Italie ne s’est jamais vraiment remise du passage à l’euro, et a entamé un déclin qui semble inexorable, en raison de sa dette abyssale, qui se monte à 132 % de son PIB, du vieillissement de sa population, de sa corruption élevée, de sa lourde bureaucratie, de sa faible productivité et du manque d’investissements d’infrastructure.

Les 11 « primo-adoptants » de l’euro se portent tous mieux… sauf l’Italie

Pourtant, l’euro a été globalement une bonne chose pour le groupe des 11 pays qui l’ont adopté à la création de la zone euro, le 1er janvier 1999. L’Allemagne a pu surmonter les difficultés liées à la réunification du pays, et a profondément réformé son marché du travail ; bien, que l’Espagne détienne l’un des taux de chômage records de l’UE, son économie a crû 4 fois plus rapidement que celle de l’Italie depuis 1999. Même la France, pourtant rétive aux réformes, a enregistré de meilleures performances que sa voisine transalpine. Les petits pays ont aussi largement profité de l’euro, y compris des pays profondément meurtris par la crise de 2008, tels que l’Irlande ou le Portugal.

L’euro a amplifié les faiblesses de longue date de l’Italie

Pour certains analystes, la monnaie unique a amplifié les faiblesses de longue date du pays, tout en réduisant la marge de manœuvre des politiciens pour les résoudre. « La faible croissance en Italie remonte à bien avant l’euro », a ainsi rappelé Mario Draghi, le président (italien) de la Banque centrale européenne durant un discours donné à Pise le 15 décembre dernier pour commémorer les 20 ans de l’euro. « Tout au long des années 80 et des années 90, la pays a commencé à vivre au dessus de ses moyens, comme le montre la trajectoire de la dette publique, mais les dévaluations permettaient à l’économie de rester compétitive », explique Marco Valli, l’Économiste en chef de la banque italienne UniCredit à Milan. 

Les années 2000 ont été caractérisées par l’arrivée de la concurrence chinoise, qui a laminé l’avantage concurrentiel des usines italiennes. Mais avec l’euro, les politiciens italiens avaient perdu la principale arme dont ils disposaient jusqu’alors pour résoudre ce type de problème : la dévaluation de la lire. 

L’euro a favorisé la frénésie de dépenses publiques et l’inflation de la dette italienne

D’un autre côté, l’euro a renforcé la confiance des investisseurs, ce qui a fait baisser les taux d’intérêt. Cela a permis de réduire le service de la dette de 20 milliards d’euros par rapport à l’année précédente, et Rome a été en mesure d’emprunter pour moins cher. Mais plutôt que d’en profiter pour assainir les comptes publics, les dirigeants italiens ont préféré se lancer dans des programmes de dépenses publiques qui ont fait de l’Italie le second pays le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce (dont la dette représente près de 179 % du PIB). De plus, le pays a échoué à assainir son système bancaire, et les banques italiennes sont ressorties fragilisées de la crise financière avec une montagne de créances douteuses dans leurs bilans.

Le déclin de la productivité est la véritable maladie de l’Italie

Mais le véritable talon d’Achille de l’Italie, c’est l’absence de croissance de la productivité, affirment Alessandro Speciale et Chiara Albanese dans Bloomberg. Les entreprises italiennes ont profité de l’euro pour investir dans la première décennie qui a suivi son introduction, mais cela n’a pas suffi pour juguler l’érosion de leur productivité.

Ce phénomène reste relativement méconnu et laissé pour compte dans la politique gouvernementale. Dans l’accord de la coalition au pouvoir en Italie, formée du parti anti-système Movimento 5 Stelle (M5S) et du parti d’extrême droite de la Lega, le mot « productivité » n’apparaît qu’une seule fois, et ne concerne même pas les entreprises du pays (Il est cité dans le cadre du domaine judiciaire).

Les analystes qui ont tenté de trouver des explications à ce déclin de la productivité italienne ont évoqué le manque de flexibilité du marché du travail, la taille excessive du secteur public, le clientélisme, la faiblesse des investissements dans le système éducatif, et la petite taille des entreprises italiennes. Mais l’Italie était déjà affligée de ces handicaps avant l’arrivée de l’euro, notent les deux auteurs.

L’euro a tout de même permis à l’Italie de réaliser certains progrès 

L’euro a tout de même permis à l’Italie de réaliser certains progrès. Les banques se sont désendettées, les exportations ont augmenté, le pays a créé plus d’un million d’emplois depuis 2013 et il est remonté dans les classements mondiaux en matière de compétitivité.

Plus