Principaux renseignements
- L’évolution vers un monde multipolaire s’accélère à mesure que les sanctions occidentales contre la Russie provoquent un mouvement mondial d’abandon du dollar américain.
- L’utilisation d’un « petroyuan » pour les transactions pétrolières par les nations BRICS pourrait perturber de manière significative l’ordre mondial existant, l’adhésion de l’Arabie saoudite au projet mBridge et son ouverture à envisager des alternatives au système de paiement du pétrole dominé par le dollar étant des facteurs clés de cette évolution potentielle.
L’évolution vers un monde multipolaire s’accélère à mesure que les sanctions occidentales contre la Russie provoquent un mouvement mondial d’abandon du dollar américain. Un éminent groupe de réflexion suggère que les nations BRICS sont prêtes à perturber de manière significative l’ordre mondial existant en explorant l’utilisation d’un « pétroyuan » pour les transactions pétrolières.
Herbert Poenisch, maître de conférences à l’université de Zhejiang et ancien économiste principal à la Banque des règlements internationaux, met en évidence deux facteurs clés à l’origine de ce changement potentiel. Premièrement, le récent élargissement des BRICS à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, à l’Iran, à l’Égypte et à l’Éthiopie confère un poids important aux aspirations du bloc. En particulier, l’Arabie saoudite, l’un des principaux fournisseurs de pétrole, a rejoint le projet mBridge, l’initiative de monnaie numérique de la BRI, et s’est déclarée prête à envisager des alternatives au système de paiement du pétrole dominé par le dollar, y compris le petroyuan.
La mise en œuvre pratique d’un Petroyuan
Si M. Poenisch reconnaît la faisabilité conceptuelle de l’établissement d’un pétroyuan, il s’inquiète de sa mise en œuvre pratique. Il souligne qu’une véritable monnaie doit remplir trois fonctions essentielles : dénomination, moyen de paiement et réserve de valeur. Il note que si le pétroyuan peut effectivement servir d’outil de dénomination, la réalisation des deux autres fonctions présente des défis considérables.
M. Poenisch attire l’attention sur les tentatives passées des pays BRICS d’utiliser un système obsolète de comptes de correspondants pour contourner le système SWIFT contrôlé par les États-Unis, qui ont déjà rencontré des difficultés en raison de l’examen minutieux auquel sont soumises les banques chinoises participantes et du risque de sanctions américaines. En outre, il souligne les déséquilibres dans l’utilisation des devises entre les pays BRICS, citant des exemples tels que l’accumulation de roupies indiennes dans les banques russes en raison des importations de pétrole.
Recyclage des excédents et fonction de réserve de valeur
Selon M. Poenisch, l’obstacle le plus important auquel est confronté le pétroyuan réside dans la fourniture d’une quantité suffisante de renminbis aux principaux pays importateurs de pétrole, tels que l’Inde, qui n’ont pas d’excédent de compte courant avec la Chine et qui ont donc du mal à accumuler suffisamment de renminbis pour acheter du pétrole. Il suggère que le projet mBridge, un système de paiement moderne utilisant les monnaies numériques des banques centrales pour remplacer le système obsolète des comptes de correspondants, pourrait offrir une solution viable en facilitant le règlement immédiat entre les banques centrales partenaires en Chine, à Hong Kong, aux Émirats arabes unis, en Thaïlande et en Arabie saoudite.
En ce qui concerne la troisième fonction de la monnaie – servir de réserve de valeur – M. Poenisch observe que les pays exportateurs de pétrole accumuleront des quantités substantielles de renminbis. Il insiste donc sur la nécessité d’un mécanisme permettant de recycler efficacement ces excédents vers les pays qui en ont besoin, à l’instar de l’efficacité du système basé sur le dollar et géré par les banques mondiales. Toutefois, il prévient que le recyclage des excédents de renminbi dans le cadre du petroyuan sera beaucoup plus complexe en raison du contrôle étroit exercé par la Chine sur le marché offshore du renminbi.
La Chine en tant que premier bénéficiaire
En fin de compte, M. Poenisch estime que la Chine sera le principal bénéficiaire du renforcement du rôle du renminbi et qu’elle tirera d’importants avantages économiques du système du petroyuan. Il reconnaît que si la Chine a jeté les bases d’un marché pétrolier dominé par le renminbi grâce à des plateformes telles que le système de paiement interbancaire transfrontalier et la bourse de pétrole et de gaz naturel de Shanghai demeurent encore peu développés.
Malgré cela, il prévoit que les banques chinoises prospéreront grâce au processus de recyclage associé aux excédents de renminbi. Il conclut que si l’introduction d’un pétroyuan promet d’importantes opportunités financières pour la Chine et les intermédiaires participants, elle fragmentera davantage le système financier mondial.
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