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Les marchés boursiers ne peuvent remonter que si nous sommes (beaucoup) plus nombreux à être au chômage

Les marchés boursiers ne peuvent remonter que si nous sommes (beaucoup) plus nombreux à être au chômage
Wall Street – Michael Nagle/Bloomberg via Getty Images

L’inflation s’avère plus persistante que prévu. Même avec la baisse des prix du pétrole, les banques centrales craignent désormais une spirale salaires-prix. La banque centrale américaine (Fed) a clairement indiqué qu’elle continuerait à lutter contre l’inflation. Elle ne peut le faire qu’en menant une politique monétaire restrictive qui ne peut qu’entraîner une forte hausse du chômage. Les marchés boursiers se réjouiront lorsque les gens perdront leur emploi ou que les salaires cesseront d’augmenter. Selon des chercheurs de l’université Johns Hopkins, il faudra attendre de voir au moins 5 millions de chômeurs aux États-Unis.

La logique des marchés boursiers est parfois très peu claire pour les investisseurs qui n’y sont pas impliqués jour après jour. Pourquoi les marchés boursiers baissent-ils lorsque de bons chiffres sont publiés et pourquoi les marchés boursiers montent-ils lorsqu’il n’y a que des mauvaises nouvelles ?

Plus d’emplois = taux d’intérêt plus élevés

Le vendredi 7 octobre, les marchés boursiers ont fortement chuté après un rallye naissant qui avait provoqué une légère hausse. La raison ? Un rapport sur l’emploi encore une fois très encourageant, qui montre que l’économie américaine a créé 263.000 postes en septembre. Les taux d’intérêt à long terme ont immédiatement augmenté. Les investisseurs en savaient assez. Cela signifiait que la Fed était susceptible de continuer à augmenter les taux d’intérêt. Or, des taux d’intérêt élevés sont néfastes pour les entreprises endettées, mais aussi pour les consommateurs qui ont moins la possibilité d’emprunter.

Moins de croissance de la productivité = plus d’inflation

Il y a un autre danger qui se cache au coin de la rue. The Economist a calculé que la croissance de la productivité ne parvient pas à suivre l’inflation, sans prendre en compte l’énergie. L’inflation sous-jacente est donc beaucoup trop élevée. Nous devons de toute urgence devenir beaucoup plus productifs. Mais ce n’est pas le cas. Même si les prix de l’énergie sont maîtrisés, l’inflation restera obstinément élevée, selon leurs calculs.

Inflation sous-jacente pour toutes les grandes économies développées en 2022 (The Economist)

Moins d’inflation = plus de chômage

Les économistes parmi nous se souviendront de la courbe de Phillips du cours de macroéconomie. La courbe porte le nom de l’économiste néo-zélandais William Phillips ; la version originale montre qu’il existe une relation inverse entre les salaires nominaux et le chômage. Si l’inflation augmente, cela signifie que le chômage diminue. Si l’inflation diminue, le chômage augmente.

Bien que cette courbe ait été remise en question par certains, elle est toujours bien vivante. Une étude récente de la Banque de la Réserve fédérale de Saint Louis le montre clairement, comme l’indique le graphique ci-dessous. Vous pouvez constater que l’inflation (= ligne rouge) est élevée lorsque le chômage (ligne bleue) est faible. Lorsque l’inflation est faible, le chômage est élevé.

Le message est donc clair. Augmentez le chômage si vous voulez faire baisser l’inflation.

Surtout, pas d’indexation automatique des salaires

Même si le chômage n’augmente pas de façon spectaculaire, les salaires devront certainement baisser ou du moins cesser d’augmenter. L’indexation automatique des salaires en Belgique est donc tout ce que les observateurs de la Fed et donc la Banque centrale européenne veulent éviter. Si la pénurie actuelle de travailleurs reste chronique, les salaires nominaux ne pourront que continuer à augmenter. Ainsi, même si nous pouvons éviter une hausse du chômage, les banques centrales veulent absolument faire en sorte que la main-d’œuvre soit moins payée.

Là encore, le message est clair. Pas d’augmentation des salaires, si vous voulez combattre l’inflation.

Mais 5 millions de chômeurs de plus

Une analyse récente réalisée par Larry Ball, macroéconomiste à l’université Johns Hopkins, en collaboration avec Daniel Leigh et Prachi Mishra du Fonds monétaire international (FMI), permet même de chiffrer ce phénomène. Si l’inflation doit redescendre à 2 %, le taux de chômage américain doit atteindre 6,5 %. Aujourd’hui, le taux de chômage américain est tombé à 3,5 %. Le Wall Street Journal a qualifié ce document de plus effrayant qu’il ait lu depuis des années.

Quand on sait qu’il y a 158 millions de personnes qui travaillent aux États-Unis, on peut se facturer l’addition : cela signifierait ajouter 5 millions de chômeurs.

Bien sûr, quand il pleut aux États-Unis, il pleut aussi en Europe. Ceux qui pensent que les marchés boursiers vont se redresser rapidement se trompent. Il faudra encore transpirer un certain temps avant de trouver un point d’entrée idéal sur le marché boursier.

La Bank of America nous a peut-être donné un indice à ce propos : les États-Unis devraient perdre 175.000 emplois tous les mois lors du premier trimestre. Une première hausse du chômage qui pourrait engendrer une baisse de l’inflation et donc un assouplissement de la politique monétaire de la Fed.


Xavier Verellen est un auteur et un entrepreneur. Il est propriétaire de la société de conseil PaloAlto33 (www.paloalto33.be) et de la scale up QelviQ (www.qelviq.com).

BL

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