Les sommes faramineuses issues de Russie qui ont été gelées suscitent bien des convoitises ; il semblerait juste que les Ukrainiens puissent puiser dans cette manne pour reconstruire. Mais cette logique se heurte à un cadre juridique complexe d’abord, et aux intérêts de ceux qui piochent déjà dedans ensuite.
Utiliser les fonds russes gelés pour reconstruire l’Ukraine ? C’est finalement l’Allemagne qui freine des quatre fers, mais la Belgique veut se faire oublier

Pourquoi est-ce important ?
Ce sont des milliards de dollars saisis à des fonds russes qui dorment, en attendant que l'on sache ce que l'on va bien pouvoir en faire. Car toute décision créerait un précédent. Et d'ici-là, ils fructifient ; du pain bénit pour ceux qui ont les clefs du coffre, et les gouvernements qui peuvent les taxer.Dans l’actualité : l’idée d’utiliser les fonds russes gelés pour financer la reconstruction d’une Ukraine martyrisée par un an de guerre est de plus en plus populaire, et l’Union européenne aimerait beaucoup avancer dans cette direction. Mais l’Allemagne ne veut pas, car c’est là un terrain juridiquement très instable.
Le passif des indemnités de guerre
- Des hauts fonctionnaires allemands, qui sont restés anonymes, ont confié au Financial Times que, s’ils estimaient nécessaire de continuer à localiser et geler les avoirs russes, les céder à l’Ukraine équivaudrait à ouvrir la boite de Pandore.
- Il n’y a pas de véritable cadre juridique aux versements à titre de réparation de guerre, d’autant plus quand le pays qui voit ses biens saisis n’est absolument pas dans une démarche coopération.
- Marco Buschmann, le ministre allemand de la Justice, aurait étudié les propositions de l’UE visant à récupérer les actifs de la banque centrale russe et avait conclu qu’elles étaient juridiquement irréalisables, avance le média économique. Mais le cabinet allemand s’est abstenu de tout commentaire.
- Or l’Allemagne s’y connait en réparations d’après-guerre, et à Berlin, on craint de réveiller de vieilles rancœurs si une telle manœuvre s’avère possible. Les réclamations toujours réclamées par la Pologne ou la Grèce pour les crimes de la Seconde Guerre mondiale reviennent encore de temps en temps sur la table.
Un consensus… Belgique exceptée ?
L’une des options envisagées par la Commission européenne consiste à exiger des dépositaires de titres qu’ils versent une contribution exceptionnelle provenant des bénéfices générés lorsqu’ils réinvestissent le produit des actifs russes immobilisés. Ainsi on ne touche pas tout à fait aux avoirs, mais à l’argent qu’ils génèrent en dormant. Selon un haut-fonctionnaire européen, il y a consensus pour que cet argent soit utilisé à bon escient, dans un cadre légal. Sauf que c’est notre pays qui pourrait se retrouver quelque peu gêné.
- Car fin mai dernier, on apprenait que la multinationale belge Euroclear avait fait des bénéfices plantureux avec cet argent des élites russes. Celle-ci a dans ses coffres 196,6 milliards d’actifs, dont 180 qui proviennent directement de la banque centrale du pays. De quoi ramener 734 millions d’euros d’intérêts rien qu’au premier trimestre 2023.
- Là où ça se corse, c’est que l’État belge touchait une part du gâteau, via le système de l’impôt sur les bénéfices : pas moins de 625 millions ont été soudainement ajoutés dans la colonne des actifs du tableau comptable de la Vivaldi. De quoi renflouer un gouvernement qui racle les fonds de tiroir. Et il en espérait même 100 millions supplémentaires, histoire de bien commencer 2024. Le gouvernement belge aussi aime donc savoir l’argent russe bien au chaud.
- Du côté des Ukrainiens, on rappelle quand même que, selon leurs estimations, l’UE pourrait lever 3 milliards d’euros par an grâce aux avoirs de la banque centrale russe à elle seule.