Les banques centrales ne jurent que par lui, mais d’où vient le fameux objectif de 2% d’inflation ?

L’inflation a été le mot économique de l’année 2022, et il pourrait jouer les prolongations cette année, avant un retour à l’objectif de 2% en 2024. Mais d’où vient cet objectif ?

Pourquoi est-ce important ?

Voilà un an que les banques centrales se battent contre l'inflation, dont l'origine est une crise de l'offre, suivie par une forte hausse des prix de l'énergie. Leur principal outil pour ce faire est de jouer avec les taux d'intérêt. En augmentant les taux, les banques centrales espèrent refroidir l'économie, car il devient plus coûteux d'emprunter et donc d'investir (entreprises) et de consommer (particuliers). Les banques centrales ont pour principale mission la "stabilité des prix". Mais pourquoi cet objectif précis des 2 % ?

L’inflation : les banques centrales doivent lutter contre une inflation excessive. Mais qu’est-ce que l’inflation ? Ce n’est pas tellement une hausse des prix, mais plutôt une dévaluation monétaire : les 100 euros que vous possédez aujourd’hui valent plus que 100 euros dans 10 ans. Les banques centrales luttent contre une inflation excessive pour protéger le pouvoir d’achat, la prospérité économique et la création d’emplois.

La déflation : sans doute encore pire que l’inflation, il y a la déflation : 100 euros aujourd’hui vaudront plus dans 10 ans, alors pourquoi les dépenser ? Le résultat de la déflation est une baisse de la consommation, une croissance qui s’effondre et finalement une perte de richesse.

L’objectif : l’objectif des banques centrales est « la stabilité des prix ». En d’autres mots, elles doivent éviter de longues périodes de déflation ou d’inflation.

Pourquoi les 2% ? La Banque centrale européenne voit trois raisons :

  • La clarté : « Notre objectif est clair et prévisible. Il vous permet d’évaluer l’ampleur de la variation probable des prix », écrit la BCE. Nos décisions en matière de dépenses, d’emprunts et d’investissements se basent sur l’anticipation de l’inflation. Un objectif à moyen terme clair stabilise les prix.
  • Une marge de sécurité : une inflation de 2% donne une marge de sécurité par rapport à la déflation, qui, au final, est encore plus destructrice de richesse. De plus, les instruments des banques centrales – les taux d’intérêt – atteignent plus facilement leurs limites. À un moment donné, il devient inutile, pour une banque centrale, de continuer à diminuer les taux. Plus l’objectif d’inflation est élevé, plus cela donne de la force à ces outils conventionnels.
  • L’écart entre les pays de la zone euro : l’objectif d’une inflation de 2 % offre une marge en cas d’écarts des taux d’inflation entre les pays de la zone euro, qui devraient idéalement s’équilibrer dans le temps. Entre les pays qui ont une inflation proche de zéro, voire négative, et les pays qui ont une inflation au-dessus des 2%.

En résumé, une inflation de 2% est un objectif clair, qui laisse une marge de sécurité par rapport à la déflation et qui tient compte de l’écart entre les pays de la zone euro. Mais il s’agit donc d’un chiffre complètement arbitraire.

Historiquement

D’où vient cet objectif ? La BCE le mentionne pour la première fois en 1998, avec un objectif de hausse de l’inflation « en dessous des 2 % ». En 2003, le conseil des gouverneurs a mis à jour sa définition en précisant ‘ »inférieur à, mais proche de 2% ». Cet objectif a été atteint de 1999 à 2012, l’inflation s’étant située en moyenne à 2 %. En revanche, entre 2013 et 2019, elle s’est établie en moyenne à seulement 1,1 %. En 2021, finalement, la BCE a annoncé un objectif clair « de 2% à moyen terme ».

Le Canada a introduit une cible d’inflation en 1991, le Royaume-Uni a suivi en 1992, puis la Suède et la Finlande en 1993. Il a fallu attendre 2012, pour que les États-Unis annoncent un objectif clair de 2%.

Mais le premier pays à avoir introduit un objectif d’inflation est… la Nouvelle-Zélande, en 1989. CNBC est allé chercher la raison de cet objectif d’inflation auprès d’Arthur Grimes, professeur de bien-être et de politique publique à l’université Victoria, qui à l’époque était fraichement diplômé et a commencé à travailler à la banque centrale de son pays, qui n’était alors pas indépendante du gouvernement.

  • « Nous nous disions : « OK, si nous sommes indépendants, que devons-nous viser ? Les taux d’intérêt ou la masse monétaire ? »
  • « Et un jour, j’ai dit : ‘Eh bien, en fait, qu’essayons-nous d’atteindre ? Nous essayons d’atteindre la stabilité des prix. Pourquoi ne pas simplement avoir un objectif d’inflation ? »

Reste que le chiffre magique de 2% est toujours controversé. Car il ne repose sur aucun fondement mathématique ou économique. En 2017, certains économistes ont écrit une lettre ouverte, plaidant pour un objectif plus élevé.

« Rien ne prouve que l’inflation à 3 ou 4 % cause des dommages substantiels par rapport à l’inflation à 2 % », a expliqué Laurence Ball, professeur d’économie à l’université Johns Hopkins et consultant pour le Fonds monétaire international. « On pourrait penser que… peut-être que quelque part dans la Bible, Dieu dit qu’il veut une inflation de 2 %. »

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