Envoyer des êtres humains sur Mars, on peut sans trop d’incertitudes avancer que ça se fera. Y faire survivre à long terme quelques-uns au moins de nos congénères, par contre, c’est plus compliqué. Il faut les abriter, les nourrir, et leur donner de quoi respirer. Et la manière d’y parvenir au mieux est toujours ouverte aux suggestions.
Et si la lentille d’eau était notre meilleur atout pour coloniser Mars ? Le genre Wolffia regroupe une série de plantes aquatiques flottantes de la famille des Araceae, avec lesquelles nous sommes tous plus ou moins familiers. Or ces petites plantes présentes sur les plants d’eau, un peu partout sur Terre, pourraient bien se rendre utiles dans l’espace.
Oxygène et nourriture
Elles pourraient servir à fournir de la nourriture et de l’oxygène aux équipages des futures missions de longue durée vers la Lune ou Mars, estiment des scientifiques de l’Université Mahidol en Thaïlande. Comme toutes les plantes, les lentilles d’eau produisent de l’oxygène par photosynthèse, en des quantités intéressantes dans l’espace. Et en plus, certaines sont comestibles et font partie intégrante de la gastronomie d’Asie du Sud-Est.
« La lentille d’eau est consommée dans notre pays depuis longtemps – utilisée avec un œuf frit dans une soupe, ou mangée en salade. Vous consommez 100% de la plante quand vous la mangez, ce qui est prometteur pour l’agriculture spatiale. Un autre avantage de la lentille d’eau est qu’elle a une durée de vie assez courte, donc nous pouvons étudier son cycle de vie complet en cinq à dix jours. »
Tatpong Tulyananda, chef d’équipe et chercheur à l’Université Mahidol
Lentilles à la centrifugeuse
Des plantes qui poussent très vite, et qui surtout semblent bien supporter les variations importantes de la gravité. Un facteur à garder en tête quand on veut qu’un être vivant se développe, d’autant que les plantes ont généralement besoin de repères tels que le « haut » et le « bas » pour pousser droit. Mais elle doit aussi pouvoir se hisser plus ou moins droite pour se développer. Rien de tout ça avec des lentilles d’eau.
Mais on se demandait justement comment elles réagiraient en hypergravité. Les scientifiques thaïlandais les ont donc soumises à des conditions gravitationnelles jusqu’à 20 fois plus fortes que sur notre planète, et ce, pendant des semaines, voire des mois, détaille Space.com. Suffisamment longtemps pour voir se développer de nouvelles générations de lentilles, qui n’ont donc connu que la centrifugeuse. Des expériences réalisées aux Pays-Bas, en collaboration avec l’Agence spatiale européenne.
Le défi de la gravité
« Comme la lentille d’eau n’a ni racines, ni tiges, ni feuilles, c’est essentiellement juste une sphère flottant sur un plan d’eau. Cela signifie que nous pouvons nous concentrer directement sur les effets des changements de gravité sur sa croissance et son développement.[…] Jusqu’à présent, nous avons observé peu ou pas de différence entre la croissance des plantes à 1g et la microgravité simulée, mais nous voulons étendre nos observations pour avoir une idée de la manière dont les plantes réagissent et s’adaptent à toute la gamme des environnements gravitationnels. »
Tatpong Tulyananda
Les plantes ont subi auparavant l’épreuve de la microgravité simulée, grâce à des clinostats, des dispositifs qui changent continuellement d’orientation pour simuler une faible gravité. Sans changement majeur apparent pour leur croissance. Les chercheurs n’ont toutefois pas commenté si en cuisine, ça changeait quelque chose. Reste que les lentilles d’eau semblent plutôt adaptatives. De quoi offrir peut-être un peu de variété dans les menus des futurs astronautes au long cours, à côté des champignons et autres pousses de soja.
