L’économie russe a plutôt fait bonne figure l’année dernière. L’écroulement annoncé par certains n’a pas eu lieu. Mais avec les prix des énergies fossiles qui sont désormais rentrés dans le rang, cette deuxième année de guerre devrait être nettement plus compliquée pour la Russie, sur le plan économique.
Dans l’actu : l’économie russe marque le pas.
- Malgré de nouveaux débouchés en Chine et en Inde, la Russie vend son pétrole et son gaz au rabais : les revenus de l’État fédéral liés au pétrole et au gaz, en janvier 2023, a diminué de 54% par rapport à décembre 2022, et de 46% par rapport à janvier 2022. Ce qui a changé : l’embargo et le plafond des prix instaurés début décembre sur le pétrole russe transporté par voie maritime.
- Les chiffres pour février 2023 sont à peine meilleurs, révèle le Wall Street Journal. On attend toujours l’impact de l’embargo sur les produits pétroliers russes (carburants) instaurés en février sur les chiffres de mars.
- En 2022, la taxe sur le pétrole et le gaz représentait 46% du budget fédéral. On comprend donc très vite qu’en ce début d’année, le trésor public a pris un coup : le déficit budgétaire a atteint 34 milliards de dollars au cours de ces deux premiers mois de l’année.
- Depuis novembre, le rouble a perdu 20% de sa valeur par rapport au dollar.
- Le gouvernement peut toujours emprunter au niveau national, mais les réserves du fonds souverain ne comptent plus que 147 milliards de dollars, une diminution de 28 milliards de dollars par rapport au niveau pré-invasion.
- La fuite des cerveaux et la mobilisation de 300.000 hommes créent des pénuries : selon la banque centrale russe, près de la moitié des entreprises sont confrontées à un manque de main-d’œuvre.
L’essentiel : la Russie face à un dilemme.
- La capacité de la Russie à mener sa guerre contre l’Ukraine n’est pas menacée à court terme. Mais sur le long terme, le tableau est beaucoup plus sombre pour le Kremlin. Plutôt ce mois-ci, l’oligarque russe Oleg Deripaska, fondateur et propriétaire de l’un des plus grands groupes industriels russes (Basic Element), voit son pays en difficulté : « Il n’y aura pas d’argent l’année prochaine, nous avons besoin d’investisseurs étrangers ».
- Pour Alexandra Prokopenko, ancienne responsable de la Banque centrale russe qui a quitté le pays peu après l’invasion, « l’économie russe entre dans une phase de régression à long terme », renforçant un dilemme bien connu en Russie : les dépenses militaires ou les dépenses sociales. Là-bas, nul n’a oublié les périodes de grandes famines, y compris durant le second conflit mondial.
- Lors de son discours sur l’état de la nation, le mois dernier, Poutine a voulu se montrer rassurant : « Vous savez, il y a une maxime, les armes contre le beurre. Bien sûr, la défense nationale est la priorité absolue, mais en résolvant les tâches stratégiques dans ce domaine, nous ne devrions pas répéter les erreurs du passé et ne devrions pas détruire notre propre économie. »
Pour sauver sa peau, Poutine n’a pas le choix d’avoir raison. Car toute sa politique repose sur un contrat social que permettaient les revenus du pétrole et du gaz : la non-contestation du pouvoir politique contre la hausse du niveau de vie des Russes.